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Jours tranquilles à Paris
5 février 2017

Encore un instant à savourer avec Claude Sarraute

Livres. Dans son dernier récit, la femme de lettres Claude Sarraute évoque ses souvenirs personnels et le grand âge, avec son franc-parler et sa gouaille légendaires.

Rencontre

« Viens ma chérie, assieds-toi à côté de moi… Mais tu as quel âge toi, mon bébé ? » « Euh… J’ai 41 ans quand même ! » « Oui, et bien, pour moi, tu es un bébé. » Bienvenue chez Claude Sarraute, 90 ans en juillet. 90 balais comme elle dit, ça ne nous rajeunit pas, nous, les « bébés » quadragénaires qui avons lu ses Sur le vif dans Le Monde , qui avons grandi avec son franc-parler et son humour saillant à la télé et à la radio avec les Grosses têtes .Mais, soyons honnêtes, on l’avait un peu oubliée ces dernières années…« Claude Sarraute, ah oui c’est vrai, que devient-elle ? » Eh bien elle devient une vieille dame ! Son grand âge la cloue chez elle.« Ma mère était en pleine forme jusqu’à la fin mais était ridée. Mon père, lui, avait de l’arthrose. Et bien, moi, j’ai chopé les rides de ma mère et l’arthrose de mon père ! » ,soupire-t-elle.

Écrire contre les douleurs

Vu comme ça, la vieillesse peut effectivement ressembler à un naufrage. Mais Claude Sarraute dépasse les souffrances liées à son âge et préfère s’en amuser. Certes, elle ne sort quasiment plus de son très bel appartement du quai Bourbon, à Paris. Elle a de grandes difficultés à marcher, son arthrose et ses rhumatismes la font souffrir et il faut lui parler fort pour qu’elle entende. À part ça, elle est belle et reste toujours aussi coquette. Dans Encore un instant, elle est toujours aussi drôle et vive.« C’est mon médecin qui a eu l’idée. Comme il ne pouvait rien faire pour soulager mes douleurs, il m’a dit : vous n’avez qu’à écrire, cela vous fera du bien ! » Oui, mais sur quoi ? Sur ce qu’elle connaît le mieux aujourd’hui : la vieillesse et… la fin de vie. Pas drôle comme sujet ! Sauf si c’est Claude Sarraute qui le raconte. Là, ça devient tout de suite savoureux. D’abord parce qu’en la lisant, on a l’impression de l’entendre parler. Ensuite parce qu’elle a su aborder des sujets délicats, la mort notamment, en témoignant d’un formidable élan de vie.« Si c’est ce que tu as ressenti en lisant le livre, alors je suis contente ! » Assise sur son canapé, une cigarette à la main, une vapoteuse dans l’autre, un « ma chérie » par-ci et un tutoiement par-là, l’ancienne journaliste se montre telle qu’elle était restée dans nos souvenirs. Parler avec elle de son bouquin, c’est aborder mille et une facettes de sa vie, sans aucun tabou. Cela va de la sexualité après 60 ans à ses maris et ses amants, en passant par ses couchesculottes pour adultes, ses dents qui tiennent grâce à de la colle, son traumatisme quand « Revel » (Jean-François Revel, son mari) lui a demandé de participer au paiement des impôts alors qu’elle n’avait jamais rien payé… Puis l’actu, souvent peu réjouissante, de notre époque.

À 90 balais… il faut y penser

Et cette question qui la taraude et par laquelle commence son livre : « Alors, tu te décides ou pas ? » À quoi ? « Eh bien à te suicider. Depuis le temps que tu nous bassines avec ça. Toi, le grand âge, les infirmités, le fauteuil roulant, le mouroir, merci bien. Là tu as tout prévu, tout organisé. À bientôt 90 balais, il serait peut-être temps d’y penser. » Penser à la mort quand on est au soir de sa vie, c’est une chose. Vouloir décider du bon moment pour partir en est une autre. Il y a plusieurs années, Claude Sarraute a adhéré à l’Association pour le droit à mourir dans la dignité.« Je suis membre d’honneur. » Elle s’amuse à dire qu’elle n’aurait qu’un coup de fil à passer… mais elle a peur. Et le jour où elle a composé le numéro pour en parler, elle est tombée sur le répondeur.« C’était un dimanche ! Il n’y avait personne au bout du fil de ma destinée. » Pourquoi ne pas réessayer le lendemain ?« Demain, c’est un autre jour …» Article de Christel MARTEEL.

Encore un instant , Flammarion, 191 pages, 19 €.

claude

Claude Sarraute

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