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Jours tranquilles à Paris
22 octobre 2017

Les cirques avec animaux sauvages bannis des villes

cirque

Par Audrey Garric - Le Monde

Sous la pression des militants animalistes, les municipalités refusent de plus en plus d’accueillir les chapiteaux

« Artistes à quatre pattes » pour les uns, « êtres emprisonnés et brisés » pour les autres. Les éléphants assis sur des tabourets et les tigres traversant des cerceaux de feu vont-ils déserter les chapiteaux ? La question est posée, tant le mouvement contre la présence d’animaux sauvages dans les cirques prend de l’ampleur. La fronde menée par les associations animalistes bouscule les établissements traditionnels, Bouglione, Pinder ou Gruss, forcés d’organiser la riposte.

La situation est si tendue entre les deux camps que le gouvernement doit créer dans les jours qui viennent, par décret, une commission consultative interministérielle afin d’organiser une concertation permanente entre les cirques, les ministères concernés (culture, intérieur, transition écologique, agriculture) et les élus. « Il s’agira de régler différents problèmes, notamment celui des communes qui ne veulent plus accueillir les cirques avec animaux à cause des pressions des animalistes », indique Pascal Faton, rapporteur de la mission interministérielle sur les cirques et forains, qui a rendu son rapport en juin.

Sous l’impulsion des ONG, mais aussi d’une opinion publique toujours plus sensible à la cause animale, une soixantaine de villes françaises ont signé des arrêtés municipaux interdisant les cirques d’animaux sauvages ou domestiques, comme Bastia, jeudi, ou Six-Fours-les-Plages (Var), il y a un mois. En réalité, ce chiffre, bien qu’en augmentation constante, est largement sous-estimé.

Interdiction totale dans 27 pays

« Beaucoup de communes ne prennent pas d’arrêté car elles ne veulent pas d’ennuis avec les cirques. Elles trouvent donc des prétextes pour les refuser, comme par exemple affirmer qu’il n’y a plus de terrains disponibles », indique Franck Schrafstetter, le président de l’ONG Code animal, qui lutte contre les cirques. « Les cirques essuient environ 90 % de refus de la part des communes lorsqu’ils font une demande d’installation. C’est plus difficile chaque année », confirme Thierry Granet, producteur de cirque et gérant de l’agence d’événementiel Cirque Event.

Si ces arrêtés sont illégaux, et régulièrement attaqués devant les tribunaux, ils n’en ébranlent pas moins la profession. « C’est surtout compliqué pour les petits cirques qui établissent leur tournée au dernier moment et ne peuvent donc plus se retourner », juge Pascal Faton.

Pour ces troupes itinérantes, habituées aux tournées européennes ou mondiales, le problème est plus large, tant la liste des villes et des Etats qui refusent les cirques avec animaux ne cesse de s’allonger. New York et Los Angeles les ont bannis en juin et en avril, tandis qu’en août, l’Illinois devenait le premier Etat américain à proscrire la présence d’éléphants dans ces spectacles itinérants.

Dans le monde, 27 pays ont totalement interdit les cirques avec animaux (parmi lesquels l’Autriche, la Belgique, la Grèce, l’Inde, le Pérou, la Slovaquie et la Suède) et 16 partiellement (dont l’Allemagne, l’Australie et le Canada), selon les comptages de l’association Code animal.

« Il ne faut pas faire d’anthropomorphisme »

En mai et juin, deux coups de tonnerre ont frappé les chapiteaux : le célèbre cirque américain Ringling Bros. and Barnum & Bailey Circus a baissé le rideau après cent quarante-six ans d’existence, tandis que le Français Joseph-André Bouglione décidait d’abandonner les spectacles avec animaux. « Je ne me voyais plus former mes enfants à un métier obsolète, lâche-t-il. Les animaux créent un malaise grandissant dans notre public. Les gens nous disaient à la fin de chaque spectacle qu’ils éprouvaient une gêne morale. »

Mais ce sont les propos de Nicolas Hulot qui ont mis le feu aux poudres. « Je ne suis pas favorable à la captivité des animaux, pas favorable à l’idée que l’on fasse du spectacle avec cette activité-là », déclarait le ministre de la transition écologique et solidaire, sur France Inter, début août.

Craignant pour leur avenir, la quasi-totalité des cirques traditionnels – entre 150 et 250 – se sont réunis, pour la première fois dans leur histoire, en un Collectif des cirques. Après avoir adressé une lettre au président de la République pour lui faire part de leur « exaspération », ils ont demandé, en vain, à être reçus par Nicolas Hulot.

« On veut lui montrer qu’on se battra pour éviter qu’il nous mette des bâtons dans les roues, comme les animalistes, peste le patron du cirque Pinder, Gilbert Edelstein. La loi nous permet d’avoir des animaux, que nous traitons bien. Mais il ne faut pas faire d’anthropomorphisme : une bête est une bête. Nous comptons bien continuer, tant que le public plébiscite nos spectacles. »

« Troubles du comportement » et « souffrances chroniques »

Le président du Syndicat national du cirque avance depuis des années les mêmes chiffres : les cirques traditionnels engrangeraient 13 millions de spectateurs chaque année, contre 1 million pour le cirque contemporain – plus proche de la danse et du théâtre que des numéros animaliers. Ces données, censées être issues d’un sondage du ministère de la culture en 2006, ont été impossibles à vérifier. Il n’existe aucune statistique agrégeant les entrées, car « 90 % des cirques sont des unités informelles, sans réelle comptabilité », glisse André-Joseph Bouglione.

« L’offre de cirque contemporain a considérablement augmenté ces dernières années. On compte aujourd’hui plus de 400 compagnies et les salles sont très souvent pleines », complète Gwénola David, directrice générale d’ArtCena, le Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre, qui estime que « les deux marchés sont complémentaires et trouvent chacun un public ». Les recettes des cirques traditionnels ont pourtant diminué de 40 % cette année par rapport à 2016, selon Gilbert Edelstein, mais, assure-t-il, « c’est dû à la crise et non pas aux anti-animaux ».

Ces derniers s’organisent également. Montés en un collectif de 18 associations et de 2 cirques « progressistes », ils ont adressé une lettre collective à Nicolas Hulot pour dénoncer « une inertie des pouvoirs publics ».

« Les cirques ne peuvent pas répondre aux besoins physiologiques des animaux, que ce soit en termes d’espace ou de constitution de groupes sociaux. Ils passent la majorité du temps dans un camion fermé », décrit Franck Schrafstetter, qui juge que les normes imposées par l’arrêté du 18 mars 2011, instaurant notamment des surfaces minimales pour les cages intérieures, sont « trop limitées ». Conséquence : les 2 000 animaux sauvages détenus en France dans les cirques présentent des « troubles du comportement » et des « souffrances chroniques », assure-t-il, comme des éléphants qui se balancent d’une patte sur l’autre.

Sanctuaire pour éléphants

Invoquant ces mêmes arguments, la Fédération européenne des vétérinaires, qui rassemble 200 000 spécialistes, dont l’ordre des vétérinaires français, s’est prononcée en juin 2015 pour l’interdiction des spectacles avec des mammifères sauvages dans des cirques itinérants.

« Le plus choquant, c’est que cette activité a pour fin le divertissement. On fait des animaux des produits de consommation », s’indigne Amandine Sanvisens, présidente de l’association Paris Animaux Zoopolis, qui demande à la Ville de Paris, avec 11 autres ONG, de cesser de soutenir les cirques avec animaux. La mairie de la capitale, de son côté, rétorque que « c’est à l’Etat de légiférer sur une telle question ».

Mais en cas d’interdiction, que ferait-on des tigres, éléphants et girafes ? « Ils seraient incapables de se débrouiller seuls dans la nature, car la majorité sont nés en captivité », assure Thierry Granet.

André-Joseph Bouglione, de son côté, soutient la création du premier sanctuaire pour éléphants en Europe, nommé Elephant Haven, qui pourrait voir le jour sur 29 hectares de terrain dans le département de la Haute-Vienne. « On a travaillé plus de vingt ans dans un zoo, explique Sofie Goetghebeur, la cofondatrice de l’ONG, on voulait offrir aux éléphants âgés issus de cirques un lieu où passer leur retraite. » Comme pour de réels artistes.

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