Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
27 février 2018

Le PCC autorise Xi Jinping à rester au-delà de son prochain mandat

timonier

Par Brice Pedroletti, Pékin, correspondant - Le Monde

Le président chinois pourra rester à la tête de l’Etat en vertu d’une réforme de la Constitution qui confirme et accompagne la consolidation de son pouvoir.

Désigné comme « noyau dirigeant » du Parti communiste chinois (PCC) fin 2016, Xi Jinping a vu, honneur jusqu’alors réservé seulement à Mao, sa « pensée » inscrite dans les statuts du parti lors du XIXe Congrès d’octobre 2017, qui l’a reconduit pour cinq ans à la tête du parti.

Il avait alors dérogé à l’usage constituant à faire entrer au comité permanent – l’organe suprême de direction du PCC –, de possibles successeurs issus de la nouvelle génération de cadres, ce qui interrogeait sur les scénarios possibles en 2022, au terme du quinquennat tout juste entamé.

Car la Constitution limitait jusqu’alors les mandats du président, une fonction occupée en principe par le secrétaire général du parti (M. Xi sera désigné président du pays lors de la session parlementaire de mars), à deux mandats. C’est cette limite des deux mandats qui disparaît dans la série d’amendements décidée par le Comité central issu du XIXe Congrès lors du second plénum en janvier.

« C’est une manière d’assumer directement un changement des règles plutôt que d’interpréter de façon souple les règles existantes. Le seul poste important, celui de secrétaire général du PCC, n’était pas contraint par la limitation des mandats, il aurait donc été tout à fait possible qu’un secrétaire général enchaîne trois mandats, en découplant ce poste de celui de président », note le sinologue Sebastian Veg.

Vraie fausse surprise

L’agence Xinhua n’a publié que dimanche 25 février le texte détaillé des amendements prévus lors du second plénum, pourtant clos il y a plus d’un mois. L’annonce a fait l’effet d’un choc, feutré, tant l’expression de vues critiques est jugée risquée dans la Chine de Xi Jinping.

Sur la messagerie Wechat, des internautes diffusent toutes sortes de plaisanteries. « Mais quelle grande nouvelle ! Est-ce qu’on peut demain prendre un jour de congés ? », dit l’une d’elle. Un autre message montre une image du dessin animé Winnie l’ourson, censuré en Chine depuis que les internautes en ont fait le symbole de Xi Jinping : on y voit l’ourson collé à un pot de miel, avec comme légende « si vous aimez quelque chose, collez-vous y ».

Des commentaires relaient des citations de Hannah Arendt, d’autres font allusion à Yuan Shikai, l’ancien seigneur de guerre qui entreprit de s’autoproclamer empereur en 2015 dans une tentative désastreuse de restaurer l’Empire. Une image sur Wechat montre le portrait de Mao sur la place Tiananmen remplacé par celui de Xi.

C’est moins la vraie fausse surprise d’un troisième mandat pour Xi que l’éventualité d’une « présidence à vie » qui titille l’opinion publique. « La suppression de la limite des deux mandats n’est pas comparable au système du mandat à vie sous Mao. L’histoire montre que cela ne peut mener qu’au désastre, je ne pense pas que Xi Jinping ira jusque-là », réagit le politologue chinois Hu Xingdou, interrogé par téléphone.

Un nouveau plénum du Comité central, le troisième depuis le XIXe Congrès, doit ouvrir ce lundi afin de finaliser les recommandations du PCC à l’Assemblée pour l’ensemble des postes du gouvernement et des institutions.

Super-ministère anti-corruption

Hormis la question des mandats présidentiels, plusieurs dizaines d’articles de la Constitution font l’objet de propositions de révision, dans l’objectif est de mettre en conformité la loi fondamentale avec les ambitions de la « nouvelle ère du socialisme à caractéristiques chinoises » proclamée par M. Xi en octobre 2017.

Le PCC va également soumettre à l’Assemblée la création très attendue de la nouvelle Commission nationale de supervision. Ce super-ministère anti-corruption va élargir au niveau national, les prérogatives de la Commission centrale de discipline interne (CCDI) du PCC, l’arme dont s’est servi M. Xi et ses fidèles pour mener une purge historique dans les rangs du parti unique. Il étend également les pouvoirs de la CCDI au-delà des membres du parti à tous les fonctionnaires.

L’enjeu, pour Xi Jinping, est de sécuriser la place inamovible du PCC à la tête du pays dans une Constitution, celle de 1982, dont se réclamaient, malgré toute son impotence et ses limites (il n’y a pas de contrôle de constitutionnalité en Chine), les partisans de réformes politiques, aussi bien à l’intérieur du PCC, qu’à l’extérieur, les professeurs de droits constitutionnels, les avocats des droits de l’homme ou encore les intellectuels. Cette opposition légaliste visait à faire réellement appliquer les libertés d’expression, mais aussi de rassemblement défendues par la Constitution, et à pousser à une plus grande séparation du parti et de l’Etat.

Le rôle dirigeant du PCC n’était ainsi évoqué que dans le préambule de la Constitution actuelle. M. Xi a souhaité lever toutes les ambiguïtés. L’article 1 définit désormais « le rôle dirigeant du parti comme le trait le plus essentiel du socialisme aux couleurs chinoises ».

« Insister sur le rôle dirigeant du PCC »

« Le nouvel article inscrit dans la Constitution est un choix historique qui reflète l’expérience du peuple chinois. Il y avait dans le préambule une déclaration similaire, mais elle avait été mise en question par certains qui sont soutenus et manipulés par des forces extérieures. Il était donc essentiel d’insister sur le rôle dirigeant du parti », confirme le Global Times, porte-parole du PCC, dans un éditorial du 25 février.

« C’est réaffirmer le rôle dirigeant du parti, sans le masquer derrière des artifices juridiques ou des institutions étatiques. Celui-ci doit tout diriger, “aux quatre points cardinaux”, comme l’a annoncé Xi lors du XIXe Congrès », nous dit le sinologue Jean-Pierre Cabestan qui publiera en avril Demain la chine : démocratie ou dictature ? chez Gallimard dans la collection Le débat.

Le constitutionnalisme à l’occidentale était le premier des « sept dangers » contre lesquels le PCC avait appelé à une « lutte intense » au début du premier mandat de Xi Jinping, en 2013, au côté des « valeurs universelles », ou encore de la « société civile ». Le régime avait alors déployé une répression policière féroce contre ses partisans, tout en faisant défendre par ses porte-plume la supériorité indiscutable du « socialisme aux couleurs chinoises ». M. Xi semble aujourd’hui avoir gagné cette bataille.

Publicité
Commentaires
Publicité