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Jours tranquilles à Paris
9 mars 2018

La proposition de rencontre de Kim Jong-un, un indéniable succès pour Donald Trump

Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Le dirigeant nord-coréen a indiqué que l’objet principal de l’entrevue à venir sera la perspective de dénucléarisation de la péninsule, l’objectif des Etats-Unis. Et il n’a posé aucune condition.

Donald Trump était à ce point impatient, jeudi 8 mars, qu’il est venu lui-même très brièvement dans la salle de presse de la Maison Blanche, en milieu d’après-midi, pour informer les journalistes présents que la Corée du Sud était sur le point de faire une déclaration importante.

A 19 heures, le conseiller à la sécurité nationale sud-coréenne, Chung Eui-yong, venu à Washington pour informer les Etats-Unis du contenu des discussions qu’il avait eues avec le régime nord-coréen, quelques jours plus tôt, a alors indiqué qu’il venait de transmettre au président une invitation orale du responsable de la Corée du Nord, Kim Jong-un, à le rencontrer. Et que ce dernier avait accepté.

Des mois de tensions ponctués d’essais nucléaires et balistiques, de joutes verbales entre Washington et le régime de Pyongyang, et de volées de sanctions sans précédents, venaient de déboucher sur une ouverture inimaginable il y a encore quelques semaines. Aucun président des Etats-Unis en exercice n’a jamais rencontré un membre de la dynastie au pouvoir en Corée du Nord. Le dernier contact de haut niveau remonte à la visite de la secrétaire d’Etat Madeleine Albright, en 2000.

Le rapprochement au cours des dernières semaines entre les deux frères ennemis de la péninsule coréenne, mis en scène notamment à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver à Pyeongchang, en février, avait cependant mis en évidence la volonté de Pyongyang de se tourner à nouveau vers la diplomatie.

Perspective de dénucléarisation de la péninsule

Le message transmis à Donald Trump n’a pu que le satisfaire, tant il répond en apparence aux préoccupations américaines. Kim Jong-un s’est en effet engagé, selon l’émissaire sud-coréen, à stopper ses tests nucléaires et ses tirs de missiles d’ici cette rencontre. Un haut responsable de la Maison Blanche a précisé que le responsable nord-coréen a également accepté que Washington et Séoul conduisent dans l’intervalle leurs manœuvres militaires prévues et régulièrement dénoncées par Pyongyang.

Surtout, Kim Jong-un a indiqué selon l’émissaire sud-coréen que l’objet principal de l’entrevue à venir sera la perspective de dénucléarisation de la péninsule et non un simple gel des programmes militaires nord-coréens. C’est précisément l’objectif que se sont fixé les Etats-Unis et leurs alliés dans la région.

Donald Trump avait jugé « sincères » les dirigeants nord-coréens en début de semaine, après l’annonce d’un sommet en avril entre Kim Jong-un et le président de Corée du Sud, Moon Jae-in, suite à la mission de Chung Eui-yong. « Nous verrons ce qui va se passer », avait-il ajouté, évasif. Il a salué sur son compte Twitter, en début de soirée, les « grands progrès » qui « ont été réalisés », ajoutant que les Etats-Unis ne baisseraient pas pour autant la garde. « Les sanctions demeurent jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé », a-t-il précisé.

Le haut responsable de l’administration a mis cette percée sur le compte de la fermeté adoptée par Donald Trump depuis son arrivée à la Maison Blanche. Il l’a opposée aux « erreurs qui ont été commises au cours des vingt-sept dernières années de dialogue et d’approches ratées » par les administrations américaines précédentes, toutes couleurs politiques confondues.

Souplesse diplomatique

En l’état, la proposition faite par Kim Jong-un, assortie d’aucune condition, constitue un succès pour le président des Etats-Unis qui voit sa stratégie totalement validée. Cette dernière a reposé en grande partie sur un effort multilatéral qui tranche avec le cavalier seul adopté par Donald Trump, avec moins de résultats, dans de nombreux autres dossiers, qu’il s’agisse du nucléaire iranien, du conflit israélo-palestinien, de la lutte contre le réchauffement climatique, ou encore du commerce international.

En acceptant de rencontrer Kim Jong-un, ce qu’il avait déjà envisagé par le passé en dépit des qualificatifs désobligeants dont il l’avait affublé dans des messages publiés sur son compte Twitter, M. Trump témoigne d’une souplesse diplomatique à toute épreuve.

Devant l’Assemblée générale des Nations unies (ONU), en septembre 2017, comme dans son discours sur l’état de l’Union, en février, le président des Etats-Unis avait assuré qu’« aucun régime n’a opprimé ses propres citoyens plus complètement ou plus brutalement que la dictature cruelle en Corée du Nord », promettant même sa « destruction totale » si elle s’aventurait à menacer un jour les Etats-Unis ou leurs alliés régionaux.

Le pari accepté par le président des Etats-Unis, qui jugeait en août 2017 que son secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, perdait son temps à essayer de négocier avec Pyongyang, répond à son goût pour les initiatives hardies. Selon le New York Times, Donald Trump ne devait d’ailleurs s’entretenir avec l’émissaire sud-coréen que le lendemain. Il n’a pas hésité à bousculer l’agenda et à précipiter l’annonce historique, s’attirant sans attendre l’attention internationale.

Le lieu de l’entrevue n’est pas fixé

Jeudi soir, il n’était encore question que d’une rencontre et non de négociations en bonne et due forme. Aucune date n’a été fixée, même si la partie sud-coréenne a évoqué le mois de mai. L’endroit choisi pour l’entrevue n’a pas non plus été arrêté.

De véritables pourparlers, s’ils s’engagent, risquent de souligner les carences diplomatiques américaines. Washington ne dispose plus, en effet, de spécialiste aguerri du dossier nord-coréen depuis le départ de Joseph Yun du département d’Etat. Les Etats-Unis n’ont pas non plus d’ambassadeur en Corée du Sud du fait du renoncement de l’expert pressenti, Victor Cha. Ce dernier avait été échaudé par les options bellicistes évoquées au sein de l’administration.

Donald Trump a pris pourtant rendez-vous avec un jeune responsable qui a assis son pouvoir de manière impitoyable et méthodique, et dont le pays donne désormais l’impression de maîtriser les tests nucléaires autant que les tirs de missiles intercontinentaux. Kim Jong-un, enfin, a su tirer profit de l’arrivée au pouvoir en mai, en Corée du Sud, d’un président tourné vers le dialogue et sur lequel il a pu s’appuyer pour imprimer son rythme.

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