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Jours tranquilles à Paris
7 juin 2017

« Art/Afrique, le nouvel atelier », Fondation Louis Vuitton (Paris XVI e)

Par  Yves Jaeglé

Après la folie, le calme. Après Chtchoukine, l’Afrique. Dimanche dernier, en début d’après-midi, on s’étonne d’entrer en quelques minutes — le temps du contrôle de sécurité — à la Fondation Louis Vuitton, en bordure du jardin d’Acclimatation (Paris XVI e), quand on se souvient des files d’attente interminable de l’hiver. L’art africain contemporain attire évidemment moins les foules que Gauguin, Matisse et Picasso. Et pour être honnête, on y allait un peu à reculons. Peur d’un panorama scolaire.

Solaire plutôt : on a mis plus de temps à sortir, à partir, happé, saisi au col, bouleversé parfois par ces 35 artistes originaires de 12 pays. Tout s’entrechoque, tant les œuvres sont variées. Certaines déjà historiques, comme les photographies des années 1960 de Malick Sidibé, disparu en 2016 à Bamako. Ses nuits maliennes — un twist, un flirt à Noël 1963, un mariage — racontent une époque saisie sur de vieux tirages argentiques. Comme ceux de Seydou Keïta (1921-2001), l’autre grand photographe malien.

Des photos et des peintures : celles, politiques et ludiques, du Congolais Chéri Samba, mais aussi, festives et un peu mélancoliques, de son ami Moké, artiste terrassé par une crise cardiaque à 51 ans en 2001 alors qu’ils partageaient une bière tous les deux. D’autant plus troublant que Moké a justement peint ce type de soirées passées à danser et à siroter une Skol ou une Primus, la bière de Kinshasa, des fresques très prenantes.

à l’étage, un récit fou sur l’Afrique du sud de Mandela

Des assemblages spectaculaires et jamais gratuits, enfin, comme ce Vespa à trois roues avec deux ailes d’avion constituées de jerrycans en plastique, du Béninois Romuald Hazoumè, allusion au trafic d’essence à la frontière du Nigéria et du Bénin. Toute cette partie, passionnante, qui regroupe une partie de la collection du Français Jean Pigozzi, l’un des premiers à avoir défriché l’art africain, nous fait entrer dans un continent, par ses histoires, ses artistes, ses trouvailles. Comme ces masques récents, qui ne sont plus de bois, mais de bric et de broc : plastique, stylos, chapeau…

Changement de climat aux étages supérieurs, avec un art encore plus contemporain de jeunes artistes d’Afrique du Sud. Devant une installation vidéo, immense, on reste vingt-quatre minutes, le temps de ce récit fou d’un pan d’histoire : un jeune homme et une jeune femme racontent comment ils ont grandi sans leurs pères respectifs, assassinés sous l’apartheid. Le montage de dessins et extraits de journaux, qui se mêlent à leur interview, le suspense de la mise en scène en font un témoignage exceptionnel sur le pays de Nelson Mandela, ses fantômes, ses enfants. On ne connaissait pas l’auteur de cette œuvre, Sue Williamson, pas plus que la plupart des autres artistes exposés. Dans cette séquence plus dure, tout n’est pas aussi réussi, mais tout parle. Parfois ça hurle, même. Des tapisseries en laine d’Athi-Patra Ruga sautent au visage par leur singularité de jungle urbaine et imaginaire, érotique et menaçante. Rien d’exotique. L’Afrique ne va pas bien, mais elle va vite.

« Art/Afrique, le nouvel atelier », Fondation Louis Vuitton (Paris XVI e), 11 heures-20 heures le week-end, midi-19 heures en semaine, 21 heures le vendredi, fermé mardi, 10-16€, jusqu’au 28 août, wwwfondationlouisvuitton.fr.

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