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Jours tranquilles à Paris
5 septembre 2017

Japon. Le pic de suicides de la rentrée

Au Japon, où la rentrée scolaire s'accompagne d'un pic de suicides chez les enfants, les assistantes sociales et psychologues sont sur le qui-vive : quelque 500 mineurs (moins de 20 ans) se donnent la mort chaque année dans l'archipel, surtout début septembre, lorsque reprend l'année d'école débutée en avril mais interrompue par une pause estivale.

JYuYu Horun était en primaire, puis au collège, lorsqu'il a tenté de mettre fin à ses jours. Aujourd'hui, ce chanteur aide ses cadets tentés par la mort.

« Je reçois chaque jour des courriels ou lettres d'adolescents qui expriment l'envie de se tuer ou ont déjà fait des tentatives », témoigne le trentenaire qui dit avoir été « sauvé par la musique » après une enfance difficile. Selon lui, l'une des principales raisons exprimées par les enfants suicidaires est la sensation de n'être bien nulle part, ni chez eux, ni à l'école, ni ailleurs.

« Beaucoup ne ressentent pas de preuves d'amour de leurs parents, lesquels n'en donnent souvent pas parce qu'ils n'en ont eux-mêmes pas reçu. Dans de nombreuses familles japonaises, la communication est insuffisante. »

Ils subissent aussi parfois des brimades à l'école et se sentent forcés de réussir, pour répondre aux attentes de la société.

Réseaux sociaux

Pour ces jeunes fragiles, « la rentrée crée de l'anxiété », explique Kuniyasu Hiraiwa, représentant d'AfterSchool, une des organisations privées qui se mobilisent, notamment via des encarts dans la presse, pour aider les parents à détecter les signes avant-coureurs.

Et de recommander de « ne pas forcer un enfant à retourner en classe ce jour si cela paraît trop douloureux ».

« Je leur dis : vous n'êtes pas seuls, si vous souffrez, parlez, à n'importe qui, mais parlez. S'il n'y a personne à qui vous confier, appelez le service " SOS enfants " du ministère », a lancé, vendredi, le ministre de l'Éducation, Yoshimasa Hayashi.

Le taux de mort par suicide dans son ensemble est passé, au Japon, de 24,2 pour 100.000 habitants en 2005 à 17,3 en 2016, soit un recul de 28,5 %, mais il reste encore le plus élevé des pays du G7.

Si les risques sont aujourd'hui mieux détectés auprès des hommes d'âge mûr, le nombre de suicides des adolescents, lui, stagne, et nécessite une autre approche pour les inciter à se confier à « un adulte de confiance, en cas de problème ».

L'analyse des messages postés sur les réseaux sociaux est aussi indispensable, car, si les adultes s'adressent aux services téléphoniques de prévention, les ados, eux, laissent plutôt des signaux sur internet.

« Ils utilisent des mots-clés - "Je veux mourir" ou "mort en douceur", autrement dit, avant de passer à l'acte, ils lancent divers SOS qui hélas passent souvent inaperçus par l'entourage », déplore YuYu Horun.

Cela vaut aussi pour les jeunes d'une vingtaine d'années, une population fragilisée par la dureté de l'entrée dans la vie active.

Culture de l'excellence

« La pression sociale exercée sur les nouvelles recrues est très forte », rappelle Yutaka Motohashi, directeur du Centre japonais des mesures de prévention contre le suicide. Les jeunes employés se sentent des « moins que rien » s'ils échouent dans l'entreprise qui les a embauchés sur des critères d'excellence, parce qu'ils sortent des meilleures universités du pays.

Malgré la médiatisation récente de plusieurs cas et la mise en cause des employeurs pour « karoshi » (mort par excès de labeur), le problème est loin d'être résolu, tant la culture du sacrifice disciplinaire et la hantise de perdre la face restent ancrées dans les esprits.

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