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Jours tranquilles à Paris
19 octobre 2017

Scooters, vélos en location… une offre sans bornes

Par Philippe Jacqué - Le Monde

A Paris, Lille et bientôt à Metz, Reims ou Nice, les offres de deux-roues sans borne se multiplient.

C’est enfantin. Après avoir téléchargé sur son smartphone l’application et ouvert son compte, il suffit de pointer la caméra vers un « QRcode » présent sur le vélo ou le scooter en libre-service, et hop !, le cadenas se débloque. Le véhicule peut être utilisé et reposé ensuite n’importe où. A Paris, Lille et bientôt à Metz, Reims ou Nice, les offres de deux-roues sans borne se multiplient. Le salon Autonomy, organisé à Paris du jeudi 19 au samedi 21 octobre, a choisi de mettre en valeur ces nouveaux acteurs de la mobilité douce.

En France, le pionnier du free floating, l’offre de moyens de transport en libre-service et sans point d’attache, est Cityscoot. Après avoir levé 15 millions d’euros, la jeune pousse, qui emploie 120 salariés, a déployé en 2016 ses 1 600 scooters en Ile-de-France. « Nous comptons 55 000 inscrits à notre service. Fin juin, un an après notre lancement, nous totalisions déjà 500 000 trajets, confie Vincent Bustarret, le directeur marketing de cette société. Trois mois plus tard, nous dépassions le million. »

Fort de ce succès, Cityscoot, qui se lancera à Nice à la fin janvier, prépare une nouvelle levée de fonds pour poursuivre son expansion. Mais ses engins bleu et blanc voient arriver la concurrence. L’allemand Coup, filiale de Bosch, a installé 600 scooters électriques rondouillards, à la carrosserie vert et gris, dans la capitale.

« Ça va être de la folie »

« A Paris, il existe à la fois une vraie culture du scooter et un véritable soutien des pouvoirs publics pour des moyens de transport alternatifs afin de lutter contre la pollution atmosphérique et les embouteillages, explique Maureen Houel, sa directrice en France. Avec le free floating, nous promouvons le transport de porte à porte. »

Et ce n’est pas fini. Dans les mois qui viennent, quatre autres services s’annoncent, parmi lesquels l’espagnol Cooltra et la californienne Scoot. « Ça va être de la folie, prévient un acteur de la mobilité. On pourrait se retrouver bientôt avec 5 000 ou 6 000 scooters en libre-service d’ici à l’an prochain. Soit 5 % du nombre de scooters de la capitale ! »

Les amateurs de la petite reine sont eux aussi servis. Alors que le système Velib’ change de prestataire, passant de Cyclocity (JCDecaux) à Smoovengo, ce qui entraîne une réduction de la flotte disponible, de nouveaux acteurs privés des vélos en libre-service (VLS) arrivent dans l’Hexagone, dix-sept ans après l’Allemagne et le système Call a Bike de la Deutsche Bahn.

Lundi 16 octobre, la start-up de Hongkong Gobee.bike, dirigée par le Français Raphaël Cohen, a déployé ses vélos verts à Paris et Lille avec un prix très attractif de 50 centimes la demi-heure de location. « Après Hongkong, nous privilégions l’Europe : Paris, Lille, Reims, puis l’Italie et la Belgique », précise Arthur-Louis Jacquier, l’un des dirigeants de cette start-up créée au printemps.

Arrivée en trombe de nouveaux acteurs

Mardi, Indigo, le premier gestionnaire mondial de parkings, a dévoilé son offre Indigo Weel (des vélos blanc et mauve) destinée en priorité à Metz, puis d’autres agglomérations. A terme, le groupe veut mettre en place 80 000 bicyclettes dans une centaine de villes en Europe… Enfin, le chinois Ofo, présent dans 180 villes à travers la planète, devait annoncer, jeudi 19 octobre, son arrivée dans une demi-douzaine de cités françaises d’ici à la fin de l’année.

Avec ses 10 millions de VLS et ses 25 millions de trajets assurés chaque jour, Ofo est l’un des mastodontes mondiaux avec Mobike, autre acteur chinois. Ils ont levé ces dernières années près d’un milliard de dollars (848 millions d’euros) chacun pour coloniser la planète. « On a les moyens de nos ambitions », dit simplement Laurent Kennel, le patron d’Ofo France. A côté, Gobee.bike fait figure de petit calibre, avec ses 9,5 millions de dollars levés notamment auprès d’Alibaba, le géant de la tech chinoise.

Alors que les villes se désintoxiquent doucement de la voiture, ces nouveaux acteurs arrivent en trombe, quitte à secouer l’écosystème du transport urbain public. A commencer par les concessions de VLS avec bornes comme Velib’, V’Lille et autres Vélo’v… Plus abordable et surtout plus pratique, le free floating peut-il mettre à bas ces offres publiques ? « Je pense que nous sommes complémentaires des solutions actuelles, estime Laurent Kennel. Nous allons aider au développement de la pratique du cycle en ville. »

« Si un opérateur privé de bus lançait à Paris des bus au nez et à la barbe de la RATP, lui prendrait-il des clients ? Sans aucun doute. Ces acteurs vont affaiblir Velib’», juge pour sa part un observateur de l’écosystème de mobilité. A la Mairie de Paris, on reste pour l’instant circonspect. « On observe cette nouvelle offre, confie Christophe Nadjovski, l’adjoint aux transports de la maire de Paris. C’est une bonne nouvelle pour les mobilités douces, cependant, il ne faut pas que cela vampirise l’offre publique de Velib’. »

La question des places de parking

Et puis, quid du modèle économique ? Une fois l’investissement initial consenti pour assurer, acheter et déployer leur flotte, ces sociétés peuvent-elles être rentables, sachant que la maintenance, le remplacement des vélos dégradés ou volés et les coûts marketing restent durablement élevés ?

« S’il existe pour les scooters, je doute que cela soit le cas pour la location de vélos, pense un spécialiste. Ensuite, regardez ce qui s’est passé dans différentes villes. L’encombrement des trottoirs ou de certaines places à Amsterdam ou Munich a obligé les municipalités à restreindre le champ d’action des start-up. » Une situation que la Mairie de Paris prend au sérieux : « Il va falloir organiser cela, poursuit M. Nadjovski. A terme, la question d’une redevance d’occupation de l’espace public se posera sans doute. »

« Aujourd’hui, la ville manque de places de parking pour les scooters. Tant que cela n’est pas réglé, la question d’une redevance est à mon sens problématique », ajoute Vincent Bustarret, de Cityscoot. Les sociétés de location de vélos souhaitent, elles, « définir avec les mairies les meilleurs endroits pour garer les bicyclettes », assure Malone Gampel, de Gobee.bike.

En attendant, ces nouveaux acteurs doivent aussi éduquer le grand public. Les premiers utilisateurs de Gobee n’hésitent pas à cadenasser ces vélos ou à les mettre dans leur cour ou leur jardin, explique M. Jacquier : « Nous avons décidé de contacter les utilisateurs pour leur rappeler que le principe du système est le partage. »

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