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Jours tranquilles à Paris
15 mars 2017

Désormais mis en examen, Fillon veut poursuivre sa folle campagne comme si de rien n’était

Par Alexandre Lemarié, Matthieu Goar

Le candidat Les Républicains a comparu mardi, avec 24 heures d’avance. Il est poursuivi notamment pour « détournement de fonds publics ».

Sa campagne était déjà folle, elle devient inédite. Mardi 14 mars, après des semaines de révélations médiatiques et de tractations dans sa famille politique pour le remplacer, François Fillon a été mis en examen dans l’enquête sur les soupçons d’emplois fictifs dont auraient bénéficié sa femme et ses enfants.

Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un candidat majeur à une élection présidentielle va donc se présenter aux suffrages des Français avec une telle procédure judiciaire sur les épaules. Et les motifs retenus par les juges d’instruction sont plutôt lourds à porter : « détournement de fonds publics », « complicité et recel de détournement de fonds publics », « complicité et recel d’abus de biens sociaux » et « manquement aux obligations déclaratives ».

Judiciairement, François Fillon est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. Politiquement, il s’avance vers les urnes avec une image ternie par la divulgation de son train de vie. Loin de la probité qu’il prétendait incarner lors de la primaire face à Nicolas Sarkozy et à Alain Juppé.

Une situation qui provoque de la confusion, du désarroi mais aussi de l’ironie dans son propre camp. « Vous imaginez le général de Gaulle mis en examen pour détournement de fonds publics et se présenter quand même à l’élection présidentielle ? », a grincé sur Twitter le sénateur du parti Les Républicains (LR) de l’Hérault Jean-Pierre Grand.

Contre-feu

Cette nouvelle étape judiciaire n’a surpris personne à droite. Surtout pas le candidat qui avait déclaré aux Echos, lundi 13 mars, ne pas se faire « beaucoup d’illusions » à ce sujet.

Mardi après-midi, au moment de l’annonce de sa mise en examen, l’ex-premier ministre s’est donc permis d’ironiser sur ses propres ennuis lors de l’assemblée des fédérations départementales de chasseurs. « Dans cette campagne présidentielle où les balles volent bas, je peux vous confier en souriant qu’il ne me déplaît pas d’être aux côtés de vrais chasseurs », a-t-il lancé, étonnamment détendu.

Son entourage s’est, lui, efforcé de minimiser l’impact de cette décision judiciaire. « Il n’y a rien de nouveau. Cette procédure ne doit pas masquer les enjeux décisifs de l’élection présidentielle : le chômage de masse, la dette, la sécurité », estime Bruno Retailleau, coordinateur de la campagne, rejoint par Damien Abad, député (LR) de l’Ain et soutien indéfectible de l’ancien premier ministre depuis le début de la crise : « On s’y attendait donc cela ne change pas fondamentalement la campagne de François Fillon. »

Mardi, vers 17 heures, la droite a tenté de lancer un contre-feu, en diffusant un communiqué pour officialiser l’accord entre LR et les centristes de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) pour les élections présidentielle et législatives. Quelques minutes plus tard, un autre mail donnait la date du prochain meeting du candidat, mercredi, dans le Vaucluse. La campagne continuera. Presque comme si de rien n’était, espèrent ses proches…

Communication de crise

La question du maintien de M. Fillon ne se pose même plus. Le 26 janvier, il avait pourtant assuré qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle en cas de mise en examen. Mais pour sauver sa tête, il a changé de position, en disant s’en remettre uniquement au jugement des Français. Et non à la justice.

Il avait officialisé sa volte-face le 1er mars, lorsqu’il avait annoncé de lui-même sa convocation chez les juges et sa volonté de continuer. Quoi qu’il arrive. Ce jour-là, l’ancien premier ministre avait officiellement renié sa parole et une partie de la droite avait quitté le navire pour trouver un plan B. « Le débat est clos depuis le Trocadéro », résume David Lisnard, maire de Cannes (Alpes-Maritimes) et soutien de M. Fillon, en référence au rassemblement du 5 mars, veille du renoncement d’Alain Juppé.

Mardi, les soutiens n’ont donc rien changé à leur stratégie et se sont retranchés une nouvelle fois derrière l’idée d’un complot. « Est-ce que les garanties d’un Etat de droit sont toujours respectées en ce moment ? Je pose la question par rapport à la violence qui est portée contre le candidat de l’opposition aujourd’hui », s’est indigné le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti sur Sud Radio/Public Sénat. « Tout cela est une histoire écrite d’avance », a renchéri son collègue de Seine-et-Marne Christian Jacob. Lundi sur Europe 1, M. Fillon avait fixé la ligne en déplorant un « calendrier » judiciaire « indexé sur le calendrier politique » et en se décrivant en victime d’une « chasse à l’homme ».

Malgré cette communication de crise devenue classique, la droite est bien consciente des ravages de cette affaire. Mardi, l’équipe de François Fillon a ainsi pris soin d’éviter « la mauvaise image ». Ses avocats ont demandé que sa convocation soit avancée de 24 heures alors qu’elle était prévue mercredi matin. Mission accomplie : aucune caméra n’a filmé l’arrivée du député de Paris au pôle financier. « On ne veut pas alimenter la machine et nourrir le feuilleton », confie un stratège de la campagne.

Vie privée étalée en « une » des journaux

A quarante jours de la présidentielle, cette mise en examen constitue un handicap de plus pour François Fillon. « On a des obstacles à franchir que les autres candidats n’ont pas…, observe M. Abad. Ils courent un 100 mètres quand nous, on doit courir un 110 mètres haies ! »

En présentant son projet, lundi matin, le candidat espérait enfin marquer l’agenda avec ses propositions. « C’est son point fort », assure Pierre Danon, l’un de ses proches. Sauf que depuis un mois et demi, son discours sur le fond est en permanence parasité par les affaires.

Il voulait apparaître comme un homme d’Etat sérieux et rigoureux ? C’est sa vie privée et son goût du luxe, qui s’étalent à la « une » des journaux. Le Journal du dimanche du 12 mars a révélé qu’il aurait commandé pour près de 48 500 euros de vêtements sur-mesure depuis 2012 à la maison Arnys, dont 35 500 euros auraient été payés en liquide. En février, deux costumes pour un total de 13 000 euros auraient été réglés par un ami, selon l’hebdomadaire.

Mardi, nouvelle tâche sur le costume de l’ex-premier ministre : Le Parisien a relaté que les deux enfants de M. Fillon, qu’il a employés comme assistants parlementaires de 2005 à 2007 lorsqu’il était sénateur, ont rétrocédé une partie de leurs salaires. Sur les 46 000 euros net touchés par sa fille Marie, d’octobre 2005 à décembre 2006, environ 33 000 auraient été crédités sur le compte joint des parents.

Dans l’angoisse de la prochaine révélation embarrassante, ses proches découvrent souvent au même moment que les Français des aspects inconnus de la vie de cet homme secret. Et s’inquiètent des dégâts causés par les histoires d’argent dans l’opinion.

« Le débat, c’est la clé »

« Un milliard sur les finances publiques, ça ne parle à personne. Un pull en cachemire à 2 000 euros, tout le monde comprend et est choqué », se désole un proche de l’ancien premier ministre, rejoint par un autre : « Le problème, c’est que l’affaire des costumes montre qu’il aime l’argent et qu’il a toujours fait du luxe sa priorité par rapport à la conquête du pouvoir. S’il avait été obsédé par l’Elysée, il n’aurait pas pris de tels risques ! »

Malgré l’avalanche de révélations médiatiques, la défection de dizaines d’élus, et désormais la mise en examen, ses soutiens croient encore la victoire possible. Leur candidat a beau être donné éliminé du second tour dans les sondages, ils misent sur un éventuel décrochage du principal rival, Emmanuel Macron, et sur un rebond après avoir touché le fond.

Et comme à chaque fois, ils enjambent cette nouvelle semaine noire pour passer à la suivante. Les fillonistes fondent maintenant beaucoup d’espoir sur le débat télévisé, prévu le 20 mars, avec l’ensemble des candidats à la présidentielle.

« Fillon peut remonter lors des débats car il a une vraie colonne vertébrale », juge sa porte-parole Florence Portelli. « Le débat, c’est la clé car c’est là que les Français pourront comparer, abonde le député de l’Oise Eric Woerth. Cela devrait être un atout pour lui car il a beaucoup d’expérience en tant qu’ex-premier ministre, il a très bon projet et il est bon à l’oral. »

Ses proches tablent aussi beaucoup sur sa participation à « L’Emission politique », sur France 2, le 23 mars. Sans savoir si, entre-temps, de nouveaux rebondissements auront une nouvelle fois perturbé sa campagne.

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