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Jours tranquilles à Paris
27 mai 2017

Cannes 2017. «Cher François Ozon...» lettre ouverte au réalisateur de «l'Amant double»

amant22

Le réalisateur ferme le ban des quatre films français en lice pour la Palme d'or. Notre critique Pierre Vavasseur ne la lui accordera pas pour «l'Amant double».

Vous revoici donc aujourd'hui à Cannes, dans les plus jolies conditions puisque vous concourez en compétition officielle, invité à fermer le ban de la sélection française. Félicitations. Votre film, qui sort ce même jour sur les écrans, est une comédie non romantique avec des accents de thriller mental saupoudré de gore. Il est librement adapté d'un ouvrage de la romancière new-yorkaise Joyce Carol Oates qu'elle avait d'ailleurs signé sous pseudo. Avant vous, en 1988, le cinéaste américano-canadien David Cronenberg en avait tiré «Faux-semblants», avec Geneviève Bujold et Jeremy Irons. Vous avez choisi Marine Vacth, révélée par vos soins en 2013 dans «Jeune et Jolie», et un autre Jérémie en la personne de Jérémie Renier. Le thème est fort : il s'agit de la gémellité cannibale. Comment des jumeaux se font la guerre dès la conception. Puis, s'ils s'en sont sortis, se jalousent entre eux. Ça, c'est le fond du problème, et il est sanglant. Tout commence par une rencontre entre une jeune femme dépressive, Chloé, et son psy, Paul, qui en tombe amoureux. Ils s'installent ensemble. Mais par hasard, Chloé croit apercevoir Paul dans Paris. Il lui assure qu'il a passé la journée à l'hôpital en compagnie de ses patients.

Cher François, vous avez fait de si belles choses, si délicates, telles ce «Frantz», onze fois nommé lors des derniers César. Mais je déteste votre film. Plus j'y ai pensé et repensé, plus je m'en suis éloigné. Il m'est lentement apparu comme la représentation tordue que vous avez des femmes. Ce désir de les débarrasser de la grâce et de l'amour qu'elles sont en droit d'inspirer. Marine Vacth est l'une de nos plus belles et troublantes actrices. Déjà, dans «Jeune et Jolie», vous en faisiez un miroir froid de vos fantasmes. Une prostituée sans tendresse. Dépucelée sans amour. Je ne vous parle pas de morale, je vous parle d'image.

 Vous auriez préféré naître d'un homme.

«Une nouvelle amie», en 2014, avec Romain Duris réincarnant son épouse disparue, avait aussi cette brûlure dérangeante et glacée, étanche aux sentiments. Vous n'aimez pas la douceur, François. Vous profitez de votre art pour l'assassiner. En faisant semblant d'aimer les femmes, de leur rendre hommage, vous nous empapaoutez. Ce ne sont pour vous que de charmants papillons de nuit. Avec le recul, «Huit Femmes» est d'une acidité totale dissimulée derrière une affectation acidulée. Ce n'est pas un film sur la féminité, c'est un film en couleur.

Mais avec «l'Amant double», vous vous lâchez pour de bon. Séquence générique : les longs cheveux de Marine Vacth sont coupés avec application. La caméra y prend son plaisir. Votre actrice, qui a pour elle de renverser le monde, de le mener par le bout du nez, vous l'aimez pour une seule raison : son personnage est une proie, une victime, une soumise, une violée consentante. Elle ne peut jouir que dévastée. Vous montrez son vagin en gros plan chez la gynéco. On a le nez dedans.

Plus tard vous récidivez : palpitation des lèvres et du désir. C'est 20 000 lieues sous la mère monstrueuse qu'elle est amenée à devenir. Reconnaissez-le, François. Vous n'aimez pas les femmes. Elles sont la transcription de vos peurs, voire de votre dégoût d'avoir été enfanté par l'une d'elles. Vous auriez préféré naître d'un homme. Et pourquoi ce plan sur le visage de Jacqueline Bisset qui, presque déformée par la focale et les insultes qu'elle profère, semble si laide... Vous voyez ? Si j'étais une femme, je serais accablée par ce que vous montrez de moi.

«L'Amant double», drame français de François Ozon, avec Marine Vacth, Jérémie Renier, Jacqueline Bisset, Myriam Boyer... 1 h 47. Sortie en salles vendredi 26 mai.

Le Parisien

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