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Jours tranquilles à Paris
12 novembre 2017

François Hollande sera invité dans "Vivement dimanche" ce 12 novembre

Après Solférino et l’Elysée, Hollande reçoit rue de Rivoli

Par Vanessa Schneider, Solenn de Royer - Le Monde

Depuis qu’il n’est plus au pouvoir, l’ancien chef de l’Etat a reconstitué un Elysée miniature rue de Rivoli, à Paris. Entouré d’un noyau de fidèles, il accueille dans ses nouveaux bureaux tous ceux qui veulent bien le rencontrer. Car la politique le passionne toujours autant.

François Hollande aurait pu être agent immobilier. Faire visiter, il adore ça. « C’est pas mal ici, non ? » En Corrèze ou à Solférino jadis, à l’Elysée ensuite, et maintenant rue de Rivoli, où il a ses bureaux d’ancien président, toujours la même phrase, lancée joyeusement à ceux qui viennent le voir. Au palais, il aimait faire découvrir à ses invités l’aile interdite au public, le salon créé par Pierre Paulin sous Pompidou, la bibliothèque devant laquelle François Mitterrand avait posé pour sa photo officielle ou le fumoir. A Rivoli, il garde le meilleur pour la fin : la terrasse qui donne sur le jardin des Tuileries, d’où l’on voit le Louvre et la tour Eiffel. « Incroyable cette vue, non ? »

Ce qui surprend surtout les nombreux visiteurs de François Hollande, c’est le choix de cette adresse, au carrefour de toutes ses vies : à 150 mètres de la Cour des comptes, où il a commencé sa carrière, en face de l’Assemblée nationale, où il fut député (1997-2012), mais aussi de la rue de Solférino, siège du Parti socialiste (PS) qu’il dirigea pendant dix ans, et qui se devine derrière les arbres des Tuileries. « Et depuis le balcon, en se contorsionnant, on peut presque apercevoir l’Elysée », sourit l’ancien conseiller Vincent Feltesse, pour lequel « Rivoli » est un lieu « psychanalytiquement très intéressant », qui en dit long sur l’ancien président.

Un homme de passage

Pourtant, François Hollande fait le guide avec d’autant plus d’aisance et d’engouement qu’il n’est, au fond, guère attaché aux lieux. A l’Elysée, il appréciait la magnificence du palais, mais vivre sous les dorures ou dans un appartement moderne sans âme lui importe peu. Jamais le Mobilier national n’a été aussi peu sollicité par un chef d’État pour décorer ou rénover une pièce que sous son quinquennat. Il s’est glissé dans les meubles de son prédécesseur sans chercher à imposer sa marque.

« ON A LE SENTIMENT QU’IL TRAVERSE LES ESPACES, NE S’Y POSE PAS. » MARISOL TOURAINE, EX-MINISTRE

On ne lui connaît aucune préférence concernant l’ameublement, François Hollande est un homme sans goût. « On a le sentiment qu’il passe dans les espaces, les traverse, ne s’y pose pas », remarque son ancienne ministre Marisol Touraine. Un homme de passage, à l’image du président qu’il aura été à l’Élysée.

Rien d’ostentatoire ou de luxueux, donc, dans les bureaux qu’il a aménagés au quatrième étage dans le 1er arrondissement de Paris. Juste le charme et le confort d’un bel immeuble parisien, façade bourgeoise, moulures, peintures impeccables. L’ancien président occupe la plus belle pièce de l’appartement, entre le bureau de son directeur de cabinet et celui de ses deux assistantes.

Donnant sur l’entrée, une salle de réunion qui fait office de salle à manger, flanquée des deux drapeaux français et européen. Puis un long couloir, avec une enfilade de bureaux, dont celui dévolu aux officiers de sécurité. Au fond, une petite cuisine. « C’est l’Elysée en miniature », sourit le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui s’y est rendu plusieurs fois. Le labrador Philae, frustré de ne plus batifoler dans les buis du parc de l’Élysée, court d’un bureau à l’autre ou s’avachit au milieu du couloir, comme pour tromper l’ennui.

Cet appartement que la République octroie à tous les anciens chefs de l’Etat, François Hollande a dû le trouver tout seul. Au moment de quitter la rue du Faubourg-Saint-Honoré, le secrétaire général du gouvernement lui a proposé… le bureau de Jacques Chirac. Certes, l’ex-président, très affaibli, n’y met plus les pieds, mais Hollande a jugé la proposition pour le moins inconvenante : « Il n’est pas encore mort, imaginez qu’il revienne et qu’il me trouve là !, s’exclame-t-il avec l’humour dont il ne se départ jamais. Et puis les locaux sont sinistres, paraît-il. Enfin, j’ai beaucoup de respect pour Jacques Chirac, mais la solidarité corrézienne a ses limites ! » « Je vais me débrouiller tout seul », a-t-il alors lancé, un brin agacé, à son interlocuteur.

Des airs de pension de famille

Ça tombe bien, il n’avait pas grand-chose d’autre à faire. Le panneau « A louer » rue de Rivoli lui a tapé dans l’œil : quartier central, immeuble avec vue. Il a fallu faire le tour des propriétaires, un cabinet d’avocats, un regroupement de médecins, quelques familles, pour les convaincre d’accueillir l’ancien président. Pour l’instant, personne ne s’est plaint de ce nouveau locataire, dont la seule excentricité est de faire des selfies avec des touristes sur le trottoir.

François Hollande ne s’est d’ailleurs pas vraiment installé. Des cartons pleins de livres traînent encore ici ou là. Il a bien déballé quelques souvenirs – une collection de petites voitures, sa photo officielle de président de la République, un grand portrait de lui fait par l’artiste JR, dont il a visité l’atelier à New York, une photo de la marche du 11 janvier, une autre de la COP 21 – comme autant de « traces » de son quinquennat.

« HOLLANDE A TOUJOURS FONCTIONNÉ AVEC SA BANDE DE COPAINS. LA RUE DE RIVOLI, C’EST COMME UN RETOUR AUX SOURCES. » MARISOL TOURAINE

Dans le bureau des assistantes, un cliché de Raymond Depardon, pris en Corrèze, avec cette mention manuscrite du photographe : « A François Hollande, le président de tous les Français, l’homme qui sait écouter. » Seule touche rock, une photo en noir et blanc des ­Beatles, à Paris. Dans le couloir, un vélo en bambou offert par le président indonésien.

Sur la cheminée, deux casques de la garde républicaine et deux statuettes africaines, cadeaux d’un chef d’Etat. Elles sont plutôt vilaines d’ailleurs, il ignore pourquoi il les a installées là : « Je n’allais pas les laisser à Macron, il n’en aurait pas voulu ! » Alors que Nicolas Sarkozy, rue de Miromesnil, a tapissé les murs de ses bureaux d’images le représentant avec son épouse Carla ou avec ses enfants, pas une trace d’intime sur ceux de François Hollande.

Pourtant, « Rivoli » a des airs de pension de famille. François Hollande n’a pas la réputation de se mettre en quatre pour aider ses anciens collaborateurs s’ils sont en difficulté. En revanche, pas question de laisser de côté son cercle de proches. On croise ici une bande amicale et gaie qui reflète toutes les strates de la vie de l’ex-premier secrétaire. Un clan de Corréziens.

Addict à la politique

Parmi les sept collaborateurs qui lui sont dévolus au titre du décret du 4 octobre 2016, on retrouve sa fidèle assistante Samia Ait-Arkoub, désormais cheffe de cabinet, qui le suit depuis la rue de Solférino, son ancien directeur de cabinet à l’Elysée, le préfet Jean-Pierre Hugues, une ex-attachée de presse de la présidence, Sybil Gerbaud, petite-fille de Lydie Gerbaud, qui fut celle de Jacques Chirac pendant vingt ans, le maire de Tulle, Bernard Combes, qui a échoué, en juin, à reprendre le siège de député de François Hollande. Un intendant du Château l’a également suivi dans cette nouvelle vie.

Rien d’étonnant pour Marisol Touraine : « Hollande a toujours fonctionné avec sa bande de copains. La rue de Rivoli, c’est comme un retour aux sources. Même s’il travaille avec d’autres, il ne fait confiance qu’à un noyau dur dans lequel il peut développer une forme d’affectivité et d’intimité. »

« L’ÉLYSÉE A ÉTÉ UNE SOUFFRANCE, UN ENFERMEMENT. IL Y A UNE FORME DE LIBÉRATION. » VINCENT FELTESSE, EX-CONSEILLER

Dernier arrivé, son ami de toujours, Michel Sapin, son condisciple de l’ENA, celui avec lequel il partageait sa chambre à l’armée. L’ancien ministre de l’économie venait de réintégrer son corps d’origine, le Conseil d’Etat, où il avait, de son propre aveu, le sentiment désagréable d’être « le vieux sage à qui on vient taper sur l’épaule et demander son avis ». Sapin souhaitait pouvoir continuer à s’exprimer publiquement, une position incompatible avec le devoir de réserve qu’impose le Conseil d’Etat. « Viens donc ici, lui a aussitôt proposé Hollande. On mange bien, il y a une machine à café et les journaux gratuits ! »

Rue de Rivoli, l’ancien président a toujours quelque chose à faire. Ou plutôt quelqu’un à recevoir. Personnalités étrangères de passage, anciens ministres, jeunes pousses du Parti socialiste, journalistes, ambassadeurs, les rendez-vous se succèdent. « Je revois quasiment tous les anciens membres du gouvernement, on fait des conseils des ministres ici ! », plaisante-t-il en désignant la table ovale de la salle à manger. Détendu, mais toujours en costume cravate, il reçoit sur le canapé de son bureau, jambes repliées sous le corps. Et rit souvent à gorge déployée, ce qui n’arrivait plus guère. « L’Elysée a été une souffrance, un enfermement, explique Vincent Feltesse. Il y a une forme de libération. »

Ses visiteurs le retrouvent tel qu’en lui-même, obsédé par la politique. Au président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, il demande : « Mais pourquoi voulez-vous réformer les régimes spéciaux de retraite ? Qu’est-ce que ça va vous apporter ? » Devant un autre interlocuteur, il égratigne son ami Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères, qui a proclamé à la fin de l’été que la France était enfin « revenue dans le jeu » à l’international.

Une bien mauvaise manière de la part de l’ancien ministre de la défense, resté en poste pendant cinq ans, a grincé Hollande. Devant tous, l’ancien président dissèque la politique d’Emmanuel Macron, l’« échec » de sa posture jupitérienne, l’« erreur des APL », ses « mauvais choix » sur la fiscalité (« en huit jours, il a gâché son image, il est désormais le président des riches »).

« Recevoir des gens, il ne faut pas que ça devienne une activité ! »

Ce sont surtout les affaires du PS qui passionnent François Hollande. Avec les uns et les autres, il évoque l’état inquiétant du parti, le congrès à venir, ou encore Jean-Luc Mélenchon, « un danger pour le pays » et pour la gauche. Mais si l’ancien président souhaite peser sur la destinée du PS, la rue de Rivoli est devenue un endroit à éviter pour tous ceux qui espèrent avoir un rôle dans la reconstruction du parti. « Je n’y suis allée qu’une seule fois avant l’été », minimise une ancienne ministre. « Jamais mis les pieds ! », jure un député PS de premier plan. « Aujourd’hui, on ne peut accéder aux responsabilités au PS que dans la rupture avec François Hollande », résume un responsable du parti, qui assure que Hollande n’a plus vraiment de poids, quand bien même il tenterait de « tirer les ficelles » depuis « Rivoli ».

« UNE RETRAITE POUR LUI N’EST PAS ENVISAGEABLE. IL A BESOIN DE FAIRE CE QU’IL A TOUJOURS FAIT, C’EST DANS SA NATURE. » STÉPHANE LE FOLL, EX-MINISTRE

Son ami Bernard ­Poignant, ancien maire de Quimper, s’interroge : « On bavarde… Mais quel est l’objectif ? Je ne sais pas. Ça ne peut pas être de redevenir premier secrétaire du PS. Alors, quoi ? Revenir ? Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Etre à nouveau candidat à la présidence de la République ? » Même ses plus proches ne croient pas à un retour gagnant.

Multiplier les entretiens a distrait un temps l’ancien président, flatté de se sentir sollicité. Il voit désormais les limites de l’exercice : « Recevoir des gens, il ne faut pas que ça devienne une activité ! Le plaisir de n’être plus président, c’est d’avoir du temps, pour lire, écrire », s’exclame-t-il. Il met d’ailleurs la dernière main à un livre de réflexion politique qui sortira en mars 2018.

Ses amis sont sceptiques quand ils l’entendent jurer qu’il peut passer à autre chose, lire ou voyager. « Je connais François, soupire son vieux compagnon de route, l’ancien ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll. J’ai parfaitement compris qu’une retraite pour lui n’est pas envisageable. Il a besoin de faire ce qu’il a toujours fait, c’est dans sa nature. » La politique, cette addiction.

L’obsession de « ne pas être relégué »

Cette incapacité à décrocher fait enrager certains de ses proches. « Il parle trop, ça tourne en rond », peste l’un d’eux, qui « boycotte Rivoli », ayant pris acte qu’il n’est pas possible de protéger l’ancien président contre lui-même. « Quand on est ancien président, il ne faut pas être pressé. Nicolas Sarkozy a été trop pressé », philosophait ­Hollande avant de quitter le pouvoir, assurant qu’il s’astreindrait à une période de silence, pour ne pas gêner son successeur.

En 2012, Sarkozy avait envoyé un communiqué sur la Syrie trois mois après son départ de l’Elysée. Hollande n’a pas tenu quinze jours. Il a même accepté de se rendre, le 12 novembre, sur le plateau de « Vivement dimanche » pour converser avec Michel Drucker, comme aiment le faire les vieilles gloires. « Son obsession, c’est de ne pas être relégué », observe un responsable socialiste.

Comme à l’Elysée, Hollande continue d’être sollicité pour remettre des décorations : à la chanteuse Brigitte Fontaine, à l’ancien ministre Jean-Pierre Cot, au journaliste Philippe Meyer ou au sculpteur franco-argentin Pablo ­Reinoso, qui a installé ses bancs arabesques dans les jardins de l’­Elysée. Il consacre une journée par semaine à sa fondation La France s’engage, répond également à un abondant courrier et honore les invitations.

Fin novembre, il se rendra à Tulle mais aussi à Bruxelles, où il rencontrera en « bilatéral » – comme au temps de l’Elysée – le président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, et celui du Conseil européen, Donald Tusk. Le 1er décembre, il donnera une conférence à l’Institut d’études politiques de Bordeaux. En décembre, du 11 au 13, ce sera Dubaï et Abou Dhabi, mais aussi Saint-Malo, pour sa fondation. Là encore, pas de quoi remplacer l’adrénaline de la présidence. Des conférences, comme Nicolas Sarkozy ? « Je ne suis pas submergé de demandes », reconnaît-il en pouffant. A Rivoli, au moins, il rit.

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