Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
26 avril 2017

Ayez un autre regard, un autre jugement sur la Police et l'Amour

L’appel à la paix du compagnon du policier assassiné sur les Champs-Elysées

Par Cécile Bouanchaud

« Restons tous dignes », a-t-il imploré dans un émouvant discours, disant « souffrir sans haine » après la mort de Xavier Jugelé dans l’attentat du 20 avril.

C’est à 11 heures, dans l’imposante cour d’honneur de la préfecture de police de Paris où sont rendus tous les hommages nationaux aux policiers tombés, que s’est déroulée, mardi 25 avril, la cérémonie en l’honneur de Xavier Jugelé, assassiné par Karim Cheurfi lors de l’attentat sur les Champs-Elysées. La mort de ce gardien de la paix, jeudi 20 avril, a porté à six le nombre de policiers tués sur le sol français sous les balles des terroristes depuis janvier 2015.

Sous le ciel monochrome de fin avril, marqué par un froid d’hiver persistant, près de 300 personnes se sont engouffrées dans la cour du 19 août 1944, nommée ainsi en référence aux gardiens de la paix qui ont combattu durant la seconde guerre mondiale pour la libération de Paris.

Famille, proches et collègues de Xavier Jugelé, ainsi que l’entourage des deux autres policiers blessés lors de l’attaque, se sont réunis dans le huis clos de cette cour d’honneur, située sur l’île de la Cité, au cœur de Paris. Pompiers, gendarmes, polices étrangères et surtout membres de la 32e compagnie d’intervention de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) où Xavier Jugelé officiait, bordaient ce lieu symbolique.

Macron et Le Pen conviés

Dans les rangs des politiques figuraient de nombreux représentants du gouvernement et des responsables de droite (Eric Ciotti, Nathalie Kosciusko-Morizet). L’ancien président Nicolas Sarkozy, les anciens premiers ministres Manuel Valls, Jean-Marc Ayrault et Jean-Pierre Raffarin étaient au premier rang, ainsi que les présidents de l’Assemblée et du Sénat, Claude Bartolone et Gérard Larcher, ainsi que la maire de Paris, Anne Hidalgo.

Le président de la République François Hollande, qui présidait la cérémonie, avait également convié les deux candidats qualifiés pour le second tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron (En marche !) et Marine Le Pen (Front national).

Dans des circonstances exceptionnelles, cette unité affichée de la classe politique n’est pas inhabituelle. Le 21 mars 2012, cinq candidats à la présidentielle, dont la candidate du FN, s’étaient déplacés à Montauban pour l’hommage rendu par le chef de l’Etat d’alors, Nicolas Sarkozy, aux sept personnes abattues par Mohamed Merah.

Yeux rougis et lèvres tremblantes

Pour ouvrir la cérémonie, La Marseillaise a été jouée, après que M. Hollande a passé en revue les troupes, avec à ses côtés le premier ministre, Bernard Cazeneuve, et le ministre de l’Intérieur, Matthias Fekl, et avant que retentisse la Marche funèbre de Chopin. Le buste droit, l’air éprouvé, des collègues de Xavier Jugelé au sein de DOPC ont porté son cercueil au centre de la cour d’honneur, où trônent les deux monuments dédiés aux policiers morts en opération.

Endeuillé par la perte de son compagnon, Etienne Cardiles a été le premier à prendre la parole au pupitre, où trônait à ses côtés la photo de Xavier Jugelé en uniforme, l’air affable, le regard doux et le sourire contenu. Le compagnon du policier, avec lequel il était pacsé, a d’abord déroulé le récit de la journée de l’attaque :

« Tu as pris ton service à 14 heures, dans cette tenue dont tu prenais tant soin. Lorsque sont parus les premiers messages informant les Parisiens qu’un événement grave était en cours sur les Champs-Elysées et qu’un policier avait perdu la vie, une petite voix m’a dit que c’était toi. »

C’est ensuite le témoignage d’un deuil impossible qu’a livré ce fonctionnaire au Quai d’Orsay, père d’un enfant. « Je suis rentré le soir sans toi, avec une douleur extrême et profonde qui s’apaisera peut-être un jour », a-t-il confié, regard droit, yeux rougis et lèvres tremblantes.

« Je souffre sans haine »

Il a décrit son compagnon comme un policier mû par « l’intérêt général, le service des autres et la protection de tous » et dont « la tolérance, le dialogue et la tempérance étaient [les] meilleures armes » mais aussi un homme passionné de cinéma, de théâtre et de musique : « Céline Dion, Zazie, Madonna… »

Comme meilleur moyen de rendre hommage à son compagnon, Etienne Cadiles a rappelé « cette formule généreuse et guérisseuse : “vous n’aurez pas ma haine” », empruntée à Antoine Leiris, dont la femme est morte lors de l’attentat du 13-Novembre au Bataclan, et qui était présent à la cérémonie.

« Cette haine, Xavier, je ne l’ai pas parce qu’elle ne te ressemble pas, parce qu’elle ne correspond en rien à ce qui faisait battre ton cœur, ni ce qui avait fait de toi un gendarme puis un gardien de la paix. »

« Cette douleur m’a donné le sentiment d’être plus proche que jamais de tes camarades qui souffrent, comme toi silencieusement, comme moi silencieusement. Pour ce qui me concerne, je souffre sans haine », a-t-il ajouté, la voix parfois entrecoupée de sanglots, avant de conclure : « Je t’aime. Restons tous dignes » et « veillons à la paix ».

Légion d’honneur

Dans son allocution d’une trentaine de minutes, M. Hollande s’est adressé, sans les nommer, à M. Macron et Mme Le Pen. A ceux « qui auront à décider pour demain, je leur demande d’accorder les ressources budgétaires nécessaires pour recruter les personnels indispensables à la protection de nos concitoyens », a déclaré le locataire de l’Elysée.

« Ce qui est attendu, c’est de la constance, de la persévérance, de la cohérence dans l’effort, plutôt que des surenchères et des ruptures. »

Le chef de l’Etat a rendu un hommage appuyé à M. Jugelé, un « héros », « courageux », « disponible et volontaire », tué par « un fanatique haineux ».

Mais il a également tenu à saluer l’ensemble des policiers français : « Je veux dire au nom de la nation que nous soutenons tous les policiers. (…) Votre chagrin est celui de la nation. (…) Aux Francais, je veux dire : soutenez les policiers et les gendarmes. Ils ont le droit à notre soutien et à notre estime. »

Clarissa Jean-Philippe, Franck Brinsolaro, Ahmed Merabet, Jean-Baptiste Salvaing, Jessica Schneider… Le chef de l’Etat a égrainé les noms des fonctionnaires de police qui « ont perdu la vie face au terrorisme » depuis janvier 2015.

« Ils ont perdu la vie mais font désormais partie de la nôtre. Ils nous incitent à ne rien lâcher, surtout pas nos valeurs. »

A la fin de son discours, enveloppé par un silence de plomb, M. Hollande a quitté l’estrade, avant que M. Jugelé soit élevé, à titre posthume, au rang de capitaine et fait chevalier de la Légion d’honneur. La sonnerie aux morts, jouée lors de toutes les cérémonies à la mémoire des hommes tombés dans un conflit armé, a alors résonné dans la cour d’honneur, se terminant sur une minute de silence marquant la fin de la cérémonie.

Le cercueil de M. Jugelé, tué à l’aube de ses 38 ans, a été conduit dans un véhicule funéraire, suivi par les proches du défunt, et escorté par le président de la République. Dans la plus grande intimité, la famille de la victime a célébré ses obsèques dans l’après-midi, à Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), sa commune d’origine.

Publicité
Commentaires
Publicité