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Jours tranquilles à Paris
29 juin 2017

La Bourse du commerce vouée aux arts

Par Frédéric Edelmann - Le Monde

Le monument du quartier des Halles à Paris abritera, en 2019, les collections de la fondation Pinault.

« Centripète ou centrifuge ? », demande en substance un des journalistes présents à la conférence de presse grand standing, tenue lundi 26 juin à la Bourse de commerce à propos de la nouvelle Fondation Pinault, qui doit prendre pied dans le monumental édifice.

« Centrifuge », répond la maire socialiste de Paris. Anne Hidalgo, qui soutient « avec enthousiasme » le projet, censé être achevé « au plus tard en 2018 » (soit après un an et demi de travaux seulement, pour ouvrir en 2019), est en effet présente au côté du milliardaire François Pinault.

Une équipe de choc. Elle comprend aussi François-Henri, le fils, successeur de son père à la tête du groupe Kering, et futur gestionnaire de la fondation ; Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la culture, aujourd’hui conseiller du patriarche ; enfin, Tadao Ando, le plus célèbre des architectes japonais, qui ne cache pas son bonheur d’être à Paris.

Un chantier difficile

C’est à lui, déjà auteur pour Pinault à Venise des aménagements du Palazzo Grassi et de la pointe de la Douane, qu’a été confiée la transformation de l’ancienne Bourse, en liaison avec la jeune agence française Niney et Marca Architectes (NeM). Sans compter Pierre-Antoine Gatier pour les Monuments historiques – car la Bourse a de beaux morceaux classés : sa coupole, sa colonne, son escalier – ; Martin Bethenod, directeur délégué de la Collection Pinault-Paris ; Daniel Sancho, directeur de la maîtrise d’œuvre et donc maître du temps sur ce chantier à haute vitesse, qui, même s’il n’y a pas de toiture ni de murs porteurs à couler, présenterait de sérieuses difficultés.

Un staff « béton » pour qui douterait de la solidité de l’une ou l’autre des personnalités de l’équipe, et le prouver est sans doute le but de cette conférence de presse bondée de journalistes de toutes nationalités.

La tradition veut qu’on s’interroge tout de même sur les chiffres. Réponse des Pinault boys : tout sera pris en charge par la famille sans recours aux dispositions de la loi Aillagon du 1er août 2003, dont le dispositif fiscal pour développer en France le mécénat des entreprises et des particuliers. François Pinault trouverait immoral de priver l’Etat de ses apports au Trésor. Un argument de moins pour les râleurs.

Il ne s’agit pas de sommes modestes : les travaux sont estimés à environ 108 millions d’euros. Quant à l’occupation de l’édifice, elle donnera lieu à une redevance versée à la Ville de Paris, de 15 millions d’euros les deux premières années (deux fois 7,5 millions), puis d’une somme annuelle de 60 000 euros augmentée de 5 % au-delà de 3 millions de chiffre d’affaires.

Un édifice à l’histoire composite

Le financement de l’activité, toujours par la famille Pinault, est censé tourner autour de 10 millions d’euros annuels, soit 500 millions sur cinquante ans. C’est dire que les héritiers s’engagent sur un fort long terme.

A 55 ans, François-Henri Pinault dominerait largement, en France, le classement des hommes d’affaires les mieux payés en 2017, avec des revenus estimés à près de 82 millions d’euros. De quoi faire vivre une fondation et poursuivre tranquillement l’œuvre de son père.

La Bourse du commerce aura été le dernier avatar d’un édifice à l’histoire composite. D’abord un hôtel aristocratique, construit à la demande de Catherine de Médicis (plus tard hôtel de Soissons), détruit en 1748, et dont il ne subsiste que la colonne supposée astronomique élevée en 1574.

Puis une halle aux blés, circulaire, dotée d’une grande cour centrale largement ouverte sur la ville, fut édifiée dès 1763, puis remplacée par la Bourse officielle des marchandises en 1886, coiffée d’un dôme de verre, remarquable pour les historiens. Trois ans plus tard, elle participait à l’Exposition universelle de 1889, enrichie, sous la coupole, d’une immense fresque représentant les grandes régions de commerce du monde, peinte par les peintres les plus en faveur de l’époque.

Entretenir le mystère

Quelle « Collection Pinault » – puisque tel est le nom de la fondation ? Ce n’est pas ce 26 juin que l’on aura pris connaissance du projet conduit par Martin Bethenod. Que ce soit le contenu de la collection permanente ou le programme des expositions temporaires. Ils seront élaborés selon le même principe de secret relatif qui a accompagné les deux enseignes vénitiennes.

Concernant l’architecture, en revanche, impossible d’entretenir le mystère. Les visiteurs acceptés à l’agence Tadao Ando, située à Osaka, ont déjà pu apercevoir la plus grande maquette du projet existante. Large de près de deux mètres, elle somnole au sous-sol d’une annexe, un moment prévue pour servir de logis au maître d’œuvre.

Remarquablement explicite, elle ne viendra cependant pas en France. Du moins pas tant que la grande exposition qui doit être consacrée à l’œuvre de Tadao Ando, à Tokyo, à l’automne, n’aura pas fermé ses portes.

Pour l’instant, le public peut voir une maquette plus petite, accompagnée de dessins originaux, jusqu’au 24 septembre au Pavillon de l’Arsenal, à Paris. Un moyen pour comprendre ce que signifie ou non le terme « centrifuge », répété par Mme Hidalgo. Elle souhaite que la future fondation soit ouverte sur tout le quartier central de Paris, jusqu’aux quais de la Seine, au sud, au Musée du Louvre, à l’ouest, au Centre Pompidou, à l’est, ainsi que jusqu’à la Canopée, au Forum et à l’immense gare souterraine des Halles.

Pourtant, le plan parfaitement circulaire de la Bourse, seulement interrompu par la grande porte au numéro 2 de la rue de Viarmes, laisse plutôt imaginer un bâtiment centripète, replié sur lui-même, tournant donc résolument le dos au jardin et à la Canopée de l’architecte Patrick Bergé. L’évocation de la rue de Viarmes est l’occasion pour François Pinault de plaider pour une révision des numéros des rues : 40 bis, rue du Louvre serait assurément plus vendeur.

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