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Jours tranquilles à Paris
22 mai 2017

Bureau sous surveillance

Par Nicolas Santolaria

Sous couvert de faciliter la vie des salariés, les open space et les dernières innovations technologiques créent un climat à la « Big Brother ».

Plus l’entreprise est cool, plus elle tend à devenir imperceptiblement orwellienne. Alors qu’il nous a été vendu comme le lieu idéal de circulation des énergies, l’open space s’est avéré, en réalité, un formidable instrument de contrôle social.

Inspiré par l’architecture carcérale du philosophe du XIXe siècle Jeremy Bentham permettant au gardien de voir tout le monde sans être vu, le bureau panoptique produit ce même climat intériorisé de scrutation permanente. Se lever pour aller faire pipi vous donne alors le sentiment de contrevenir à la loi du groupe, masse immobile et censément affairée dont le silence pesant laisse supposer qu’elle n’en pense pas moins.

« Orwellisme cool »

Tout cela pourrait même vous pousser à organiser une conférence de presse pour vous disculper et faire savoir que, si vous vous êtes levé dix fois aujourd’hui, ce n’est pas parce que vous avez un problème de prostate ou que vous êtes super-feignant, mais juste parce qu’il est très inconfortable de rester huit heures assis sans bouger.

LE SALARIÉ NOMADE N’EST PLUS ASSIGNÉ À UN POSTE OÙ IL PEUT ÊTRE OBSERVÉ, MAIS EST DÉSORMAIS GÉOLOCALISABLE À TOUT MOMENT GRÂCE AU SMARTPHONE

Efficace, l’ergonomie sociale afférente à l’open space recèle néanmoins un problème de taille : la mécanique du contrôle y est encore trop palpable. Les récentes tentatives visant à contourner cet écueil sont venues renforcer l’axiome du nouvel orwellisme cool.

Sans place fixe, libre de se poser où il veut comme une abeille butinant à sa guise, le salarié nomade n’est plus assigné à un poste où il peut être observé, mais est désormais géolocalisable à tout moment, grâce au smartphone qui lui a été gracieusement offert par son employeur. Le bureau panoptique est désormais au fond de la poche, rétine omnisciente que l’on emporte partout avec soi.

Distributeur commandé par scan de rétine

S’il existe bien entendu un cadre légal qui diffère selon les pays, cette orwellisation des espaces de travail, sous couvert de libération, est incontestablement une tendance d’avenir, au confluent de la technologisation des modes de vie et de l’idéologie de la transparence.

Aux Etats-Unis, obtenir une barre chocolatée dans un distributeur s’effectue désormais, dans certaines boîtes, au moyen d’un système biométrique (c’est grâce au scan de votre rétine ou de votre empreinte digitale que vous accéderez à votre Twix) et aboutira peut-être à une production de données permettant d’affiner votre profil de toxicomane du sucre – lequel pourrait conduire, à terme, à faire flamber vos cotisations de mutuelle.

Récemment, c’est à nos amis belges que l’on doit une avancée notable sur le front de cette « big brotherisation » de la vie salariale. Spécialisée dans le marketing digital, l’entreprise New Fusion a implanté des puces RFID (de radio-identification) de la taille d’un grain de riz sous la peau de la main de huit de ses salariés. Ce nanomouchard permet, entre autres, de transmettre sa carte de visite électronique au smartphone d’un interlocuteur. L’orwellisme cool ne s’arrêtera sans doute pas en si bon chemin.

Peut-être que demain, grâce à ce grain de riz, vous pourrez acheter vos frites sans contact à la cantine. Seul hic ? Tout le monde saura que, cette année, vous en avez repris 1 984 fois.

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