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Jours tranquilles à Paris
17 avril 2016

Festival de Cannes 2016

Opération déminage pour la sélection cannoise

Grand-messe parisienne qui donne chaque année le coup d’envoi officiel de la saison cannoise, la conférence de presse du festival de Cannes s’est tenue au matin du jeudi 14 avril dans la grande salle du cinéma Le Normandie, sur les Champs-Elysées. Dans leur numéro désormais bien rodé de duettistes, Thierry Frémaux et Pierre Lescure, respectivement délégué général et président du festival, s’étaient visiblement passé le mot : il s’agissait d’apaiser, de pacifier, de rassurer. Plus qu’aucune autre, de fait, cette édition, s’annonce semée de mines.

Première mine, les intermittents qui ont accueilli les journalistes avec force tracts et pancartes. Ils ont ouvert le bal en montant sur scène pour exprimer leur hostilité farouche à la loi El Khomri, leur angoisse quant à l’avenir de leur régime de protection sociale, leur solidarité avec tous les précaires, « avec ou sans papiers », et en brandissant, en guise de conclusion, la menace d’un blocage des festivals.

Deuxième mine, et pas la moindre, le risque terroriste qui pèse sur le festival et qui ferait actuellement l’objet, selon Thierry Frémaux, de nombreuses réunions entre la police et les autorités politiques des Alpes-Maritimes.

Troisième mine, les soubresauts qui ont marqué ces dernières semaines les relations entre Canal+ et le festival, et qui semblent avoir été à peu près canalisés.

Quatrième mine, la sélection officielle elle-même, dont il convenait de restaurer le prestige absolu après les attaques dont elle a fait l’objet en 2015 : de la part de cinéastes mécontents d’avoir été « relégués » dans la section Un Certain Regard et qui avaient rejoint La Quinzaine des réalisateurs en signe de protestation, des journalistes et de la twittosphère qui avaient largement souligné la place nouvelle que semblaient prendre les sponsors dans l’organisation et la communication du festival (notamment dans le discours d’ouverture de la conférence de presse de Pierre Lescure), et enfin de la part de critiques français et internationaux peu sensibles à l’orientation qu’avait prise la compétition, très tournée vers le marché, et pas toujours vers l’art.

En offrant une partie de son temps de parole aux intermittents, Pierre Lescure s’est d’abord épargné la tâche délicate de savoir s’il devait ou non remercier les sponsors. Se contentant de rappeler dans une petite pirouette que, Cannes étant un événement saisonnier, il relevait aussi d’une forme d’intermittence, il a vite passé la parole à Thierry Frémaux, lequel a déroulé la liste des 49 films qui auront cette année les honneurs de la sélection officielle.

« Café Society » de Woody Allen, avec Kristen Stewart et Jesse Eisenberg dans les rôles principaux.

Quatre films français sélectionnés

Ne boudons pas notre plaisir : le cru 2016, qui s’ouvrira avec Café Society de Woody Allen, avec Kristen Stewart et Jesse Eisenberg dans les rôles principaux, fait assez envie. Dans son ensemble, il n’en ressemble pas moins, toutefois, à un rétropédalage en bonne et due forme. On retrouve ainsi en compétition une vaste palette de grands auteurs étoilés (et seulement trois femmes) : les frères Dardenne pour la Belgique, qui avec Adèle Haenel continuent leur travail avec les jeunes et grandes actrices (La Fille inconnue), Pedro Almodovar pour l’Espagne (Julieta), Cristi Puiu pour la Roumanie (Sierra Nevada). Quatre films américains ont été retenus : Loving de Jeff Nichols, que Thierry Frémaux a décrit comme « un film d’époque, une histoire d’amour sur les mariages interraciaux », The Last Face, de Sean Penn, avec Charlize Theron et Adèle Exarchopoulos, Paterson de Jim Jarmusch, qui présente par ailleurs un documentaire sur Iggy Pop, Gimme Danger, en séance de minuit.

L’autre grand pays représenté en compétition est évidemment la France, avec quatre films sélectionnés également : Ma Loute de Bruno Dumont, qui poursuit avec Fabrice Luchini, Juliette Binoche et Valeria Bruni Tedeschi, sa veine burlesco-policière en terres du Nord entamée avec sa série télé « Le P’tit Quinquin », Personal Shopper d’Olivier Assayas, avec Kristen Stewart, qui sera donc, comme l’a souligné le directeur du festival, « une des reines de Cannes », Mal de Pierre de Nicole Garcia avec Louis Garrel et Marion Cotillard, ainsi que Rester Vertical d’Alain Guiraudie.

Autant la sélection 2015 était anglophone, tendance europudding parfois, autant celle-ci s’annonce francophone puisque les films du Néerlandais Paul Verhoeven (Elle, avec Isabelle Huppert) et du Canadien Xavier Dolan (Juste la fin du monde, avec Marion Cotillard, qui mérite donc elle aussi sa couronne de reine cannoise, Léa Seydoux, Gaspard Ulliel, Vincent Cassel, Nathalie Baye…) parleront la langue de Molière.

Parmi les grands cinéastes cannois de la compétition, notons encore le Danois Nicolas Winding Refn avec The Neon Demon, « un film d’horreur cannibale chez les top models », le Roumain Cristi Puiu avec Sierra Nevada, le Coréen Park Chan-wook avec Agassi, le Philippin Brillante Mendoza avec Ma’Rosa, les Britanniques Ken Loach (avec I, Daniel Blake, « un film très loachien », dixit Thierry Frémaux), et Andrea Arnold (avec American Honey). Pour les surprises, il faudra se contenter de Toni Erdmann, de la cinéaste allemande Maren Ade, et d’Aquarius du Brésilien Kleber Filho Mendonça.

Un Certain Regard redevient un lieu de découvertes

Après plusieurs années passées à vouloir faire d’Un Certain Regard une section ouverte à des cinéastes renommés, Thierry Frémaux semble s’être résolu à la laisser redevenir un lieu de découvertes de réalisateurs ne jouissant pas encore d’une forte reconnaissance (l’Iranien Behnam Behzadi, les Françaises Delphine et Muriel Coulin, le Japonais Koji Fukada, l’israélienne Maha Haj, le cinéaste d’animation néerlandais Michael Dudok de Wit, l’Américain Matt Ross…) et de « petits films » de grands auteurs, comme ce serait d’après lui le cas de After the Storm de Hirokazu Kore-Eda.

On se réjouira de la présence, en séance spéciale, de La Mort de Louis XIV d’Albert Serra, avec Jean-Pierre Léaud dans le rôle du roi soleil à l’agonie, du Cancre, de l’inépuisable Paul Vecchiali, et du documentaire Hissène Habré, une tragédie tchadienne de Mahamat-Saleh Haroun. Sans oublier le retour, hors compétition, de Steven Spielberg, avec Le Bon Gros géant (adapté de Roald Dahl). Il cohabitera avec Money Monster de Jodie Foster, Exil du Cambodgien Rithy Panh, Goksung, « un film de vampires coréens » de Hong-Jin Na, et The Nice Guys de Shane Black, une comédie américaine au casting de choc (Ryan Gosling, Russell Crowe, Kim Basinger…), calibré pour le tapis rouge. Article de Isabelle Regnier - Journaliste culture, critique de cinéma

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