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Jours tranquilles à Paris
1 septembre 2017

Escalade de la répression au Venezuela

Par Paulo A. Paranagua

Human Rights Watch demande aux Européens des sanctions contre les responsables de violations des droits de l’homme.

Au Venezuela, l’Assemblée constituante soumise au président Nicolas Maduro s’est érigée en tribunal contre les opposants et les dissidents. Mardi 29 août, le président du Parlement, Julio Borges, et d’autres députés de l’opposition ont été accusés de « trahison à la patrie » pour avoir soutenu les récentes sanctions américaines. Ancien ministre de l’intérieur de M. Maduro, le général Miguel Rodriguez Torres est aussi dans le collimateur.

La répression connaît une escalade, à Caracas et en province. CNN en espagnol et des radios ont été interdites – depuis le début de l’année, 49 médias ont été fermés. Des immeubles sont brutalement investis par les policiers à la recherche de protestataires. Les assaillants n’hésitent pas à piller les objets de valeur ou les denrées rares et à détruire au passage le mobilier ou les vitres en guise de représailles. Le Service bolivarien de renseignement (Sebin), la police politique, fait l’objet d’accusations de torture.

Mercredi, à Genève, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a publié un rapport sur le Venezuela qui pointe du doigt cette « intensification progressive de l’utilisation de la force ». « Le recours généralisé et systématique à une force excessive pendant les manifestations, et la détention arbitraire de manifestants et d’opposants » révèlent, selon l’ONU, « une volonté politique de réprimer des voix critiques et d’instiller la peur parmi la population ».

« Les armes sont d’un seul côté »

Principale analyste de Human Rights Watch (HRW) sur le Venezuela, Tamara Taraciuk estime néanmoins qu’il n’y aura pas de guerre civile entre les Vénézuéliens, comme le prétendent certains commentateurs. « Les armes sont d’un seul côté, celui du président Maduro, explique-t-elle à Paris, où elle a été reçue à l’Elysée, lundi. L’armée, les forces de sécurité et les groupes paramilitaires, dits collectifs, détiennent le monopole des armes à feu. »

Selon elle, il n’est pas possible de renvoyer dos à dos les deux camps, le pouvoir et l’opposition, comme si les violences étaient équivalentes de part et d’autre. La majorité des morts ont été tués par balle. Sur 124 cas examinés par l’ONU, 46 sont imputables aux forces de sécurité et 27 aux « collectifs », des groupes paramilitaires qui se réclament de l’ancien président Hugo Chavez (1999-2013). L’enquête sur les autres cas est toujours en cours.

« Les manifestants morts n’ont pas été victimes de bavures, mais d’une agression volontaire, comme le prouvent les tirs à bout portant », souligne l’analyste de HRW. En mai, l’ancienne procureure générale Luisa Ortega, l’égérie des chavistes dissidents limogée par la Constituante, avait exposé le cas de l’étudiant Juan Pablo Pernalete, tué par une grenade lacrymogène tirée à l’horizontale.

Depuis cinq mois, les manifestations de l’opposition suivent la même séquence, rappelle Tamara Taraciuk. Les rassemblements et les cortèges commencent de manière pacifique. Les forces de l’ordre les dispersent de manière brutale. Des jeunes radicalisés s’interposent alors avec des boucliers improvisés et renvoient les grenades lacrymogènes sur les policiers ou ripostent avec des jets de pierres ou de cocktails Molotov. Les « collectifs » agissent comme des supplétifs des forces légales, en parfait accord et coordination avec elles, participant à des perquisitions et effectuant des arrestations d’opposants ensuite remis à la gendarmerie.

« Dictature »

Depuis avril, le Forum pénal vénézuélien, un réseau d’avocats, a enregistré plus de 5 300 interpellations. Près d’un millier de personnes restent détenues, parfois sans charges et sans avoir été présentées à un juge. La justice a ordonné la libération de plus d’une centaine de prisonniers politiques, mais les autorités refusent d’obtempérer.

Plus de 700 manifestants ont été déférés devant des tribunaux militaires, accusés de « trahison à la patrie » ou de « rébellion », en dépit des normes constitutionnelles et internationales qui interdisent de faire juger des civils par la justice militaire. « Ces cours martiales se tiennent avec des officiers en uniforme dans des lieux improvisés, à des heures inopinées, parfois en pleine nuit, sans que la défense ou les familles soient prévenues », dénonce Tamara Taraciuk.

La communauté internationale est-elle en mesure d’imposer au pouvoir vénézuélien une issue négociée ? La crise humanitaire provoquée par les pénuries requiert des solutions d’urgence. L’Amérique latine et les Etats-Unis font pression en ce sens.

HRW demande aux Européens des sanctions contre les dignitaires de Caracas impliqués dans les violations de droits de l’homme. Le ministre de la défense, le général Vladimir Padrino Lopez, son collègue du ministère de l’intérieur, le général Nestor Reverol, ou encore les responsables de la gendarmerie, de la police politique et du parquet militaire, font partie des personnalités ciblées par HRW. « Ces sanctions n’auraient pas un effet purement symbolique, plaide Tamara Taraciuk. Elles enverraient un message dissuasif à tous les policiers ou militaires sous leurs ordres. Leurs crimes ne bénéficieront pas toujours de l’impunité. »

L’Union européenne doit « prendre des mesures » contre le régime Maduro, a renchéri, mardi, Antonio Tajani, président du Parlement de Strasbourg. Le même jour, le président français Emmanuel Macron qualifiait le Venezuela de « dictature ».

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