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Jours tranquilles à Paris
18 juillet 2017

« En France, le télétravail est encore souvent considéré comme un caprice de l’employé »

Par Axel Schmidt, Directeur de la communication de TeamViewer, éditeur de logiciels de mise en réseau

Dans une tribune au « Monde », Axel Schmidt, directeur de la communication de TeamViewer, observe que ni la culture managériale ni les outils techniques des entreprises ne favorisent l’essor du travail à distance.

Il y a quelques mois, la Ville de Paris a fait connaître son intention d’étendre le télétravail à une partie de ses 52 000 salariés. Début avril, WeWork a ouvert le plus grand espace de coworking parisien dans le 9e arrondissement : 12 000 mètres carrés et 2 400 postes répartis sur huit étages. Le 29 juin, le président de la République, Emmanuel Macron, a inauguré les 34 000 mètres carrés et les 3 000 postes de travail de la Station F, un incubateur imaginé par Xavier Niel (actionnaire à titre personnel du Monde) ; cet espace est voué à accueillir jusqu’à 1 000 start-up.

La poussée des espaces de coworking, l’essor des travailleurs indépendants, la multiplication des projets d’aménagement de bureaux font dire, entre autres indicateurs, que 2017 pourrait bien être l’année du télétravail.

On a même parlé de mort du poste de travail fixe, au profit du flex office (bureau flexible), où l’on pratique le desk sharing (bureau partagé). Electron libre, start-upper, touche-à-tout... L’employé de 2017 pourrait, nous dit-on, collaborer n’importe où, pourvu qu’il ait un accès à Internet, un ordinateur portable, du mobilier design, une salle de jeux, etc.

Mais n’oublions pas que, en matière de télétravail, la France est un jeune pays : le cadre juridique de ce mode de collaboration a été posé il y a à peine quatre ans. En comparaison de certains voisins européens, la législation française reste prudente. Au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, par exemple, télétravailler est un droit reconnu par la loi. C’est-à-dire que l’employeur ne peut s’opposer à une demande d’aménagement que s’il est en mesure d’avancer des arguments recevables.

Manque de confiance

En France, les directions de ressources humaines (DRH) – certes sans en faire des gardes-chiourmes – suivent encore un modèle dit de « management de suspicion » sur l’air de « si vous n’êtes pas là, eh bien c’est que vous ne travaillez pas ». Plus de la moitié des employés français soutiennent d’ailleurs que le principal frein est le manque de confiance des DRH. Certains dénoncent même une forme de refus de principe.

Des changements ont certes été amorcés. Pour mémoire, depuis février 2016, un décret relatif aux conditions et modalités de la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature permet aux agents publics de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.

La Mairie de Paris a expérimenté auprès de 150 agents le télétravail, qui leur permet de travailler de chez eux une fois par semaine. Pari réussi pour la plus grande collectivité de France, qui a fait connaître, à la rentrée 2016, sa volonté d’étendre le dispositif, avec un objectif de 1 500 salariés, à l’horizon 2020.

Mais cette tentative réussie de Paris ne prouve en rien que le modèle pourra être dupliqué ailleurs. L’incitation à la mobilité ou à l’adoption de méthodes de travail souples exigerait une plus grande implication des DRH. Elles sont, aujourd’hui encore, nombreuses à percevoir le télétravail, non comme un projet d’organisation, mais comme un énième avantage, voire un « caprice » dans le cas des femmes !

L’homme perçu comme un héros

Plusieurs études ont montré qu’un homme qui veut télétravailler à plus de chance d’obtenir une réponse positive : il sera perçu comme un héros, sacrifiant sa carrière à sa famille, quand la femme, elle, chercherait à ruser… Peut-être faut-il songer à nous défaire d’un certain mode de pensée avant de prendre exemple sur les pays où le télétravail est une réalité.

Une autre condition au télétravail est celle de la mise à disposition d’outils technologiques ad hoc. Selon une étude menée par Google en janvier et février 2015 (« Working better together »), 34 % des salariés estiment que leur entreprise fait partie de celles qui croient au travail collaboratif mais ne disposent pas des technologies pour qu’il soit mené de façon efficace, et encore moins à distance !

Visioconférence, partage d’écran, stockage dans le cloud, etc., sont autant de solutions déclinables sur mobile qui permettent d’entrer en communication depuis l’étranger ou en télétravail. La question du financement devrait aussi être posée. Sans les bonnes technologies, le cadre juridique et l’adoption d’un management de confiance ne suffiront pas, hélas, à entrer dans l’ère du télétravail.

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