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Jours tranquilles à Paris
4 juillet 2017

Emmanuel Macron à Versailles devant le Congrès

macron roi soleil

 

Le discours d'Emmanuel Macron sur périscope en cliquant sur le lien suivant : 

https://www.pscp.tv/w/1ynJOjyrpPZGR

 

« Un discours ? Non, une révolution »

Par Françoise Fressoz

Dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde », estime que l’objectif du président, lundi à Versailles, n’était pas d’effacer son premier ministre mais de confirmer l’ampleur de la révolution qu’il entend conduire dans le pays.

Tous ceux qui avaient accusé Emmanuel Macron de vouloir faire de l’ombre à son premier ministre en parlant avant lui se sont fourvoyés. Leur champ de vision était trop court. Ils se sont trompés sur la nature du discours au Congrès, prononcé lundi 3 juillet à Versailles par le chef de l’État.

L’objectif de M. Macron n’était pas d’effacer son chef de gouvernement auquel échoit au contraire la lourde tâche de dérouler le contenu précis des réformes et d’en assurer l’exécution. Sa visée était de confirmer l’ampleur de la révolution qu’il entend conduire dans le pays depuis que, le 6 avril 2016, lui, l’ancien ministre de l’économie de François Hollande, s’est mis en marche pour tout changer.

La nouvelle société que tente de faire émerger le nouvel élu est fondamentalement libérale. Elle mise sur l’autonomie de l’individu, son dynamisme, sa capacité à saisir sa chance dans un environnement économique et social qui aura été profondément transformé pour le lui permettre.

De cette mise en mouvement, le chef de l’État attend tout : un changement de mentalité, un sursaut d’optimisme, un surcroît de citoyenneté, la victoire sur le populisme. Dans son discours, le mot « liberté » domine tous les autres, c’est pourquoi les castes, quelle que soit leur nature, sont dans le collimateur. A commencer par celle des élus qui ont failli.

Logiciel idéologique

En s’appuyant sur « le mandat du peuple », M. Macron poursuit avec détermination le dynamitage du vieux monde politique qu’il avait entamé pendant sa campagne. Devenu le garant des institutions, il les redessine à sa façon. Après avoir réinvesti symboliquement la charge présidentielle, il refaçonne le Parlement en annonçant qu’il veut couper d’un tiers le nombre des élus, instiller une dose de proportionnelle dans le scrutin législatif, refondre la procédure parlementaire et réformer de fond en comble le Conseil économique social et environnemental (CESE).

Partout, un maître mot, « l’effectivité », par opposition au déni de réalité, au manque de résultats, aux discours qui tournent à vide. Il y a quelque chose de vertigineux, dans un pays démocratique, à voir un seul homme conduire le changement avec une telle détermination. « C’est Louis-Philippe et Louis Napoléon à la fois ! », s’était indigné François Mitterrand lorsque de Gaulle avait, en septembre 1958, accouché de la Ve République mais il avait, ensuite, fallu vingt-trois ans au leader socialiste pour transformer son combat en victoire, accéder au pouvoir et finalement se couler dans les habits du monarque.

On mesure à cette aune le chemin que devront parcourir les opposants à M. Macron qui, pour l’heure, se divisent en deux camps : les « irréductibles » tendance Jean-Luc Mélenchon – le chef de file de La France insoumise – qui, au nom de la VIe République, mènent un double combat, institutionnel et social, contre le nouveau locataire de l’Elysée auquel ils dénient, en raison de l’ampleur de l’abstention, toute légitimité démocratique. Et puis les autres, sonnés par la défaite, qui préfèrent minimiser la portée du discours présidentiel, « creux », « vide » assènent-ils, parce que, pour répondre, il faudrait que leur logiciel idéologique soit à jour. Et cela prendra des mois, si ce n’est des années.

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Devant le Congrès, Emmanuel Macron appelle les Français à renouer avec « l’esprit de conquête »

Par Bastien Bonnefous, Cédric Pietralunga

Le chef de l’Etat s’est engagé à répondre à « l’impatience » du pays par un « changement profond », laissant à son premier ministre la charge de détailler, mardi, les moyens pour y parvenir.

Il est un peu moins de 15 heures, lundi 3 juillet, quand Emmanuel Macron traverse l’aile du Midi du château de Versailles, encadré par les casques rutilants de la Garde républicaine. Le pas lent, le président de la République pénètre, dans un silence d’église, dans la salle du Congrès, avant de monter à la tribune et de se poster face aux quelque 900 députés et sénateurs présents dans l’Hémicycle, déserté seulement par une cinquantaine d’élus de la France insoumise ou de l’UDI.

Raide, quasi au garde à vous, il fixe l’assistance pendant de longues secondes, le regard droit devant. Solennel, vertical. Au-dessus de sa tête, une immense peinture, d’après Auguste Couder, représente la séance d’ouverture des États généraux à Versailles, le 5 mai 1789, en présence du roi Louis XVI et de la cour. Pour son premier discours d’ampleur depuis son investiture le 14 mai, M. Macron vient présenter sa « véritable révolution » aux élus de la représentation nationale.

Installée à l’étage sur le côté droit de la salle, près du gouvernement au complet, la garde prétorienne de l’Elysée, formée entre autres par la « plume » Sylvain Fort et le conseiller en stratégie Ismäel Emelien, veille sur l’assistance. Les huissiers sont là, eux aussi, disséminés, qui garantissent le respect du protocole. Il a fallu trois jours pour préparer le bâtiment et l’Hémicycle, qui n’avaient pas été utilisés depuis la venue de François Hollande, le 16 novembre 2015, après les attentats de Paris et de Saint-Denis.

Accents messianiques

Pendant presque une heure et demie, M. Macron a adressé à la nation un discours de la volonté. Sa volonté. Celle de répondre à « l’impatience » du pays par un « changement profond », rendu possible, selon lui, par « le mandat » que lui ont donné les Français en le portant à l’Elysée en mai et en confirmant la vague macroniste lors des législatives, un mois plus tard.

« Ce qui nous est demandé par le peuple, c’est de renouer avec l’esprit de conquête (…) pour le réconcilier avec lui-même », explique le chef de l’Etat, qui veut en finir avec le « déni de réalité » et « trancher avec les années immobiles ou les années agitées » des deux précédents quinquennats de Nicolas Sarkozy et M. Hollande. « En chacun de nous, il y a un cynique qui sommeille. Et c’est en chacun de nous qu’il faut le faire taire (…) Alors, nous serons crus », lance-t-il, renouant avec les accents messianiques de certains de ses meetings de campagne.

Sur le fond, le discours élyséen est pourtant loin de renverser toutes les tables. Peu disert sur la lutte contre le chômage ou les enjeux environnementaux, très général sur sa politique européenne et internationale, M. Macron a surtout insisté sur la nécessité, à ses yeux, de tourner la page avec les réflexes du milieu politique, quitte à bousculer les parlementaires.

Le locataire de l’Elysée a ainsi dénoncé ce « monde politique fait de querelles stériles et d’ambitions creuses », ce « climat de faux procès où le débat public nous a enfermés trop longtemps », dans une « époque de découragement » où « nombreux encore sont ceux qui spéculent sur un échec qui justifierait leur scepticisme ». Mais en même temps qu’il dit vouloir en finir avec « l’opacité, le clientélisme, les conflits d’intérêt, tout ce qui relève de la corruption ordinaire », M. Macron met en garde les médias contre la « société de la délation et du soupçon généralisés », donnant l’impression de vouloir protéger cet ancien monde dont il voue pourtant les pratiques aux gémonies.

Contre « la chasse à l’homme »

« J’appelle à la retenue, à en finir avec cette recherche incessante du scandale, avec le viol permanent de la présomption d’innocence, avec cette chasse à l’homme où parfois les réputations sont détruites », a-t-il déclaré, dans une allusion à peine voilée aux affaires Ferrand ou du MoDem, qui ont brouillé le début de son quinquennat.

Seul chapitre véritablement détaillé de son intervention, le volet institutionnel reprend l’essentiel de ses promesses de campagne. Le chef de l’Etat, qui a l’intention de s’exprimer chaque année devant le Congrès, veut modeler à sa main les institutions de la Ve République. Il a ainsi confirmé son engagement de réduire d’un tiers le nombre de parlementaires, qui s’étendra, au-delà de l’Assemblée nationale et du Sénat, au Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Confirmée aussi, l’introduction d’une « dose de proportionnelle » (sans préciser son niveau) aux législatives, comme la limitation « dans le temps » des mandats parlementaires – pas plus de trois, indiquait son programme électoral. Suppression de la Cour de Justice de la République, refonte du Conseil supérieur de la magistrature, et « évaluation », deux ans après leur mise en œuvre, des « textes importants », comme la future loi sur la lutte antiterroriste censée supplanter l’état d’urgence, qui sera levé « à l’automne ».

Emprunts à des figures historiques

M. Macron veut que la réforme constitutionnelle soit « parachevée d’ici un an ». Soit par un « vote du Parlement », soit, en cas de blocage, notamment au Sénat, par référendum. Un bouleversement qui interpelle une partie des élus, déjà inquiets de la propension du président à concentrer les pouvoirs. « Le redécoupage des circonscriptions lié à la proportionnelle et à la baisse du nombre de députés, le non-cumul, le vote de lois clés par ordonnances, le recours au référendum… tout participe à terme à asphyxier le pouvoir législatif », considère Olivier Faure, président du groupe Nouvelle gauche (socialistes) à l’Assemblée, qui redoute « une tentation plébiscitaire » chez le chef de l’Etat.

Désireux de donner « le cap », M. Macron s’est arrêté sur plusieurs de ses chantiers, même s’il est resté très vague sur les moyens de les mener. La réforme du droit du travail ? « Il faut évidemment protéger les plus faibles », a-t-il indiqué, mais « le premier principe doit être la recherche d’une liberté forte » afin de « pouvoir faire là où trop souvent nos règles entravent au prétexte de protéger ».

Le droit d’asile ? Il faut lui aussi le « réformer en profondeur » car « débordé de toutes parts, [il] ne permet pas un traitement humain et juste des demandes de protection ». « Nous aurons des décisions difficiles à prendre », a prévenu le président, qui veut distinguer réfugiés politiques et économiques, et dont la politique en matière de gestion des migrants, notamment à Calais, est fortement critiquée par les associations.

Au-delà du fond, M. Macron s’est permis dans la forme quelques emprunts, qui marquent sa volonté de s’inscrire dans les pas de figures historiques. « La France n’est pas un pays qui se réforme [mais] qui se cabre quand on ne le respecte pas, quand on ne parle pas à sa dignité et à son intelligence », a-t-il lancé avec des accents gaulliens. « Chaque Français a sa part de responsabilité et son rôle à jouer dans la conquête à venir », a-t-il aussi déclaré, sorte de clin d’œil du « Kennedy tricolore » au « ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays » lancé par JFK lors de son discours d’investiture à Washington, en 1961.

A plusieurs reprises, M. Macron a fait référence, enfin, à son premier ministre, Edouard Philippe. A l’entendre, pas de « caporalisme » avec lui, mais du « partage d’idées », quand beaucoup l’accusaient ces derniers jours d’humilier le chef du gouvernement par son discours de Versailles, 24 heures avant sa déclaration de politique générale. « Le président de la République doit fixer le sens du quinquennat (…). Il revient au premier ministre (…) de lui donner corps », a insisté le chef de l’Etat, enjoignant les parlementaires à écouter M. Philippe mardi après-midi pour connaître les détails de « la mise en œuvre » du programme élyséen.

Bastien Bonnefous et Cédric Pietralunga

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ENTHOUSIASTES, PRUDENTES OU CRITIQUES : LES RÉACTIONS AU DISCOURS DE VERSAILLES.

Pour le nouveau président du groupe La République en marche (LRM) à l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, « les objectifs sont clairs, y compris sur les évolutions institutionnelles : libérer, protéger, réconcilier ».

Pour le président du groupe LRM au Sénat, François Patriat, le chef de l’Etat « nous a invités à un changement de monde. (…) J’entends ici ou là parler de dérive monarchique, de pouvoir jupitérien : tenir de tels propos c’est préférer les petites histoires à l’histoire ».

« Plus que jamais la France semble prête à bouger », a assuré Marc Fesneau, qui préside le groupe MoDem à l’Assemblée.

Le patron des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, a jugé le discours du chef de l’Etat « très général ».

La députée LR Virginie Duby-Muller, vice-présidente du groupe à l’Assemblée, a mis en garde contre « la tentation démagogique de la réduction du nombre de mandats dans le temps (…). Avec Les Républicains, nous serons au rendez-vous pour des réformes d’ampleur », mais « nous refusons de vous donner un blanc-seing ».

Pour le député du groupe parlementaire Les Constructifs Franck Riester, ce quinquennat doit être « une réussite pour la France. Prenons garde également de ne pas tomber dans un antiparlementarisme démagogique ».

Olivier Faure, le chef de file des députés socialistes à l’Assemblée, a mis en garde M. Macron et lui a rappelé que « gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix ». « Conduire une politique et de gauche et de droite, c’est conduire une politique sans choix », a-t-il résumé. Le président du groupe socialiste et apparenté au Sénat, Didier Guillaume, est plus nuancé : « Le peuple s’est exprimé, il a exprimé une lassitude et il faut répondre à cette exaspération. »

Pour Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, dont les élus avaient boycotté le Congrès, « entendre le président délivrer la bonne parole avant le premier ministre est une situation qui relève de la monarchie ». C’est un « premier coup de force ». Pour le Parti communiste, également absent de Versailles, le député de Paris Pierre Laurent a estimé qu’il « n’était pas question de faire allégeance à la caporalisation de la République. »

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