Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
29 juillet 2017

Migrants : le plan en trois temps d’Emmanuel Macron

Par Maryline Baumard

Dans un discours sur l’intégration, le président a promis des hébergements d’urgence, mais aussi des missions pour éviter les traversées en Méditerranée.

Et de deux ! Il y avait le plan du premier ministre Edouard Philippe sur les migrants, annoncé le 12 juillet. Quinze jours plus, c’est celui du chef de l’Etat qui est dévoilé. Dans la matinée du jeudi 27 juillet, Emmanuel Macron s’est rendu en préfecture d’Orléans après avoir passé une heure et demie chez une famille de réfugiés syriens, hébergés en périphérie de la ville. Sa façon de clôturer une séquence de trois jours consacrée aux migrations et à l’asile.

Là, devant un parterre de trente-sept nouveaux Français, juste naturalisés, le président a fixé quelques caps pour le pays, à court, moyen et long termes. L’ambition : tenter d’endiguer cette dissuasion migratoire peu respectueuse des droits de l’homme, vers laquelle la France glisse un peu plus chaque jour.

De son deuxième discours d’Orléans – après celui sur Jeanne d’Arc à l’occasion du 8-Mai –, se dégage une vision présidentielle à triple détente. D’abord, M. Macron a fixé un objectif de court terme totalement oublié dans le plan gouvernemental : l’accueil d’urgence. « Je ne veux plus d’ici la fin de l’année avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois », a-t-il scandé, rappelant que « la première bataille est de loger tout le monde dignement ».

« Vraie politique de reconduite aux frontières »

Alors que le chef du gouvernement avait déclaré le 12 juillet n’avoir aucune solution pour les migrants des rues, ceux qui errent à Paris, Calais ou dans la Roya, le locataire de l’Elysée, lui a fixé un cap et une date butoir pour régler cette situation. Création de centre de premier accueil ou mobilisation d’immeubles inutilisés sur le territoire, la question est à l’étude, et n’est pas la seule au programme puisque en parallèle à cette prise en charge humanitaire, M. Macron souhaite la mise en place d’un traitement administratif rapide afin de savoir si l’exilé a le droit de rester ou doit être bouté hors des frontières.

Dans sa vision du sujet, figure en effet un volet « renvoi » qu’il a qualifié de « vraie politique de reconduite aux frontières ». Sujet difficile sur lequel ses prédécesseurs se sont cassé les dents, y compris Nicolas Sarkozy, qui en avait pourtant rêvé très fort. Le distinguo entre migrants économiques et réfugiés – de plus en plus difficile à faire aujourd’hui – reste fondateur de son approche. « C’est cette grammaire qu’il nous faut expliquer à nos concitoyens et qu’il nous faut traduire en actes », expliquait-il encore jeudi, avant d’illustrer son propos par le double refus d’« une France qui se replie derrière ses frontières », autant que du mirage d’un pays qui pourrait accueillir toute la misère du monde.

Or, pour « renvoyer dignement » comme le chef de l’Etat l’appelle de ses vœux, il faut étudier rapidement les demandes d’asile. La réduction par deux de temps entre l’enregistrement et la décision par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), avec engagement de la faire tenir en six mois est le cœur opérationnel du plan gouvernemental présenté le 12 juillet.

Des missions mises en place en Afrique

Pour atteindre ce but, M. Macron a adjoint un volet international à son plan. Dorénavant, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) devra aller chercher des réfugiés dans les hotspots italiens, pour améliorer notre coopération avec Rome et « sur le sol africain, dans les pays sûrs, où nous pourrons organiser ces missions, pour traiter des demandeurs d’asile, et leur éviter de prendre des risques inconsidérés ». Tchad et Niger pourraient être les deux premières destinations, tant que la Libye reste en situation trop instable pour accueillir des structures.

Ces missions, construites en lien avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), visent à éviter à un public de migrants économiques des traversées de la Méditerranée qui ne déboucheront pas pour eux sur un titre de séjour pour asile. Rien ne dit que la dissuasion fonctionnera puisque les dossiers continueront bien évidemment toujours à être étudiés en France, mais M. Macron veut tenter le pari. Comme il veut avancer vers un droit d’asile européen et, dans un premier temps au moins, à « un rapprochement des modalités d’asile avec l’Allemagne » et vers des accords pour que les pays africains retiennent leurs candidats à l’exil.

Renforcer l’apprentissage de la langue

A plus long terme aussi, le chef de l’Etat fait le pari de l’intégration. Conscient que la France n’a pas fait le nécessaire avec les générations précédentes de nouveaux Français, il a répété sa volonté de multiplier par deux les heures d’apprentissage de la langue offertes aux réfugiés et d’augmenter les logements qui leurs sont dédiés. Deux mesures nécessaires mais sous-dimensionnées. Surtout l’enseignement, lorsqu’il est destiné à des populations peu scolarisées dans leur pays d’origine.

Restera à observer si l’épicentre de ce sujet se trouve à l’Elysée ou Place Beauvau. Le président a répété, jeudi, lors de sa venue dans l’appartement de la famille syrienne que « nos défis collectifs sont immenses » et que « le travail sera long ». En attendant l’échéance de sa première promesse, il restera à voir si la pression policière s’allège à Calais, si l’Etat finit par y installer les points d’eau que le tribunal administratif l’a enjoint d’installer.

Comme le résume avec brio l’historien Patrick Weil, « avant d’être hébergés, nous verrons déjà cet été si les migrants ont accès à la nourriture délivrée par les ONG sans que la police s’en mêle ». Faut-il lire comme un premier signe de changement de cap, l’annonce par le ministre de l’intérieur Gérard Collomb que « des départs en CAO [centre d’accueil et d’orientation] depuis Calais allaient s’organiser » à nouveau et que les équipes de maraudes allaient être étoffées, pour repérer et offrir une prise en charge aux mineurs qui errent dans la Lande. C’était là aussi une demande du tribunal administratif de Lille à laquelle l’Etat aurait déjà dû répondre depuis début juillet.

Publicité
Commentaires
Publicité