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Jours tranquilles à Paris
24 mai 2017

Législatives : Baroin, général d’une droite éclatée face à Macron

Par Alexandre Lemarié, Auvergne-Rhône-Alpes, envoyé spécial

Le maire de Troyes bat la campagne LR pour les législatives. Mais sa marge de manœuvre est ténue et les ténors se déchirent sur l’attitude à tenir vis-à-vis du nouveau pouvoir.

« C’est collector ! Je vais le garder ! », s’amuse François Baroin, en tenant un dépliant jaune dans les mains intitulé… « En marche ». « Macron nous a copiés ! », rit Vincent Chriqui, candidat Les Républicains (LR) dans la 10e circonscription de l’Isère, en présentant un document du chantier de réaménagement de sa ville de Bourgoin-Jallieu, publié en 2015. La scène s’avère aussi cocasse que symbolique. Comme un passage de relais entre l’ex-directeur de campagne de François Fillon pour la présidentielle et le chef de file de campagne de la droite pour les élections législatives.

Souriant et détendu, M. Baroin a effectué une tournée en région Auvergne-Rhône-Alpes, mardi 23 mai, passant également par Annecy (Haute-Savoie) ou Mions (Rhône) pour soutenir les candidats LR-UDI au scrutin des 11 et 18 juin. Avec l’objectif d’obtenir une majorité absolue pour imposer une cohabitation à Emmanuel Macron.

« Le moyen le plus sûr d’avoir une politique de la droite et du centre, c’est d’avoir une majorité de la droite et du centre à l’Assemblée », a-t-il déclaré, un peu plus tard, lors d’une réunion publique à Jonage (Rhône), une commune de la banlieue de Lyon, en présence du patron du parti Bernard Accoyer, de celui des députés LR Christian Jacob ou du sarkozyste Brice Hortefeux.

Marge de manœuvre ténue

Un discours devant près de 600 personnes visant à mobiliser des troupes encore sonnées par l’échec à la présidentielle et déstabilisées par la recomposition provoquée par le nouveau chef de l’Etat. Mais auquel personne ne croit vraiment dans les rangs de l’ancienne UMP.

« Il sera très compliqué d’obtenir 289 députés », admet un membre de l’équipe de campagne. Un constat lucide : dans l’Assemblée sortante, LR compte 199 députés et l’UDI 27. Dès lors, comment remporter 63 sièges supplémentaires, alors que le mouvement de M. Macron, La République en marche (LRM), est, dans les sondages, favori des législatives ?

Conscient de la difficulté de sa tâche, M. Baroin tente surtout d’obtenir le groupe le plus nombreux possible dans la future Assemblée, pour que son camp soit incontournable dans le cas où le chef de l’Etat ne disposerait que d’une majorité relative. « Macron aura sûrement besoin de renforts au centre droit pour faire passer ses lois, comme celle sur le travail. Il faudra donc voter les réformes qui nous paraissent bonnes, afin de faire pencher la balance de notre côté », anticipe Lionel Tardy, député LR sortant, qui se représente dans la 2e circonscription de la Haute-Savoie.

En attendant, le maire de Troyes tente de dissuader les Français de voter en faveur des candidats LRM, qui bénéficient de la bienveillance d’une partie de son propre électorat. D’autant plus depuis qu’un premier ministre juppéiste, Edouard Philippe, mène la campagne législative du mouvement de M. Macron et que deux autres personnalités de droite – Bruno Le Maire et Gérald Darmanin – ont été nommées à Bercy. La marge de manœuvre reste ténue pour M. Baroin face à un chef de l’Etat au profil libéral en économie, qui a réalisé un sans faute depuis son investiture…

Face à Macron, le ton apaisé de Baroin

« Les gens de droite qui se disent “On a un jeune président, il faut l’aider”, il faut qu’ils fassent un choix dans la clarté », prévient-il, en surjouant les différences programmatiques avec celui qu’il dépeint comme un tenant du « statu quo » et de « l’ambiguïté ». Son principal angle d’attaque porte sur la fiscalité.

« Macron veut augmenter les impôts avec la hausse de la CSG, nous voulons les baisser. Nous proposons la fin des 35 heures, Macron n’a aucune proposition sur le sujet. Idem sur la retraite à 65 ans », insiste-t-il. Avant de mettre en garde contre « le choc fiscal sans précédent qui s’annonce si En marche ! a la majorité à l’Assemblée ».

Au-delà de ces arguments de campagne, M. Baroin ne tient pas un discours guerrier vis-à-vis du nouveau pouvoir. Loin de là. Soucieux de ne pas donner l’image d’une opposition systématique, le président de l’Association des maires de France assure être disposé à défendre « l’intérêt général ».

« Le plus utile pour le pays, ce n’est pas un affrontement avec le président de la République que nous respectons. Nous saurons pouvoir travailler à ses côtés pour le bien de la France », assure-t-il, afin de coller au sentiment ambiant dans l’opinion depuis l’élection de M. Macron, sur la promesse de dépasser les clivages partisans.

Un ton apaisé, qui tranche avec celui résolument offensif, employé par Laurent Wauquiez, lors de la réunion publique à Jonage. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui brigue la présidence du parti lors du congrès de novembre, s’est positionné en opposant résolu du pouvoir, dépeignant M. Macron comme « l’héritier de François Hollande » et « l’attrape-miettes de la politique française ».

L’émergence de deux droites irréconciliables ?

Le représentant de l’aile droitière s’est posé en gardien du temple LR, en fustigeant l’attitude des trois personnalités de droite qui sont entrées au gouvernement. « Certains ont préféré se vendre plutôt que de rester fidèles à leurs idées », a asséné M. Wauquiez, en les accusant d’avoir « trahi leurs valeurs » pour obtenir des « maroquins ministériels ». Il a aussi ciblé « tous ceux qui, la main sur le cœur, nous parlent de l’intérêt du pays alors qu’ils ne savent servir que leur petit intérêt personnel ».

Dans son viseur : la centaine d’élus de droite et du centre, qui ont appelé à « répondre à la main tendue » par M. Macron. Cela concerne notamment le député LR des Hauts-de-Seine, Thierry Solère, qui a affiché sa volonté de se placer dans une « démarche constructive » vis-à-vis du nouvel exécutif. « Je ne suis pas En marche ! mais je veux que ça marche », a-t-il déclaré, mardi, sur France Inter, en annonçant qu’il voterait la confiance au gouvernement d’Edouard Philippe. Sur RMC, le maire LR de Nice, Christian Estrosi, a appelé les futurs députés de droite à en faire autant.

Une position également envisagée par l’ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin dans Le Figaro. Sur Europe 1, le sénateur LR a même proposé que des députés LR et UDI « s’associent » dans la future Assemblée pour former « Les Constructifs », un groupement qui soutiendrait certaines réformes du pouvoir. Le signe qu’à droite, les ténors se divisent un peu plus sur l’attitude à tenir vis-à-vis de M. Macron. Comme si, peu à peu, se faisaient jour deux droites irréconciliables.

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