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Jours tranquilles à Paris
20 août 2017

Détente en trompe-l’œil entre la Corée du Nord et les Etats-Unis

une de charlie hebdo

Par Philippe Pons, Tokyo, correspondant Le Monde

Pyongyang a ajourné un tir mais fustige les manœuvres militaires de Séoul et Washington.

Salué comme une « sage décision » par Donald Trump, l’ajournement d’un tir de missiles dans les eaux de l’île américaine de Guam, dans le Pacifique, décidé le 15 août par Kim Jong-un, a amorcé une désescalade. Elle risque d’être de courte durée avec le début, lundi 21 août, des manœuvres militaires américano-sud-coréennes annuelles de grande envergure – elles mobilisent quelque 10 000 hommes – perçues à Pyongyang comme la préparation d’une invasion.

Alors que Washington envoie des messages contradictoires, le président sud-coréen, Moon Jae-in, a déclaré le 17 août, au cours d’une conférence de presse pour ses cent jours au pouvoir, qu’il « n’y aura pas de seconde guerre de Corée », ajoutant qu’il s’opposerait « à toute action militaire unilatérale des Etats-Unis ».

La suspension du projet de tir n’est pas une reculade de Pyongyang devant « le feu et la fureur » promis par Donald Trump. Ce n’est pas la première fois que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) monte au créneau pour ensuite laisser retomber la tension et revenir à la charge. Il faut donc s’attendre à de nouvelles provocations.

Par son annonce, le 9 août, qu’elle était prête à tirer quatre missiles à une cinquantaine de kilomètres au large de l’île de Guam, qui abrite d’importantes installations militaires américaines, la RPDC a provoqué une réaction violente du président américain, alors que par le passé de telles menaces n’avaient pas provoqué tant d’émoi. Notamment parce qu’elles paraissaient relever de la rodomontade. Les échanges enflammés entre Pyongyang et Washington ont relancé les spéculations sur les capacités nucléaires et balistiques de la Corée du Nord.

La plupart des analystes estiment qu’il faut désormais faire face à une réalité : la RPDC est en train de prendre place parmi les puissances nucléaires. Les dirigeants de Pyongyang ont obtenu – peut-être au-delà de leurs espérances – ce qu’ils cherchaient : les Etats-Unis prennent au sérieux leurs menaces et la RPDC est maintenant reconnue de facto, sinon de jure, comme une puissance nucléaire ou sur le point de l’être.

« Comportement stupide »

Dans sa menace d’attaque sur Guam, étayée d’un projet détaillé (trajectoires, temps de vol et zones visées), Pyongyang n’avait pas fixé une échéance à ces tirs, se soustrayant au risque d’être accusé de bluff. Surseoir à l’attaque « afin d’observer encore un peu le comportement stupide des Yankees », selon les termes de Kim Jong-un, ne revient donc en rien à un renoncement.

Dans le plan d’attaque, diffusé par l’agence de presse nord-coréenne, il est précisé que la RPDC « pourrait » tirer des missiles en direction de Guam à tout moment si le dirigeant Kim Jong-un le décidait. Cette menace est rendue crédible par les tirs réussis de deux missiles à longue portée fin juillet. Guam est visée parce que l’île abrite des équipements stratégiques pour les Etats-Unis, d’où partent bombardiers, chasseurs et sous-marins qui participent, entre autres, à des démonstrations de force au-dessus et au large de la RPDC.

La menace nord-coréenne a contraint les Etats-Unis à réévaluer les coûts d’une attaque de la Corée du Nord, notamment une possible contre-attaque meurtrière de Pyongyang contre Séoul, voire contre les bases américaines en Corée du Sud et au Japon. Cette option a été rendue encore un peu plus difficile par les positions prises par Séoul et par Pékin. Le Global Times, qui reflète la ligne du Parti communiste chinois, a précisé dans un éditorial que si la RPDC attaquait les Etats-Unis, la Chine resterait neutre mais que si c’était le contraire, elle interviendrait. Voilà deux verrous à la « fureur » de Donald Trump.

« Prêts à y répondre »

Reste la reprise du dialogue. Pyongyang met un préalable : que cessent les menaces de Washington. « En aucun cas nous ne négocierons nos armes nucléaires et balistiques tant que ne seront pas éliminées les menaces des Etats-Unis contre la RPDC », a déclaré le ministre des affaires étrangères nord-coréen, Ri Yong-ho, lors du sommet de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) à Manille, début août.

De son côté, le général Joseph Dunford, chef d’état-major interarmées des Etats-Unis, a rappelé au cours de sa récente visite à Pékin qu’« aussi longtemps que la menace nord-coréenne existera, nous serons prêts à y répondre ». Aucune des deux parties n’écarte la négociation, mais chacune reste sur ses positions, estimant que c’est à l’autre de faire le premier pas.

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