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Jours tranquilles à Paris
7 mai 2017

La liberté résiste

Dans l’ultime bataille, la République l’emporte. Ebranlée, fissurée, bousculée par un parti de l’intolérance qui a réuni jusqu’à 42% des intentions de vote durant la campagne, la France vient de signifier aux xénophobes – même s’ils restent forts, menaçants, actifs – qu’elle ne voulait pas d’eux, en élisant Emmanuel Macron avec 65,5% des voix. En fin de compte, une certaine idée de la liberté a résisté. Il est ainsi démontré, grâce à ce vote, que l’ascension nationale-populiste est résistible. Dénouement paradoxal d’une campagne sans exemple : ce pays qu’on dit vieillissant, nostalgique, calfeutré, amer, vient de porter au pouvoir un homme de 39 ans sans passé politique, amoureux de l’Europe et fasciné par le grand large. Un jeune premier est premier en France  : il lui reste à tenir le rôle. Emmanuel Macron le doit à son talent, qui lui a permis de passer en revue ses concurrents blanchis sous le harnois et de laisser sur place tous les anciens partis. Il faut remonter à Bonaparte pour trouver un chef d’Etat plus jeune.

Président alors qu’il s’est lancé il y a moins de deux ans… Cette marche était un sprint et le car Macron une Formule 1. La chance l’a servi plus que personne. Qui pouvait imaginer que le ­président sortant serait empêché par un livre et son Premier ministre, que le favori naturel après cinq de gauche impopulaire, François Fillon, trébucherait sur les affaires, ou que Marine Le Pen, passant le premier tour, se suiciderait en direct en montrant avec tant de candeur agressive la vraie nature de son parti ? Mais c’est aussi un calcul suprême que de saisir sa chance… Macron l’a fait : il est à l’Elysée.

Cette chance ne devra pas le quitter. Sur les plus de 65 % d’électeurs qui l’ont choisi, plus des deux tiers auraient sans doute préféré voter pour ­quelqu’un d’autre. Ces électeurs de raison ont une créance sur lui. Celle que Jacques Chirac, en son temps, n’avait pas honorée, en refusant de rassembler au-delà de ses partisans. C’est le républicanisme, autant que le macronisme, qui a porté Emmanuel Macron au pouvoir. Il a donc pour devoir impératif d’incarner les valeurs qui expliquent, plus que son programme, son insigne succès. Un succès assorti d’un gros bémol : selon toutes probabilités, les voix qui se sont portées sur Marine Le Pen, et celles qui ont choisi le bulletin blanc ou l’abstention, sont en majorité des voix populaires.

C’est le défi principal du nouveau président : combler peu à peu le fossé qui sépare France heureuse et France en colère, France d’en haut et France décrochée. Une République qu’une bonne partie du peuple abandonne n’est plus une République. Emmanuel Macron a toute ­légitimité pour mettre en œuvre, s’il gagne les ­législatives, le programme qu’il a présenté aux Français. Mais si ce programme ne favorise pas le peuple, s’il se contente de satisfaire les ambitions réformatrices de ceux d’en haut, seraient-ils bien ­intentionnés, sa présidence tournera mal. ­La République est confortée. Pour le rester, elle doit être juste.

LAURENT JOFFRIN

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