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Jours tranquilles à Paris
13 juin 2017

Jean-Luc Mélenchon sur un nuage

Par Gilles Rof, Marseille, correspondant, Raphaëlle Besse Desmoulières, Marseille, envoyée spéciale Le Monde

En tête dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, le leader de La France insoumise s’est réjoui de voir son mouvement devancer le PS au premier tour des législatives.

Cela faisait bien longtemps que l’on n’avait pas vu Jean-Luc Mélenchon de si bonne humeur. Dimanche 11 juin, aux Docks du Sud, la salle marseillaise réservée pour cette soirée du premier tour des législatives, le chef de file de La France insoumise est sur un petit nuage. Il est 21 h 30 passé quand il prend la parole pour la deuxième fois. Et contrairement à ce qui était prévu, il n’attend même pas d’être arrivé sur l’estrade pour répondre aux journalistes.

A cette heure-là, il sait déjà qu’il sera présent au second tour dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, et il a également vu la plupart de ses proches se qualifier. Certes, on est très loin de la « nouvelle majorité » qu’il souhaitait imposer à Emmanuel Macron, lui qui se voyait déjà premier ministre. Mais avec 11 % des suffrages, son mouvement arrive en tête de la gauche, devant le Parti socialiste (9,5 % avec ses alliés). Si l’on ajoute les voix de ses ex-alliés du Parti communiste (PCF, 2,7 %), la gauche radicale termine devant le Front national (13,2 %).

Même si son mouvement perd plus de huit points par rapport au score de la présidentielle, pas question pour l’ancien socialiste de parler d’échec, lui qui estime avoir accompli « un boulot magnifique » avec La France insoumise, mouvement lancé début 2016. « C’était prévisible qu’on ait une moindre mobilisation, souligne-t-il. Je suis surtout conscient de la responsabilité que ça me donne. Nous sommes la force centrale dans ce qui suit. C’est à nous de reconstruire. »

« Situation politique instable et en trompe-l’œil »

Celui qui était arrivé à Marseille en mai en clamant que son but était de « remplacer le PS » considère que son ancien parti s’en est chargé tout seul par ses « bêtises » et « tous les manquements à la parole donnée ». Le cofondateur du Parti de gauche ne peut s’empêcher de savourer l’élimination de plusieurs ténors du PS, en premier lieu celle de son numéro un à Paris, Jean-Christophe Cambadélis, en partie grâce à la « super-candidate » de La France insoumise, Sarah Legrain, une jeune dirigeante du Parti de gauche.

Une heure plus tôt, à la tribune cette fois, M. Mélenchon avait déjà dans la voix ce petit goût de victoire avant l’heure. A mille lieues de ce fichu 23 avril où il n’avait pu empêcher la rancœur de dicter ses paroles. Dans une courte déclaration, il reconnaît « une très nette et incontestable avance du parti du président », qu’il ne prendra même pas la peine de nommer. Mais pour lui, il s’agit d’une « situation politique totalement instable et en trompe-l’œil ». « L’immensité de l’abstention montre qu’il n’y a pas de majorité dans ce pays pour détruire le code du travail », note-t-il.

Et M. Mélenchon de lancer un appel aux « milieux populaires et de la jeunesse » à ne pas donner « les pleins pouvoirs » au chef de l’Etat et à élire le maximum de députés de La France insoumise. « C’est autour d’eux que va se constituer l’opposition écologiste et sociale, le mouvement humaniste dont notre pays a besoin », affirme-t-il.

Vers un groupe à l’Assemblée nationale

Autre point : l’attitude à adopter face au Front national (FN) dimanche 18 juin. Sa position de l’entre-deux-tours de la présidentielle, où il avait refusé d’appeler à voter pour M. Macron, n’a pas toujours été comprise sur le terrain. Il demande désormais à ses candidats du cas par cas, en faisant « attention » à leurs choix afin de « ne jamais permettre l’élection d’un député du FN ». « Sur le terrain, appréciez les situations et agissez le plus habilement possible », a-t-il ajouté.

Au final, ils sont 69 à être présents au second tour. Un score qui leur « ouvre la porte à un groupe à l’Assemblée nationale », veut croire l’ex-députée Parti de gauche Martine Billard, qui commentait les résultats à Paris.

Plusieurs membres de la garde rapprochée de M. Mélenchon disputeront le match le 18 juin : Manuel Bompard à Toulouse, Alexis Corbière et Eric Coquerel en Seine-Saint-Denis, Danielle Simonnet à Paris… La plupart se sont qualifiés aux dépens de socialistes et beaucoup sont en ballottage défavorable face à un candidat du parti présidentiel. Pour Farida Amrani également, qui affrontera l’ex-premier ministre PS Manuel Valls dans l’Essonne, la marche sera haute pour l’emporter. Mais c’est autant de points de marqués et de financement public à venir pour le mouvement de M. Mélenchon.

Sans oublier les personnalités que soutenait La France insoumise et qui, ont elles aussi, franchi cette première étape : le journaliste François Ruffin dans la Somme, la députée sortante communiste Marie-George Buffet en Seine-Saint-Denis, ou la porte-parole d’Ensemble, Clémentine Autain, dans ce même département.

Mélenchon en tête dans sa circonscription

Le pari est aussi remporté vis-à-vis du PCF. Dans plusieurs territoires que la formation de Pierre Laurent espérait (re)conquérir, le candidat communiste a été éliminé au profit de celui de La France insoumise. L’exemple le plus frappant est celui d’Ivry-sur-Seine, où Pascal Savoldelli, le « M. Elections » du PCF, se fait doubler par la jeune Mathilde Panot, une proche de M. Mélenchon. « Ce n’est pas moi qui ai imposé au PCF l’humiliation de se retrouver à 3 % ce soir, s’est défendu M. Mélenchon. Notre famille politique nous a donné raison : le problème est réglé par les urnes. »

Le député européen est l’un des rares à terminer en tête. Avec 34,3 % des voix, il prend une nette avance sur la représentante de La République en marche, Corinne Versini (22,7 %). Quant au sortant socialiste, Patrick Mennucci, il n’obtient que 12,4 % des suffrages.

Devant sa permanence, sur le trottoir de la rue de la République, ce dernier a reconnu relativement tôt sa défaite. « Mon bilan à l’Assemblée n’a pas pu me faire résister aux dynamiques politiques auxquelles je devais faire face, a-t-il expliqué. La gauche sort de la pire période de son histoire récente. L’ensemble des cadres politiques, dont je suis, doivent tirer les conséquences et faire un pas de côté pour porter une nouvelle génération aux responsabilités afin de refonder nos idées, changer nos pratiques et redonner l’espoir. »

Sous le choc, M. Mennucci n’a donné aucune consigne pour le second tour. Il résumait son dilemme par ces quelques mots : « Je n’ai pas envie de voter pour une représentante du Medef et il est hors de question d’aider Mélenchon… »

« Faire exister une alternative à M. Macron. »

Avec ce résultat inespéré il y a encore quelques semaines, Mme Versini change de statut. Voilà désormais la chef d’entreprise aixoise directement face au chef de file de La France insoumise. « Je sais bien sûr qu’il va m’attaquer, j’y suis prête », assure la référente départemental de La République en marche. Compte-t-elle bénéficier d’un effet « tout sauf Mélenchon » au second tour ? « Cela va aider, sans doute, mais je préférerais être élue sur une dynamique positive », répond-elle.

Une question que M. Mélenchon élude : « Il y a autant de raison d’être tous contre Versini que d’être tous contre Mélenchon. » Le chef des Insoumis ne manque pas de railler la « parachutée d’Aix ». « Pour les Marseillais, c’est presque pire » qu’un Parisien, plaisante-t-il.

La partie n’est pas gagnée pour autant. Il lui faudra convaincre les électeurs de M. Mennucci de se reporter sur lui. Ce qui pourrait ne pas être qu’une simple formalité étant donné l’ambiance du premier tour.

« Bienvenue aux électeurs de Patrick Mennucci et à tous ceux qui veulent voter pour moi au deuxième tour, leur a-t-il lancé. Ils savent très bien pourquoi je suis venu à Marseille. Je les appelle à venir m’aider, à venir faire exister une alternative à M. Macron. »

S’il fait mine de rester prudent – « je ne connais pas d’élection jouée d’avance » –, l’ancien sénateur se voit déjà siéger dans l’hémicycle. Lui revient alors en mémoire ses premiers pas à l’Assemblée nationale quand il était ministre de Lionel Jospin. « C’était d’une sauvagerie par rapport au Sénat ! Vous allez voir, après, c’est moi qui vais faire figure de sage et de modéré ! », s’amuse déjà M. Mélenchon.

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