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Jours tranquilles à Paris
22 octobre 2016

In memorem : Guy Môquet

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« Au revoir les copains… »

Guy Môquet n’avait que 17 ans quand il a été exécuté par les nazis. Soixante-quinze ans après, le militant communiste reste un exemple de courage.

Par   Charles De Saint Sauveur - Le Parisien

«Présent ! » Guy Môquet se lève aussi sec en entendant son nom. Comme il le faisait lorsqu’il n’était pas encore détenu à Châteaubriant (Loire-Atlantique), mais l’élève insouciant du lycée Carnot à Paris. Il ne flanche pas. Il pourrait, car l’appel vaut sentence de mort. Il avance, droit comme un  i, les yeux plantés dans ceux du sous-lieutenant Touya, l’odieux chef du camp, qu’il défie sans ciller du haut de ses 17 ans. Son âge ne l’a pas sauvé. Sur ordre nazi, le gouvernement de Vichy a livré à l’occupant les noms de 48 prisonniers à fusiller pour venger l’assassinat de Karl Hotz. Le 20 octobre 1941, le commandant des forces allemandes en Loire-Inférieure a été exécuté par des résistants. Le ministre de l’Intérieur, Pierre Pucheu, dresse alors la liste morbide en piochant parmi les prisonniers communistes… A Paris, à Nantes et Châteaubriant, où Guy est désigné avec 26 autres camarades.

Aimer comme un enfant, mourir comme un homme

Il est 14 heures ce mercredi 22 octobre 1941. Il fait beau et froid, il a enfilé le pull en laine gris-bleu que lui a tricoté sa mère. Il se retourne une dernière fois vers ses frères du baraquement 10. « Au revoir, les copains », lâche-t-il crânement. Ils sont une quarantaine à regarder partir le benjamin du camp, qu’on entendait toujours souffler dans son harmonica. « Courage, petit », entend-on, alors qu’il disparaît derrière la haie de gendarmes et de soldats allemands.

Les 27 sont réunis dans la baraque 6 pour rédiger leurs dernières lettres. Assis sur un banc, Guy s’applique, de son écriture fluide et déliée. Depuis qu’il a été arrêté, un an plus tôt, métro Gare-de-l’Est, pour avoir tracté des « papillons » du PCF, le petit Môquet n’a pas arrêté d’écrire. « Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé, commence-t-il. Je vais mourir ! » A Juliette, sa maman, il demande d’être « courageuse ». A son frère Serge, de bien étudier « pour être plus tard un homme ». Un homme, comme il espère l’avoir été aux yeux de son père, Prosper, un cheminot devenu député communiste des Epinettes (XVII  e arrondissement) en 1936. « Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée », lui écrit Guy, qui ajoute : « 17 ans et demi, ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous […] Je vous embrasse de tout mon cœur d’enfant. Courage ! »

Il faut maintenant monter dans le camion. Pour l’ultime voyage vers son Golgotha, à trois kilomètres de là, il a un père de substitution. Jean-Pierre Timbaud, le chef des métallos de la CGT, ne lâche pas le bras de son jeune compagnon de peloton. Dans la sablière, les neuf poteaux taillés la veille dans des sapins attendent les suppliciés, qui chantent « la Marseillaise » et hurlent « Vive la France ». Il est 16 heures. C’est au tour de Guy et de Tintin de faire face à leurs bourreaux. Certains ont raconté que le gosse s’était évanoui. Peut-être qu’il s’est offert un dernier songe. Peut-être même qu’y est apparu le joli visage de « sa petite Odette », détenue comme lui à Châteaubriant. Transi d’amour, l’ado lui avait fait du gringue. C’est à elle qu’il a destiné sa dernière lettre : « Ce que je regrette c’est de ne pas avoir eu ce que tu m’as promis. Mille grosses caresses de ton camarade qui t’aime, Guy. »

Soixante ans plus tard, Odette Nilès livrera dans « l’Humanité » le fin mot de l’histoire : « Guy m’avait dit un jour :  Est-ce que tu serais d’accord pour me faire un patin ? » Elle avait répondu, sans trop savoir : « Si tu veux. » Qui pouvait résister au petit Môquet ?

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