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Jours tranquilles à Paris
10 décembre 2016

Le document de Poutine qui entérine la nouvelle guerre froide

poutinr

Dans un décret passé quasi inaperçu, l’Union européenne est accusée de chercher, conjointement avec les Etats-Unis, à « saper la stabilité régionale et globale ».

Après deux années de fortes tensions alimentées par l’annexion de la Crimée, en mars 2014, le conflit dans l’est de l’Ukraine, puis l’intervention russe en Syrie, Vladimir Poutine avait paru vouloir marquer une pause dans la confrontation avec l’Occident.

« Contrairement à certains de nos collègues étrangers qui voient en la Russie un adversaire, nous ne cherchons pas et n’avons jamais cherché d’ennemis », avait-il déclaré, lors de son discours annuel à la nation, le 1er décembre, ajoutant : « Nous avons besoin d’amis. » Le même jour, cependant, le Kremlin publiait un décret signé par le chef de l’Etat qui entérine la nouvelle guerre froide.

Dans ce document de trente-huit pages passé quasi inaperçu, où figure à soixante-dix reprises le mot « sécurité », et vingt-cinq fois celui de « menace », l’Union européenne (UE) est accusée « d’expansion géopolitique » et de chercher, conjointement avec les Etats-Unis, à « saper la stabilité régionale et globale ». L’oukase présidentiel, destiné à réviser la doctrine de politique extérieure de la Russie établie en 2013, a fait le tri.

Ont ainsi disparu certaines priorités comme celle-ci : « Le but principal dans les relations avec l’UE, pour la Russie, qui fait partie intégrante de la civilisation européenne, est de promouvoir la création d’un espace économique et humain de l’Atlantique jusqu’au Pacifique. » Plus d’intégration, plus d’espace commun. A la place, la nouvelle doctrine évoque des « problèmes systémiques accumulés depuis un quart de siècle ».

Envolé le « non-recours à la force »

En tête de ces derniers : « La volonté des pays occidentaux de maintenir leur position en imposant leur point de vue sur les processus internationaux et leur politique de confinement vis-à-vis des centres alternatifs de pouvoir conduisent à une plus grande instabilité dans les relations internationales et au renforcement des turbulences globales. »

Si en 2013 le « dialogue » avec les Etats-Unis était privilégié « sur une base économique forte », dans le but d’un « renforcement des relations dans tous les domaines », trois ans plus tard, le ton a changé : la Russie n’accepte pas les « tentatives de pressions militaires, politiques et économiques » exercées, selon elle, par Washington « en dehors du cadre du droit international », et elle « se réserve le droit de réagir à des actions hostiles, y compris par le renforcement de sa défense nationale ainsi que par la prise de mesures symétriques ou asymétriques ».

La Russie, poursuit le document, considère « le système antimissiles américain [déployé en Europe de l’Est] comme une menace pour sa sécurité nationale et se réserve le droit d’une réponse adéquate ». L’objectif de « donner un caractère global » aux obligations nées du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, signé en 1987, entre Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan, a disparu.

Envolé aussi le « non-recours à la force » préconisé dans les relations internationales. La version 2016 de la politique extérieure russe souligne, tout au contraire, que « le rôle du facteur de la force dans les relations internationales augmente ».

Le document se veut apaisant

Avant, il était surtout question pour la Russie de « préserver une position forte et influente dans la communauté mondiale » par « une voie de développement innovante », et le « renforcement des droits et des libertés de l’homme ». Après, rien de tout cela n’existe plus, remplacé par cette double mission assignée à la diplomatie : « Promouvoir le patrimoine national et l’identité culturelle des peuples de la Russie », et « renforcer les positions des médias russes ».

Le document se veut aussi apaisant, tout comme M. Poutine qui a redit récemment sa volonté de renouer avec la nouvelle administration de Donald Trump, car la Russie, « facteur d’équilibre dans les affaires internationales et du développement de la civilisation mondiale », entretient « des relations de bon voisinage avec les pays voisins ».

Elle prône des « partenariats » avec l’Ukraine « sur la base d’un respect mutuel ». Elle soutient « l’unité, l’indépendance, l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne en tant qu’Etat démocratique, laïc, pluraliste, où tous les groupes ethniques et religieux vivront dans la paix et la sécurité ». Sa politique extérieure, enfin, est « ouverte, prévisible et cohérente ».

Mardi, le chef du Kremlin a signé un autre décret consacré cette fois à la doctrine sur la « sécurité informationnelle », dont le but est de « développer un système national de contrôle » de l’Internet russe.

Le texte relève aussi « une tendance à la hausse dans les médias étrangers de publications d’articles ayant un ton négatif sur la politique de la Russie » et promet d’agir contre les tentatives « d’influencer la population russe, notamment la jeunesse, dans le but d’éroder les valeurs spirituelles et morales traditionnelles ». Article de Isabelle Mandraud - Correspondante à Moscou

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