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Jours tranquilles à Paris
10 avril 2017

François Fillon peut-il encore gagner ?

Par Alexandre Lemarié, Matthieu Goar

Le candidat de la droite, fragilisé par les affaires, a réuni ses soutiens dimanche à l’occasion d’un grand meeting, porte de Versailles, à Paris.

Sa campagne a été un long supplice accompagné d’une lente érosion dans l’opinion. Peut-il renaître dans le sprint final ? Lui en est convaincu. Depuis le début de l’année, François Fillon a répété à plusieurs reprises que l’élection présidentielle se jouerait dans les deux dernières semaines. Difficile de lui donner tort, tant l’indécision plane sur cette ultime ligne droite. Après une campagne rendue chaotique par les révélations quasi quotidiennes sur son train de vie et ponctuée par sa mise en examen, le candidat de la droite a organisé un grand meeting, porte de Versailles à Paris, dimanche 9 avril. Sur la scène, les ténors des Républicains, tels Eric Ciotti, Luc Chatel, Valérie Pécresse ou encore Bruno Retailleau, ont sonné la mobilisation.

L’opération a été réussie et les militants en sont sortis galvanisés. Pas seulement par les discours, mais aussi parce que le contexte de la campagne de François Fillon est en nette amélioration. La plupart des derniers sondages montrent un resserrement entre les quatre principaux candidats. Certes, M. Fillon est toujours troisième et il est même devancé par Jean-Luc Mélenchon dans une enquête publiée dimanche soir. Mais, dans de nombreux autres sondages, il grignote entre 0,5 et 1,5 % et Marine Le Pen et Emmanuel Macron stagnent. Conscient de cette convergence des courbes, le député de Paris est maintenant persuadé que l’élection sera serrée et qu’il pourra passer dans un trou de souris.

« Ils sont en colère, énervés »

Cette conviction se forge dans l’expérience de la primaire où l’électorat s’était cristallisé dans les deux dernières semaines. Malgré son image beaucoup plus abîmée qu’en novembre, François Fillon rêve de réussir le même coup. « Je serai au second tour », a-t-il répété jeudi, sur France Inter : « Ces sondages ne sont pas inexacts mais je suis absolument convaincu qu’ils sont biaisés à la fois par les échantillons, les questions et surtout par le climat politique général. (…) C’est exactement ce qu’on a vu à la primaire. » L’agenda des quatorze derniers jours a donc été minutieusement préparé : le grand rassemblement de Paris sera suivi par des meetings dans des grandes villes (Marseille, Lyon, Lille, Nice) mais aussi par des déplacements symboliques, peut-être dans la Sarthe. « Cela peut se passer comme à la primaire : une remontée spectaculaire de François Fillon dans les derniers jours. C’est maintenant que les gens se décident », espère Vincent Chriqui, son directeur de campagne.

Pour réussir à grignoter son retard, M. Fillon mise sur une forte participation de son socle et sur le rattrapage d’une partie de ceux qui se sont éloignés à cause des affaires. Les messages de soutien de Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, vendredi, ont été précieux car l’ancien président parle à la base la plus fidèle alors que le maire de Bordeaux pèse dans l’électorat de la droite modérée. Et pour convaincre ces déçus, M. Fillon passe beaucoup de temps en meeting à mettre en avant son projet plutôt que sa personne. Il espère que le peuple de droite, même perturbé par ses affaires, finira au final par se raccrocher à son programme libéral et conservateur en le comparant à ceux de Mme Le Pen et M. Macron.

« Quand on les interroge dans les sondages, les gens disent aujourd’hui honnêtement qu’ils ne vont pas voter pour nous. Parce qu’ils sont en colère, énervés », observe Laurent Wauquiez. « Mais quand ils seront dans l’isoloir face à un seul bulletin de vote pour la droite et le centre, ils se diront : “bon, allez !, je vote pour la droite et le centre.” » Les fillonistes se raccrochent ainsi à la théorie d’un vote caché en sa faveur, qui ne serait pas mesuré dans les sondages.

Cette stratégie part du postulat que l’électorat de la présidentielle se déterminera principalement sur les programmes. Une analyse discutable. Car, dans une élection aussi personnalisée que la présidentielle, le profil du candidat reste un élément important du choix d’une partie des votants. Et sur cet aspect-là, François Fillon a beaucoup perdu avec les différentes révélations sur son rapport à l’argent. Selon une enquête Ipsos-Sopra Steria publiée le 5 avril, l’honnêteté et la probité sont en effet les qualités les plus importantes pour un président de la République pour une majorité des sondés. 65 % d’entre eux placent en tête ces deux qualités comme nécessaires à l’exercice présidentiel. Et François Fillon est le candidat à qui les électeurs font le moins confiance parmi les cinq « grands » candidats.

Stature et expérience

Même s’ils affichent leur optimisme devant les micros, les élus de droite savent que l’équation est encore compliquée. Toujours en retard, M. Fillon n’a pas forcément toutes les cartes entre les mains. Il doit aussi miser sur un effondrement d’un des deux favoris. « Désormais, il dépend d’une défaillance des autres, en particulier de Macron, qui a les clés de l’élection », glisse un député LR. Une donnée qui n’a pas échappé à l’ancien premier ministre. A longueur d’intervention, il cible Emmanuel Macron, surnommé « Emmanuel Hollande », dont l’électorat semble plus friable que celui de Marine Le Pen. « Macron sera le Juppé de cette présidentielle. Le soutien de Valls est un baiser de la mort, comme l’avait été le soutien de Bayrou à Juppé », estime Bruno Retailleau, coordinateur de la campagne.

Pour faire la différence avec l’ancien ministre de l’économie, M. Fillon insiste sur l’incohérence de sa future majorité et le décrit comme l’héritier de François Hollande. Une façon de faire passer le message qu’il est le seul à incarner l’alternance. Et il met en avant sur son expérience. Ce dernier aspect revient en boucle dans les discours de la droite depuis le regain de tension internationale après l’attaque chimique qui a 87 morts en Syrie, mardi 4 avril, et la frappe américaine contre le régime syrien, vendredi 7 avril. Les fillonistes veulent croire que ce contexte anxiogène va pousser certains électeurs à élire un homme expérimenté à la tête du pays. « Personne ne peut se réjouir des tensions internationales mais dans ce contexte malheureux, chacun peut mesurer à quel point la stature et l’expérience seront cruciales pour le président de la France », argumente Jérôme Chartier.

Dans cette campagne dominée par les affaires et à l’approche de ce premier tour indécis, François Fillon n’a jamais totalement décroché. Grâce à ce socle qui lui a permis de garder la tête hors de l’eau, il peut encore rêver d’un sursaut. A plusieurs conditions. « Il est pour l’instant à un niveau bas pour un candidat de droite. Son principal enjeu reste de rassembler son électorat éparpillé sur Macron, Le Pen ou Dupont-Aignan, et d’attirer les électeurs de droite abstentionnistes », analyse Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP, qui rappelle que 30 % des électeurs qui avaient choisi Nicolas Sarkozy en 2012 ne sont pas encore sûrs de leurs choix.

Même si l’espoir est encore permis, la position de M. Fillon est loin d’être favorable. « L’histoire des campagnes présidentielles montre qu’un candidat classé troisième dans les sondages deux semaines avant l’élection ne s’est quasiment jamais qualifié pour le second tour, excepté Jean-Marie Le Pen en 2002 », rappelle M. Dabi : « Mais l’histoire est faite pour être bouleversée et il est vrai que nous sommes en présence d’une campagne atypique. » Surtout celle de M. Fillon…

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