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Jours tranquilles à Paris
28 novembre 2017

Etes-vous un Français médian ?

L’Insee dresse le portrait des Français dont le niveau de vie est au milieu de l’échelle nationale des revenus. Un groupe au cœur du quinquennat, juge dans sa chronique Gérard Courtois.

A pied, à cheval, en voiture ou en bateau à voiles, chantait Prévert : il y a mille façons de faire le tour de la Terre, ou plus modestement de la France. Le week-end passé, l’on pouvait aussi prendre le train et filer à Clermont-Ferrand pour écouter Jean-Luc Mélenchon et ses « insoumis » avertir le président de la République Emmanuel Macron qu’il a « mangé son pain blanc ». Ou enfourcher son vélo pour monter à la Bellevilloise et entendre l’ancien ministre Stéphane Le Foll lancer le slogan qui ressuscitera, espère-t-il, les socialistes : « Citoyens de tous les pays, unissez-vous ! »

Moins poétique et moins militant, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) propose une autre sorte de voyage dans son dernier « portrait social » de la France (Insee Références, 272 p., 19,80 €). Outre son habituelle batterie de données chiffrées qui dressent le diagnostic économique et social du pays, l’Insee propose, cette année, un gros plan passionnant sur le Français « médian ».

On prendra garde de ne pas assimiler ce dernier au trop flou et volontiers péjoratif français moyen, « beauf » râleur ou brave type la main sur le cœur. Car les chercheurs de l’Insee ne font pas dans l’impressionnisme, mais dans la clinique sociale. Le Français médian est donc celui dont le niveau de vie est au milieu de l’échelle nationale des revenus, soit 1 680 euros nets par mois, la moitié des Français gagnant moins et l’autre moitié davantage.

Pour obtenir une population statistiquement significative, l’étude a retenu la tranche de Français dont le revenu est compris entre 90 % et 110 % de ce revenu médian, soit entre 1 510 et 1 850 euros par personne. Ce groupe rassemblait, en 2014, 11,6 millions de personnes, soit près d’un Français sur cinq (18,7 %), contre 14 % de « pauvres » (moins de 60 % du revenu médian, soit moins de 1 000 euros par mois), 26 % de « modestes » (entre 60 % et 90 %), 30 % de « plutôt aisés » (entre 110 % et 180 %) et 11 % d’« aisés » (plus de 180 % du revenu médian, soit plus de 3 000 euros par mois.

Impact du niveau d’éducation

Si leurs situations sont évidemment diverses (selon qu’ils vivent en famille, avec ou sans enfants, ou selon qu’ils sont divorcés, célibataires, veufs ou veuves, en activité ou retraités…), les Français médians n’en présentent pas moins des caractéristiques significatives par rapport aux plus pauvres ou aux plus aisés. Ainsi, ils constituent plus souvent des familles traditionnelles avec au moins un et le plus souvent deux enfants ; c’est le cas de près de 38 % de la population des ménages médians, soit 3 points de plus que la moyenne nationale. Inversement, on y compte peu de familles monoparentales (4 %, contre 20 % dans les ménages pauvres).

Un autre trait distinctif singularise le Français médian : il est moins diplômé que la moyenne. Un quart des personnes appartenant à cette catégorie n’ont pas de diplôme ou au plus le certificat d’études primaires, 28 % sont titulaires d’un CAP ou d’un BEP, à peine un sur cinq du seul baccalauréat et 21 % d’un diplôme de l’enseignement supérieur (dont moins de la moitié supérieure à bac +2). L’impact du niveau d’éducation sur le niveau de vie est, à cet égard, saisissant et rapproche les ménages médians des plus modestes : près de 70 % des Français pauvres ou modestes n’ont pas de diplôme ou un diplôme inférieur au baccalauréat, contre 60 % dans le groupe médian, 43 % chez les plutôt aisés et 23 % chez les aisés.

Largement indexée sur leur niveau de formation, la situation professionnelle des Français médians les rapproche des plus modestes. Plus de trois sur cinq (61,4 %) de ceux qui sont en activité sont, en effet, ouvriers (26,8 %) ou employés (34,6 %), soit une proportion proche des Français modestes (70 %) ou pauvres (57 %), mais très supérieure à ce que l’on constate dans les ménages plutôt aisés (39 %) ou aisés (13 %).

En revanche, les Français médians se distinguent nettement des plus modestes par leur position sur le marché du travail : ainsi 61 % ont un emploi (contre 66 % dans les ménages aisés, 51 % chez les modestes et 39 % chez les pauvres), plus de 80 % des actifs sont en contrat à durée indéterminée et 4 % sont au chômage (contre 17 % des pauvres et 7,5 % des modestes).

Peur du déclassement

Pour autant, et malgré leur position centrale dans la distribution des niveaux de vie, une part importante des ménages médians – deux sur trois – estiment être dans une situation financière difficile : 18 % déclarent boucler « très difficilement » leurs fins de mois ou « ne pas pouvoir y arriver sans faire de dettes » et 48 % assurent que « c’est juste, il faut faire attention ». Près d’un ménage médian sur quatre, précise l’Insee, n’a pas les ressources pour remplacer ses meubles hors d’usage et plus d’un sur cinq n’a pas pu se payer une semaine de vacances hors de son domicile au cours de l’année.

Ces difficultés financières sont évidemment plus fortes dans les familles monoparentales, chez les chômeurs et parmi ceux qui ne sont pas propriétaires de leur logement. Mais, plus globalement, elles se doublent chez les Français médians, comme chez les pauvres et les modestes, de projections assez sombres sur leur avenir personnel et celui du monde en général. Leur crainte de ne pouvoir assurer leurs vieux jours et la peur du déclassement sont les deux causes majeures de cette inquiétude.

Combattre le pessimisme de ce groupe central sera l’un des enjeux du quinquennat d’Emmanuel Macron. Si l’on en juge non plus par l’Insee, mais par les enquêtes électorales du printemps, la barre des 2 000 euros de revenu a constitué une frontière très marquée : sous ce niveau de revenu, une nette majorité d’électeurs ont voté pour Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou les candidats d’extrême gauche. Reconquérir un tant soit peu leur confiance sera décisif à l’avenir pour désamorcer la force d’attraction des populismes.

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