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Jours tranquilles à Paris
29 décembre 2016

A quand une étiquette « huître artificielle » ?

CONSOMMATION  - Le 31 décembre, vous mangerez peut-être sans le savoir des coquillages triploïdes conçus en laboratoire. Des associations réclament un étiquetage obligatoire.

Par   Émilie Torgemen

Avec leur goût iodé, elles se taillent une place de roi dans nos menus du réveillon. Les huîtres ont une image d’authenticité. Et pourtant, ces coquillages sont loin d’être toujours naturels… Une pétition d’ostréiculteurs traditionnels lancée sur Internet réclame d’ailleurs un étiquetage pour préciser si « l’huître est d’origine naturelle (née en mer) ou d’origine artificielle (née en laboratoire/écloserie) ».

Une partie des coquillages que nous dévorons en cette période de fête ont en effet été créés par l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). Au début des années 2000, ces blouses blanches ont inventé la perle rare des huîtres jamais laiteuses. Ce qui permet aux gourmands de s’affranchir de la règle des mois en « r » qui veut que l’on n’en déguste que de septembre à avril, hors de la période de reproduction. Des mollusques stériles ont en fait été modifiés pour que chacune de leur cellule ne compte pas deux jeux de chromosomes (un jeu par parent) comme les huîtres normales — ou les humains — mais trois. On parle donc de triploïdes présents sur nos étals sous le joli nom d’« huîtres des quatre saisons ».

« Elles représentent environ un tiers de la production française », estime Gérald Viaud, le président du Comité national de conchyliculture. Autre avantage, comme elles ne gaspillent pas leur énergie à la reproduction, les « triplo » sont plus charnues et grossissent plus vite… « Mais elles ne sont ni plus ni moins résistantes aux maladies, et comme elles ventilent plus, elles accumulent un peu plus de polluants », explique Jean-Charles Massabuau, chercheur au CNRS. « Ça n’a rien à voir avec des OGM, organismes génétiquement modifiés », insiste le scientifique. En effet, on n’introduit pas dans ces animaux de caractéristiques nouvelles, on peut d’ailleurs trouver quelques rares spécimens à triples ADN à l’état sauvage. On parle dans ce cas d’OVM, organismes vivants modifiés. Il n’y a donc pas aucune obligation d’information du consommateur.

« Ce n’est pas normal ! Dans la durée, on ne connaît pas l’effet sur la santé », enrage Patricia Bourciquot ostréicultrice « 100 % naturelle » à Bourcefranc-le-Chapus (Charente-Maritime). Elle s’inquiète de la présence de parcs « modifiés » tout autour de son exploitation. La filière est divisée. Certains soulignent que les « triplo » se sont répandues sans problème depuis quinze ans, d’autres comme Patricia accusent ces huîtres artificielles d’avoir causé la chute de la production : près de 90 000 t en 2016, contre 160 000 t en 1990.

Quel danger ? Les supermâles qui donnent naissance aux triploïdes ne doivent surtout pas se propager dans l’environnement pour éviter la stérilisation de l’espèce. Quid de l’étiquetage des bourriches qui permettrait aux gourmands de faire leur choix ? « Pourquoi pas. Mais dans ce cas, pourquoi notre filière doit-elle être le fer de lance de cette politique de transparence ! » s’insurge Gérald Viaud. Sa question est légitime. On trouve sur nos tables d’autres types de triploïdes, comme certaines truites ou les clémentines.

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