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Jours tranquilles à Paris
20 octobre 2017

Andres Serrano au Petit Palais

Le Petit-Palais à Paris accueille l’artiste au sein de sa collection permanente pendant près de trois mois. Dialogue chantant entre des œuvres d’art d’antan et les travaux récents du photographe.

« S’ils savaient qu’ils seraient un jour dans un musée, ils en riraient peut-être », dit Andres Serrano devant l’une de ses photographies exposée ici : le portrait d’un sans-abri tiré d’une série que l’artiste a intitulé Nomads et qu’il a réalisé en 1990. « Je voulais rendre compte de ces visages qu’on ne regarde pas quand nous les croisons dans la rue. Je voulais leur redonner un nom », explique l’artiste et d’ajouter : « c’est vrai que cette démarche prend tout son sens quand ces portraits franchissent la porte d’un musée et que les visiteurs, sans le savoir, peuvent soudain admirer ».

Au Petit-Palais, ces portraits ont peut-être encore plus d’écho : à deux pas d’une des photographies de sans-abris est accroché un tableau du XIXème siècle réalisé par Fernand Pelez. On y voit une famille en train de dormir sur le trottoir d’un rue sale et le tableau porte ce titre : « sans asile ». Un sujet et un titre qui résonnent formidablement bien avec la série de Serrano.

Artiste religieux

Un peu plus loin, le Petit-Palais a fait en sorte de présenter le travail que l’artiste a réalisé sur les symboles de la religion catholique - par exemple une grande croix blanche faite avec du lait sur fond rouge sang - à côté des œuvres de Gustave Doré et notamment de son Christ sur la croix. « Je suis un artiste religieux », lance Andres Serrano pas peu fier d’être à côté d’un peintre qu’il dit beaucoup aimer. Son dytique de la crucifixion, où l’on voit sa femme déguisée en vierge marie prier au pied d’une croix dont nous ne voyons que le bout, dialogue aussi formidablement bien avec cette partie du musée. A certains moments, on dirait que l’accrochage a été pensé ensemble et que les photographies de Serrano ont toujours été là.

C’est le pari du Petit-Palais qui a sélectionné quarante photographies et les a dispersées dans toute sa collection permanente. A côté d’un Cézanne vous trouverez un indien tenant un cow-boy et le menaçant, un couteau sous la gorge : œuvre de la série intitulée Interpretation of dreams et que Serrano a déployé en une multitude de songes délicats. En voisin d’un gentilhomme du XVIIIème siècle est aussi exposé un grand chef Indien nord-américain avec sa coiffe faite de plumes et ses joues parsemées de peintures de guerre. Ce sont les Etats-Unis et toute leur culture de masse qui investissent le musée et donnent un étrange arrière-plan à l’ensemble de la visite.

L’autre Christ

En témoigne un portrait qu’Andres Serrano a réalisé en 2004, mais qui a aujourd’hui un tout autre retentissement : une photographie de Donald Trump, avec sa mèche à l’avant et un air d’ambitieux narcissique. « A l’époque, il représentait le rêve américain et je l’ai pris en photographie aux côtés d’autres personnalités comme Snopp Dogg par exemple », explique l’artiste. Juste à côté, une petite miss America, les yeux tendus vers le ciel, émerveillée d’être la vedette éphémère d’un photographe. A ces portraits du rêve américain répondent parfois les rêveries d’Andres Serrano qui nous présente par exemple un de ses amis maquillé en noir comme s’il était noir de peau depuis toujours et surtout un christ noir avec une vierge blanche. Serrano l’a tout simplement appelé « l’autre Christ », comme si nous l’avions oublié et qu’il avait toujours existé. L’autre Christ comme la part manquante d’un monde que nous ne voyons pas et que l’artiste se fait fort de nous montrer ici.

Jean-Baptiste Gauvin

Jean-Baptiste Gauvin est un journaliste, auteur et metteur en scène qui vit et travaille à Paris.

Andres Serrano

Jusqu'au 14 janvier 2018

Petit-Palais

Avenue Winston Churchill

75008 Paris

France

 

http://www.petitpalais.paris.fr/

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