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Jours tranquilles à Paris
13 juillet 2017

En accueillant Trump à Paris, Macron tente de remettre la France au cœur du jeu diplomatique

Par Marc Semo

Le président français accueille son homologue américain les 13 et 14 juillet, à l’occasion du centenaire de l’entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale.

Son premier contact direct avec son homologue américain Donald Trump fut une très virile poignée de main lors du sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à Bruxelles le 25 mai, « un moment de vérité » expliqua ensuite Emmanuel Macron au Journal du dimanche affirmant vouloir ainsi montrer « son refus de petite concession même symbolique ». Cette précision après coup ne fut guère du goût de la Maison Blanche, à en croire la presse américaine.

Depuis, les deux présidents se sont plusieurs fois téléphoné et recroisé lors du G7 de Taormine (Italie) puis lors du G20 à Hambourg (Allemagne). Et leurs relations sont très cordiales, malgré leur différend de fond sur l’accord de Paris sur le climat, dénoncé le 1er juin par le président américain, de plus en plus isolé sur ce dossier. En témoigne la venue dans la capitale française de M. Trump et de sa femme les 13 et 14 juillet pour une visite officielle à très forte charge symbolique, à l’occasion du centenaire de l’entrée en guerre des Etats-Unis dans le premier conflit mondial.

Le président américain doit assister, à la tribune d’honneur, au défilé du 14-Juillet, où seront présents 200 militaires américains. Une première depuis 1989 et l’invitation du président George H. W. Bush par François Mitterrand pour les cérémonies du bicentenaire de la Révolution française. La veille, les deux chefs d’Etat doivent s’entretenir des grands dossiers communs avant d’aller dîner avec leurs épouses au restaurant Jules-Verne sur la Tour Eiffel.

Un programme qui ne peut que changer les idées d’un Donald Trump englué dans une tourmente politique à Washington en raison de contacts entre son fils aîné et des émissaires russes pendant la campagne présidentielle de 2016. « A chaque fois que vous pouvez rencontrer un couple comme les Macron dans la Ville lumière, c’est vraiment fantastique », s’est-il enthousiasmé, selon un responsable de la Maison Blanche.

Pari

M. Macron aime l’histoire et ses symboles. Il l’avait déjà montré en invitant le président russe Vladimir Poutine à Versailles pour l’inauguration d’une exposition commémorant le 300e anniversaire de la visite du tsar Pierre le Grand. Le centenaire de l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917, coup d’envoi de leur implication dans la politique européenne au nom d’une certaine idée de la démocratie, a une portée encore plus forte.

« Il traite de fait Donald Trump encore mieux que Vladimir Poutine, soulignant l’importance de l’alliance avec Washington » analyse Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégique. M. Tertrais relève que le président français « invite avant tout le président des Etats-Unis au-delà même de Donald Trump ».

C’est un pari pour le président français. « Il achète du Trump à la baisse en misant sur le fait que les Etats-Unis restent de toute façon incontournables quels que soient les errements de Trump », note un fin observateur de la scène diplomatique. L’imprévisibilité du président américain, son refus de s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique comme sa tendance protectionniste au nom de « l’Amérique d’abord » compliquent ses relations avec nombre de dirigeants internationaux, à commencer par Angela Merkel. La chancelière allemande a eu souvent des propos très durs à son encontre.

M. Macron, lui, a certes pris la tête d’une contre-offensive diplomatique pour rappeler le caractère irréversible de l’accord de Paris. Mais aussi bien lors du G7, où il évoquait encore son espoir de convaincre M. Trump, qu’au G20 de Hambourg, le chef de l’Etat a multiplié les gestes d’amabilité vis-à-vis du président républicain. « L’alchimie personnelle fonctionne bien entre les deux hommes », relève un responsable de la Maison Blanche.

« Je ne désespère jamais de convaincre »

« Je ne désespère jamais de convaincre, c’est un trait de caractère », expliquait M. Macron à Hambourg. Avec sa diplomatie du « en même temps », le président français se pose volontiers depuis son entrée sur la scène internationale comme un médiateur profitant des tensions des derniers mois entre Moscou, Washington et Berlin. Il est le dirigeant politique capable tout à la fois de claquer la bise à Angela Merkel, de dialoguer dans la fermeté avec l’homme fort du Kremlin et de garder l’oreille du magnat de l’immobilier qui dirige les Etats-Unis. Ce dernier, toujours plus décrédibilisé, a tout à gagner à s’afficher aux côtés d’un président français dont l’image est excellente, y compris aux Etats-Unis, et qu’il salue d’ailleurs comme un trailblazer (un pionnier).

Sur de nombreux points, Paris et Washington sont plus que jamais au diapason. « Il y a beaucoup de sujets sur lesquels nous travaillons ensemble, la lutte contre le terrorisme, la crise en Syrie et en Libye et beaucoup d’autres domaines d’intérêts communs », rappelait le président français à l’avant-veille de l’arrivée de l’occupant du bureau Ovale. L’Elysée souligne aussi que « la coopération est au beau fixe en matière de défense et d’opérations militaires ».

Côté américain, les mots sont les mêmes pour saluer l’engagement de la France dans la coalition contre l’organisation Etat islamique (EI) et dans la lutte contre le terrorisme, notamment au Sahel. M. Macron compte bien demander au locataire de la Maison Blanche de contribuer au financement de la force conjointe antidjihadiste des pays du G5 Sahel (Mauritanie, Tchad Mali, Niger, Burkina Faso) alors que les Etats-Unis se sont jusqu’ici montrés très réticents à mettre la main à la poche.

L’autre grand sujet sur la table sera l’après-EI, en Irak comme en Syrie. Un cessez-le-feu dans le sud-ouest de ce pays a été négocié lors de la rencontre en marge du G20 à Hambourg entre MM. Trump et Poutine. Un processus s’amorce. La France est absente d’Astana, où se déroulent les négociations sous l’égide de la Russie, de la Turquie et de l’Iran, parties directement engagées dans le conflit, afin de créer des zones de « désescalade » et elle reste marginale à Genève, où se tiennent les pourparlers de paix intersyriens sous l’égide de l’ONU. Mais M. Macron ne cache pas sa volonté de vouloir revenir dans le jeu.

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