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Jours tranquilles à Paris
2 décembre 2016

Helmut Newton, Man Ray, Madonna… La surprenante collection mondaine de Carla Sozzani

A la Galerie Azzedine Alaïa, l'ex-rédactrice en chef de Vogue Italie expose des images de nombreux VIP de la mode et de l'art. Bouleversant à plus d'un titre.

La Galerie parisienne Azzedine Alaïa n’est pas si petite que cela. Mais pour y faire entrer les 213 oeuvres des soixante quinze photographes de la collection Carla Sozzani (née en 1947), il a fallu jouer serré en accrochant les images au coude à coude. Prenez à peu près n’importe quel nom connu de la photographie du XXe siècle — Cecil Beaton, Karl Blossfeldt, Larry Clark, Frantisek Drtikol... et vous le trouverez à un endroit ou un autre aux cotés de Irving Penn, Man Ray ou... de Helmut Newton.

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Le selfie d'Helmut Newton

Bien avant l’invention de la perche à selfie, le photographe d’origine allemande réalise en 1996 ce que l’on appelait encore au siècle dernier un autoportrait, en tournant vers lui son appareil à bout de bras. Le roi du « porno chic » se représente dans un état de sidération, compressé en bas de l’image, tout petit, écrasé par ce qu’il vient de découvrir: L’Origine du monde de Gustave Courbet. Acquise deux ans auparavant par le musée d’Orsay, la toile est encore peu connue. Le provocateur Newton, alors âgé de 76 ans, ayant consacré son oeuvre à la fascination qu’exercent sur lui le corps des femmes, avoue à cet instant via ce cliché que jamais il n’a pu atteindre une telle audace dans le libertinage.

Rédactrice en chef de Vogue dans les 70's

Comme beaucoup d’autres photographes présentés dans la galerie du Marais, Helmut Newton n’est pas ici par hasard. Avant d’être une galeriste réputée, Carla Sozzani l’avait connu lorsqu’elle était rédactrice en chef de Vogue dans les années 1970. L’Italienne connaît bien le milieu de la photo pour avoir passé des commandes à Sarah Moon, Paolo Roversi, Deborah Turbeville... Toutes ces grandes signatures sont présentes dans l’exposition réalisée par le directeur du musée d’art moderne de la ville de Paris, Francis Hergott.

Roger Ballen, un autre grand photographe présent dans cette exposition.

L’éclectisme des choix saute aux yeux et permet de mieux faire connaissance avec la collectionneuse, une personnalité influente en Italie de la mode et du design, amie intime et soutien inconditionnel du styliste et grand couturier franco-tunisien Azzedine Alaïa.

Bavardage mondain

Femme d’affaires, créatrice de boutiques et hôtels branchés dans son pays, au Japon et en France, Carla Sozzani a constitué un ensemble à son image. Elle a le goût de la sociabilité, et peut-être même du bavardage mondain, à en croire certains de ses choix. Des auteurs comme Walker Evans ne sont représentés qu’avec un seul cliché, Road sign, (pancarte sur le coté de la route, 1936) en l’occurrence, une citation mineure dans l’oeuvre du maître de la photographie documentaire. Visiblement, la signature compte plus que l'image, l’important reste d'ajouter un nom de prestige à la liste d’invités d’une soirée réunissant la haute société de la photographie.

De petits chefs d'œuvres

Les créateurs sont accompagnés de leurs créatures : portraits de Madonna, Noami Cambell, Sofia Coppola, par l’Américain Steven Meisel (né en 1954) ou encore Azzedine Alaïa aux cotés de Carla Sozzani réunis devant l’objectif de Dominique Isserman (née en 1947). Bref que du beau linge, et le sentiment parfois de feuilleter un magazine de mode.

Mais dans cet accrochage dense où dominent les clichés en noir et blanc, on tombe sur de petits chefs d’œuvres : la photo de cette femme aux membres euphoriques allongée sur un canapé ( Danseuse satirique d'André Kertész- 1926) ou encore la Marilyn Monroe charnellement crucifiée par Bert Stern (Marilyn Crucifix II -1962).

Un ensemble assez parfait des fulgurantes ruminations corporelles de Francesca Woodman (1958-1980) dialogue à distance avec les autoportraits du brillantisme Suisse Urs Lüthi (né en 1947) s’interrogeant également sur l’identité. Cette femme allongée sur une plage recouverte en guise de seul vêtement d’une dentelle d’ombre (Nude with shadow- 1948) de Louise Dahl-Wolfe (1895-1989) est l’un des beaux nus de l’histoire de la photographie.

L'art n'excuse pas tout

La liste des convives réserve des surprises. Certains inconnus se font remarquer comme l’Anglais Steve Hiett (né en 1940) avec son image en grand format de Cecilia Chancellor (1996), le portrait d’une femme à sa fenêtre dont le reflet dans le vitrage chavire le coeur. On s’arrête aussi devant la maîtrise effrayante du cliché « Seilspringer » (sauteuses à la corde) de la cinéaste allemande Leni Riefenstahl (1902-2003) réalisé lors des jeux olympiques de Berlin en1936. La rectitude de la jambe au premier plan de la gymnaste évoque à la fois un pas de l’oie et le salut nazi. La beauté du cliché  n’arrive pas à occulter le passé trouble de Leni Riefenstahl, ayant mis son talent au service de la propagande du régime hitlérien. Affichée au même titre que les autres, l’image pose des questions sur l’admiration que l’on peut porter à une telle photo sans la contextualiser, comme si du passé on faisait table rase.  

A voir jusqu’au 26 février à la Galerie Azzedine Alaïa au 18, rue de la Verrerie à Paris (4e) Entré libre, tous les jours de 11 h à 19 h.

Voir mon précédent billet

 

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