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Jours tranquilles à Paris
12 janvier 2017

Donald Trump

Pour sa première conférence de presse, Donald Trump attaque pour mieux se défendre

Par Gilles Paris, Washington, correspondan

Après la révélation d’un rapport non vérifié sur ses liens avec la Russie, le président élu a finalement reconnu le rôle de Moscou dans les piratages, seule concession d’un exercice où il est resté fidèle à lui-même.

La première conférence de presse du futur président des Etats-Unis, mercredi 11 janvier, a été à l’image de son discours de candidature, en juin 2015, et similaire à la campagne qui lui a permis de l’emporter le 8 novembre. Frontale et transgressive. Après l’avoir évité pendant près de six mois, M. Trump s’était résigné à renouer avec cet exercice pour initialement éclaircir les questions des conflits d’intérêts entre son empire et ses fonctions de président. La maîtrise de cet agenda lui a échappé lorsqu’a enflé la controverse sur une éventuelle interférence des autorités russes dans le processus électoral américain.

Mais la publication mardi, par le site BuzzFeed, sans les vérifications d’usage et au nom de la « transparence », d’un document selon lequel ces mêmes autorités détiendraient des éléments compromettant pour lui, a cependant permis à ce dernier d’engager une contre-attaque sans nuances. Le document, que la majorité de la presse américaine a refusé d’évoquer, faute de pouvoir vérifier le contenu de ses allégations, a permis au magnat de l’immobilier de stigmatiser deux institutions qu’il n’a cessé de prendre comme cibles depuis des mois : la communauté du renseignement et la presse généraliste.

M. Trump avait donné un aperçu de son état d’esprit, quelques heures avant le début de sa conférence de presse, en publiant sur son compte Twitter une batterie de messages courroucés allant crescendo. « C’est le dernier coup contre moi. Vivons-nous dans l’Allemagne nazie ? », s’était-il finalement indigné après avoir estimé que les agences de renseignement étaient « peut-être » à l’origine de la « fuite » du document publié sans précaution par BuzzFeed, ce qui constituerait selon lui « une tache indélébile à leur réputation ».

« Je crois que c’était la Russie »

Ce dérapage sans précédent vis-à-vis des responsables censés conseiller le président sur les sujets les plus sensibles pour la sécurité nationale a valu une critique inhabituelle de la Maison Blanche. Son porte-parole, Josh Earnest, a jugé l’accusation « peu indiquée » lors de son point de presse quotidien, non sans rappeler les états de service des responsables mis en cause, dont une bonne partie quittera ses fonctions à l’arrivée de la nouvelle administration. Les premiers mots du futur président, dans l’atrium de la Trump Tower, à New York, ont néanmoins visé ces mêmes agences.

Ces dernières avaient, selon la presse américaine, ajouté un mémorandum de deux pages résumant le contenu du document à charge lors de la remise d’un rapport, le 6 janvier, demandé par le président sortant Barack Obama. Un compte rendu classifié partagé avec les commissions concernées du Congrès relatif à la première affaire, celle de piratages informatiques imputés à aux autorités russes constatés au cours de la campagne. M. Trump estime, peut-être à juste raison, que cet ajout est à l’origine de sa divulgation, même s’il ne permet pas de trancher sur une volonté de nuire du renseignement américain.

L’attaque a masqué en tout cas une conversion tardive. Après avoir longtemps douté de l’origine de ces piratages, en se retranchant même maladroitement derrière les dénégations russes, M. Trump a pour la première fois admis la thèse présentée par la Direction nationale du renseignement d’une responsabilité de Moscou. « Je crois que c’était la Russie », a-t-il déclaré, contrairement à la teneur du communiqué encore suspicieux qu’il avait publié après sa rencontre du 6 janvier. Mais M. Trump a ensuite immédiatement pivoté vers d’autres piratages, imputés notamment à la Chine, qui ont concerné des millions de données personnelles d’Américains.

« Great », « incredible », « fantastic »

Plus tard au cours de la conférence de presse, M. Trump a également repris à son compte l’autre thèse du renseignement selon laquelle le président Vladimir Poutine a été l’architecte de ces piratages. Après avoir défendu une tentative de rapprochement avec ce dernier au nom des intérêts américains, le magnat de l’immobilier a estimé que le président russe « ne devrait pas faire cela », et qu’« il ne le refera pas ». « Il n’aurait pas dû le faire et je ne crois pas qu’il recommencera à présent », a-t-il insisté, estimant que la Russie « respectera plus les Etats-Unis quand j’en aurai pris la direction ».

Ce changement de pied de M. Trump a été l’un des rares identifiés mercredi. Le milliardaire a renoué avec le style décousu ponctué de satisfecit éprouvé lors de la campagne. « Je crois que je vais devenir le plus grand producteur d’emplois jamais créé par Dieu », a-t-il assuré ironiquement, avant d’insister sur « le bon état d’esprit », une sorte d’état de grâce, entretenu par l’intérêt que lui ont porté des financiers tels que le fondateur d’Alibaba « Jack Ma, ou M. [Bernard] Arnault ». « Beaucoup de gens me disent qu’ils n’ont jamais ressenti cet état d’esprit par le passé », a-t-il insisté, conformément à un code rhétorique dont il est familier. Il a utilisé à 37 reprises le terme de « great », 7 fois « fantastic », 4 fois « incredible » et « incredibly », et 3 fois « brilliant », notamment pour qualifier les membres de sa future administration.

M. Trump n’a pas manqué non plus de rappeler les engagements pris par l’industrie automobile internationale d’investir aux Etats-Unis. Il a ainsi fait mine de se prévaloir d’un investissement de Fiat-Chrysler, dont la compagnie a pourtant précisé qu’il remontait en fait à une décision bien antérieure à la campagne.

« Le 20 janvier sera un jour très élégant »

Lors de l’évocation du piratage russe, M. Trump avait déjà assuré qu’une meilleure protection informatique avait empêché une intrusion dans les données du Parti républicain. La partie rendue publique du rapport des agences précise pourtant que des intrusions ont été signalées mais qu’elles n’ont pas été suivies, comme pour le Parti démocrate, de la divulgation de données internes.

La plupart des points soulevés mercredi avaient déjà été soulignés sur le canal préféré de M. Trump, son compte Twitter, qui a gagné plus de six millions de « suiveurs » depuis l’élection du 8 novembre. M. Trump ne s’est pas montré plus précis sur deux sujets sur lesquels il a été interrogé. Il s’est montré toujours aussi critique à propos de l’extension de la protection sociale léguée par le président Obama. En dépit de l’extrême complexité de l’opération qui vise à la démanteler sans mettre en danger des millions d’assurés appartenant aux classes sociales les plus modestes, le magnat de l’immobilier a assuré qu’elle serait « supprimée et remplacée presque simultanément », même si aucun dispositif alternatif n’a été définitivement arrêté.

« LE MEXIQUE REMBOURSERA, D’UNE MANIÈRE OU D’UNE AUTRE, PAR UNE TAXE OU UN VERSEMENT. IL NOUS REMBOURSERA LE COÛT DU MUR »

DONALD TRUMP

M. Trump a également réitéré sa promesse initiale de faire endosser par le Mexique les frais de construction du « mur » qu’il souhaite ériger sur la frontière sud des Etats-Unis pour lutter contre l’immigration illégale. La seule nouveauté a été la prise en compte du fait que cet investissement sous contrainte consistera en « un remboursement » des frais engagés par la future administration américaine. M. Trump a estimé qu’il lui aurait fallu attendre « un an et demi » pour voir aboutir des négociations avec Mexico. Le Mexique « remboursera, d’une manière ou d’une autre, par une taxe ou un versement. Il nous remboursera le coût du mur », a-t-il à nouveau promis, s’attirant une nouvelle dénégation du président Enrique Pena Nieto.

Au cours de la conférence de presse, M. Trump a témoigné à sa manière de son impatience d’arriver enfin au jour de sa prestation de serment. « Ce sera un jour très, très élégant, a-t-il dit. Le 20 [janvier] sera très, très spécial. Et très beau. Et je pense que nous allons avoir des foules massives parce que nous avons suscité un mouvement. Un mouvement comme le monde n’en a jamais vu auparavant. »

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