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Jours tranquilles à Paris
10 mars 2018

Trump-Kim : trêve de plaisanterie pour une rencontre historique

L’annonce d’un sommet inédit entre les présidents américain et nord-coréen, après des mois d’escalade verbale et balistique, suscite autant le scepticisme que l’espoir.

  Trump-Kim : trêve de plaisanterie pour une rencontre historique - Source : Libération

Il faut une bonne dose de cynisme pour ne pas saluer des percées diplomatiques dites «historiques». Mais il est aussi louable de se garder d’en attribuer la paternité et les mérites exclusifs au locataire de la Maison Blanche. L’acceptation, jeudi par Donald Trump, de participer, au cœur du printemps, à un sommet (où ? quand ?) avec le dictateur Kim Jong-un est une lueur d’espoir dans le ciel de la péninsule. Dont l’horizon est obscurci par une surenchère verbale et une escalade d’essais balistiques et nucléaires. Ce retournement dans ce thriller pré-apocalyptique va tenir la planète en haleine ces prochains mois. Le nouvel épisode, sans précédent en soixante-cinq ans de tensions depuis la fin de la guerre de Corée, jette les jalons d’une détente. Et il ouvre la voie vers une possible désatomisation inespérée. Surtout après les épisodes plus tragiques que comiques qui ont vu le leader de la plus grande puissance militaire qualifier le trentenaire stalinien de «petit homme fusée», de «petit gros» et se faire traiter, en réponse, de «malade mental gâteux».

En dealmaker autoproclamé, de plus en plus gagné par la fièvre de l’exercice du pouvoir solitaire, le chef de l’Etat américain a saisi illico la perche «pacifiante» du maître de Pyongyang, quitte à court-circuiter tous les canaux diplomatiques de sa propre administration. Sa ligne dure, ses sanctions, son «leadership», comme l’a martelé l’émissaire sud-coréen à Washington, ont pu pousser Kim à proposer une improbable main tendue. Son intransigeance a peut-être aussi acculé Pyongyang à multiplier les ouvertures auxquelles on assiste depuis l’annonce de la participation aux Jeux olympiques de Pyeongchang.

L’équilibre de la terreur

Mais si le sommet, sans conditions préalables, se tient (ce qui montrerait de la constance chez le locataire de la Maison Blanche qui en manque tant), ce sera plus des discussions que des négociations, comme l’a rappelé Rex Tillerson, le chef de la diplomatie américaine.

Et le «cher leader», à ce jeu pas si fou, en sort clairement gagnant. Saddam Hussein ou Muammar al-Kadhafi ont rêvé d’avoir l’arme nucléaire, ils en sont morts. L’héritier de la dynastie Kim a joué, contre son peuple, contre les sanctions, contre la communauté internationale, l’équilibre de la terreur : il tient son sommet avec le président américain. Ce que ni son grand-père ni son père n’ont obtenu. Il annonce un gel des essais de missiles, mais reste à savoir ce qu’il entend par dénucléarisation. Un retrait des 30 000 soldats américains basés en Corée du Sud ? La fin de l’alliance militaire entre Séoul et Washington ? De leur côté, les Etats-Unis ont toujours eu une conception singulièrement différente du mot dénucléarisation. Soit un désarmement unilatéral nord-coréen.

Respect

«Kim n’invite pas Trump pour qu’il puisse abandonner son armement», dit Jeffrey Lewis, directeur de l’Institut Middlebury des études internationales. Comme d’autres experts, il assure qu’il «invite Trump pour lui démontrer que son investissement dans ses capacités nucléaires et balistiques a poussé les Etats-Unis à le traiter d’égal à égal». Accepter un tel sommet quand rien n’a été négocié en amont revient donc à donner à Kim ce qu’il cherche tant : le respect.

Ce respect que mérite avant tout le vrai leader de l’ombre de ce réchauffement, le président sud-coréen, Moon Jae-in, habile go-between entre deux chefs d’Etat imprévisibles. Et si ce spectaculaire revirement à 180 degrés se solde par un succès durable et une pacification en marche, c’est avant tout lui qui pourra endosser la paternité de cet art de la nouvelle diplomatie du ping-pong. Nucléaire, celle-là.

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