Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
29 septembre 2017

Référendum de la Catalogne

  • leparisienJ-4 avant le référendum de la Catalogne, jugé illégal par le gouvernement. Des étudiants ont manifesté à Barcelone leur envie de voter pour ou contre l'indépendance de leur région. 
    Photo Le Parisien ©fred Dugit @fredug 
    #referendum #independance #catalogne #manifestation #estudiants #barcelone

    snip_20170929050411

  • La galaxie indépendantiste de Catalogne

    Par Sandrine Morel, Madrid, correspondance - Le Monde

    Trois partis que tout oppose, mise à part la lutte pour l’indépendance, et deux puissantes associations civiles, capables de mobiliser des dizaines de milliers de personnes, tiennent entre leur main l’avenir de la communauté autonome.

    Qu’y a-t-il de commun entre une formation nationaliste, europhile, incarnant une droite libérale sur le plan économique et conservatrice sur les valeurs, un parti de centre-gauche nostalgique de la République et un mouvement séparatiste, europhobe et anticapitaliste ? La réponse tient en un mot : Independència.

    C’est ce trio inattendu entre le Parti démocrate de Catalogne (PdeCAT), la Gauche républicaine catalane (ERC) et la Candidature d’Union populaire (CUP), fort de 71 des 135 députés régionaux, qui tient les rênes de la Catalogne depuis les élections régionales de septembre 2015, remportées avec 47,7 % des voix. Et c’est lui qui entend déclarer l’indépendance de la région autonome espagnole après le référendum illégal convoqué dimanche 1er octobre.

    Mais c’est un trio fragile, où les cultures politiques des uns et des autres s’entrechoquent souvent, et dont l’unique ciment est la pression des puissantes associations civiles, l’Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium cultural.

    Tensions

    Et il a suffi d’une déclaration du porte-parole du PdeCAT au Parlement espagnol, Carles Campuzano pour que les tensions affleurent dans le triumvirat, mardi 26 septembre.

    La déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne « est absolument écartée, a-t-il déclaré. L’indépendance de la Catalogne ne se matérialise pas en trois jours » mais requiert « un processus de négociation avec l’Etat. (…) C’est ce qui a un sens politique démocratique et institutionnel. »

    Aussitôt, ces déclarations ont été contredites par la porte-parole de la CUP, Anna Gabriel, pour qui la victoire du « oui » au référendum de dimanche, produira une « rupture automatique » car « un référendum se convoque pour être contraignant, pas pour servir de pantomime de participation. » Un avertissement en bonne et due forme à quiconque serait tenté de descendre du train en marche, qui a obligé M. Campuzano à rectifier.

    Divisés, les indépendantistes ? La question est taboue à la veille d’un scrutin jugé décisif. « Pour les jeunes dirigeants de PdeCAT, l’indépendance ne viendra pas avec ce référendum, assure cependant le directeur du prestigieux Cercle d’économie catalan, Jordi Alberich. Ils pensent déjà à la façon de récupérer la centralité sur l’échiquier catalan, et n’envisagent qu’à plus long terme la possibilité d’obtenir un jour l’indépendance, dans une Europe plus consolidée. »

    Avaler quelques couleuvres

    Car le virage séparatiste opéré par le PdeCat, refonte de Convergence démocratique de Catalogne (CDC), formation nationaliste qui a gouverné la Catalogne sous l’égide de Jordi Pujol, entre 1980 et 2003, est loin de faire consensus.

    Longtemps, CDC a défendu un nationalisme pragmatique et modéré, capable de sceller des accords avec Madrid, moyennant des compétences élargies en Catalogne. Pourquoi l’ancien président Artur Mas vire de bord en 2012 ? « Quand nous avons mobilisé un million de personnes en faveur de l’indépendance lors de la Diada [le jour de la Catalogne], nous avons convaincu le gouvernement catalan de nous suivre, résume l’un des fondateurs de l’ANC, Miquel Strubell, ancien directeur de l’institut sociolinguistique catalan de la Généralité. Personne ne veut appartenir à une minorité, cela rend malheureux, misérable, insignifiant… »

    Carles Puigdemont, qui a succédé à Artur Mas en 2016, n’a pas eu besoin d’être convaincu. Si cet indépendantiste de la première heure, ancien maire de Gérone, a été désigné président de la Catalogne, c’est parce qu’il est un « pur et dur », le seul susceptible d’être adoubé par la CUP. Ses dix députés régionaux séparatistes (sur 135), détenteurs de la clé de la majorité absolue, avaient boycotté Artur Mas, jugé peu fiable.

    Mais pour le PdeCAt, l’alliance avec la CUP, un allié gênant qui paralyse le budget et effraie une part de son électorat, est intenable. Et celle avec ERC est contre-nature : « c’était un parti jusque-là méprisé par la droite catalane qui le percevait comme un petit parti utopiste, sans sens politique ni de la gestion économique, » résume un ancien cadre de CiU.

    Pour la Gauche indépendantiste, se présenter en coalition avec le PdeCat en 2015, au sein de la liste commune indépendantiste Junts pel Si (Ensemble pour le oui) a aussi supposé d’avaler quelques couleuvres.

    « Pression patriotique »

    A la veille du scrutin, tous les sondages donnaient ce parti largement vainqueur. « Nous n’avons pas de casseroles, nous avons toujours été les plus catalanistes, et notre engagement en faveur de l’indépendance est une conviction, pas un calcul politique », énumère Alfred Bosch, porte-parole d’ERC à la mairie de Barcelone, pour expliquer le succès de la formation, qui a récupéré des électeurs du Parti socialiste catalan comme de l’ancienne CDC.

    Il devait donc lui revenir de prendre les rênes de la Généralité. Mais Artur Mas a posé une condition à cette alliance inédite : être le prochain président catalan. Pourquoi ERC a fini pas céder, après des semaines de résistance ? L’ANC a fait une « pression patriotique, résume M. Bosch. A ce moment-là, nous avions deux choix : le parti ou l’indépendance. Nous avons fait primer nos idéaux. »

    Crée officiellement en 2012, l’ANC a germé en 2009 dans la tête d’une poignée d’indépendantistes qui voit dans le rejet social provoqué par le recours déposé devant la Cour constitutionnelle espagnole par le Parti populaire (PP) contre le nouveau statut d’autonomie de 2006 la possibilité de « redéfinir la politique selon un axe nationalité catalane/espagnole qui dépasse le clivage traditionnel gauche/droite », résume M. Strubell.

    Pour parvenir à une telle mobilisation, elle dispose d’un atout maître : le soutien d’Omnium cultural, une association transversale créée en 1961 chargée de la promotion de la langue et culture catalane et qui compte 70 000 membres et 35 sièges en Catalogne. C’est elle qui en 2010 a rassemblé un million de personnes à Barcelone de tous bords politiques contre la décision de la Cour constitutionnelle de censurer une partie du nouveau statut d’autonomie.

    Fonds colossaux

    « Quand l’ANC est venue nous demander de l’aide, nous lui avons offert notre structure, un soutien idéologique et logistique, » résume Jordi Cuixart, son président. Grâce aux cotisations de ses 40 000 membres et au merchandising, l’ANC dispose aussi de fonds colossaux : plus de trois millions d’euros par an, destinés à faire la promotion de l’indépendance.

    « L’ANC est une institution unique en Europe, une organisation progouvernementale, populaire, qui sert de pont avec la société, capable de mobiliser et contrôler des dizaines de milliers de personnes », affirme Guillem Martinez, auteur d’un essai sur le processus indépendantiste, La grande illusion (Debate, 2016).

    Dans la nuit du mercredi 20 septembre, lorsque les manifestants indépendantistes ont cerné le siège du ministère de l’économie pour empêcher la garde civile, qui procédait à des détentions et saisies de matériel électoral, d’en sortir, il a suffi que l’ANC en donne la consigne pour que la foule se disperse immédiatement.

    Entre les chefs de file des trois partis indépendantistes et les présidents des deux associations indépendantistes, il existe une « coordination », reconnaît M. Bosch. « Les partis font de la politique et l’ANC et Omnium culturel se chargent de la mobilisation populaire. Elles sont capables de faire sortir un million de personnes dans la rue. Aucun parti n’a cette force… »

    Le 1er octobre, elles entendent encore en faire la démonstration.

Publicité
Commentaires
Publicité