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Jours tranquilles à Paris
6 décembre 2016

La revanche des premiers ministres

Les « doublures » se portent mieux que les numéros un qu’elles étaient censées servir. C’est un paradoxe, car on ne donnait pas cher de la fonction de premier ministre, lorsque le quinquennat advint en 2000.

Par Françoise Fressoz

On les disait condamnés, ils s’imposent. C’est la grande revanche des premiers ministres. A droite, l’ancien chef de gouvernement François Fillon est parvenu à battre à plate couture Nicolas Sarkozy, l’ancien président de la République qu’il avait servi durant cinq ans, à la faveur d’une primaire qui a mobilisé plus de 4 millions de votants. Sur l’autre rive politique, un premier ministre (pour quelques heures encore), Manuel Valls, s’apprête à concourir à la primaire à gauche à la place de l’actuel président de la République, François Hollande, contraint de déclarer forfait, faute d’avoir pu rassembler son camp. Une première sous la Ve République.

Les « doublures », comme les a immédiatement appelés Marine Le Pen, se portent bien. Mieux en tout cas que les numéros un qu’elles étaient censées servir. C’est un vrai paradoxe, car on ne donnait pas cher de la fonction de premier ministre lorsque le quinquennat advint, le 20 septembre 2000, par la triple volonté de Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing et Lionel Jospin. Que faire du numéro deux, alors que le président de la République perdait de facto son rôle d’arbitre du long terme pour devenir capitaine d’équipe, chef de la majorité présidentielle, investi sur tout, responsable de tout ?

Nicolas Sarkozy avait cru régler le problème en taxant François Fillon de « collaborateur ». Mal lui en prit. « Au moment où le nouveau premier ministre gravit les marches de Matignon, il commence à penser à l’Elysée », avait pourtant prévenu Georges Pompidou. Chez Manuel Valls, l’envie avouée était même antérieure. Le plus curieux n’est donc pas qu’à peine installés à Matignon, ils guignent le trône, mais que les Français leur donnent l’espoir d’y croire. Car, après tout, ils sont intimement associés au bilan de ceux qu’ils ont servis, en principe responsables des mêmes échecs et donc sujets au même coup de balai.

Fusible du couple exécutif

Et pourtant, non ! François Fillon a réussi à s’imposer dans l’électorat de droite comme l’antithèse de Nicolas Sarkozy en termes de style et de capacité à engager les réformes. Lui, c’est sûr, oserait. Il était si sérieux. Quant à Manuel Valls, le moteur de l’épopée qu’il mène depuis le début du quinquennat de François Hollande réside dans sa capacité à « cheffer », jugée sensiblement supérieure à celle du président de la République.

Par une étrange inversion des rôles, le chef de l’Etat est devenu le fusible du couple exécutif, alors que le premier ministre, à force de durer et d’endurer, peut, s’il s’y prend habilement, faire figure de recours : on le crédite en effet de bien connaître les dossiers, ce qui, par temps de crise, est un incontestable « plus » sur tous les autres concurrents. A condition, aussi, qu’il ait su envoyer les bons messages au bon moment, on le perçoit comme moins sensible aux humeurs de l’opinion que le monarque qu’il a servi, donc apte à prétendre à son tour au changement.

LE PLUS CURIEUX EST QUE LES FRANÇAIS LEUR DONNENT L’ESPOIR D’Y CROIRE. CAR ILS SONT INTIMEMENT ASSOCIÉS AU BILAN DE CEUX QU’ILS ONT SERVIS, EN PRINCIPE RESPONSABLES DES MÊMES ÉCHECS

Encore faut-il que le meurtre du père s’accomplisse proprement. Après avoir trébuché au lendemain de la défaite de 2012, François Fillon a triomphé quatre ans plus tard. Son score à la primaire des 20 et 27 novembre était tellement incontestable que Nicolas Sarkozy n’a pu que se rallier à son ancien premier ministre. Manuel Valls est dans une situation autrement plus inconfortable. Il part à la bataille dans un champ de ruines, sans le soutien de François Hollande et avec l’image de Brutus qui lui colle à la peau. Le chef de l’Etat a beau être à terre, il n’a pas encore dit son dernier mot.

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