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Jours tranquilles à Paris
27 mars 2018

Affaire Skripal : la riposte coordonnée des Occidentaux face à la Russie

 

L'ambassade de la Fédération de Russie à Paris, le 26 mars. La riposte est sans précédent, aussi bien par son ampleur que par son caractère coordonné. Au moins 116 diplomates russes sont en passe d'être expulsés des deux côtés de l'Atlantique : soixante par les Etats-Unis, qui ferment en outre le consulat à Seattle, et plus d'une trentaine par seize pays de l'Union européenne, rejoints par six autres pays alliés, dont le Canada et l'Australie. Cette riposte est à l'aune du défi représenté par la tentative d'assassinat, le 4 mars à Salisbury, dans le sud de l'Angleterre, d'un agent double russe ayant travaillé pour le GRU (le renseignement militaire russe), Sergueï Skripal, 66 ans, et de sa fille Youlia, 33 ans. -- Photographie : Christophe Ena / AP (ap.images) -- Lire notre article : https://lemde.fr/2I6SWw2 -- #Russie #Riposte #Expulsion #Diplomates



404 Likes, 3 Comments - Le Monde (@lemondefr) on Instagram: "L'ambassade de la Fédération de Russie à Paris, le 26 mars. La riposte est sans précédent, aussi..."


Par Gilles Paris, Washington, correspondant, Marc Semo - Le Monde

Seize pays de l’UE, mais aussi les Etats-Unis, et au moins cinq pays alliés ont annoncé l’expulsion de plus d’une centaine de diplomates russes de leurs territoires en réaction à l’empoisonnement de l’ex-agent double en Angleterre.

La riposte du 26 mars est sans précédent, aussi bien par son ampleur que par son caractère coordonné. Au moins 113 diplomates russes sont en passe d’être expulsés des deux côtés de l’Atlantique : soixante par les Etats-Unis qui ferment en outre le consulat à Seattle, et plus d’une trentaine par seize pays de l’Union européenne, rejoints par cinq autres pays alliés.

Cette riposte est à l’aune du défi représenté par la tentative d’assassinat le 4 mars à Salisbury dans le sud de l’Angleterre d’un ancien agent double du GRU (services secrets de l’armée) Sergueï Skripal, 66 ans, et de sa fille Youlia, 33 ans. Un redoutable gaz neurotoxique de la quatrième génération mis au point par l’URSS dans les années 1980, le « novitchok » (littéralement « le petit nouveau ») aurait été utilisé à cette occasion.

« C’est un avertissement pour la Russie qui ne peut continuer ainsi à bafouer le droit international », s’est réjoui la première ministre britannique Theresa May, satisfaite de « la grande solidarité » montrée par l’UE et l’OTAN. « Nous disons au gouvernement russe que lorsque vous attaquerez un ami, vous aurez à en subir les conséquences », a fait valoir un haut responsable de l’administration américaine.

« Les Etats-Unis sont prêts à coopérer pour bâtir une meilleure relation avec la Russie, mais cela ne peut se produire que si le gouvernement russe change d’attitude », a commenté le porte-parole adjoint de la Maison Blanche, Raj Shah. Moscou, qui nie toute implication dans la tentative d’assassinat, dénonce un « geste provocateur témoignant de la poursuite d’une ligne de confrontation », et promet de riposter.

L’expulsion de diplomates, même massive, reste une mesure avant tout symbolique. C’est une façon de marquer le coup et surtout d’éviter tout « signal de faiblesse ». « Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale une arme chimique a été utilisée sur le sol européen et cela ne peut rester sans conséquence », souligne-t-on aussi bien à Paris qu’à Berlin, les deux capitales européennes les plus engagées aux côtés de Londres.

En France, vague la plus massive depuis 1983

« Nous considérons cette attaque comme un défi sérieux pour notre sécurité et comme une atteinte à la souveraineté européenne », avait rappelé le président français, Emmanuel Macron, le 23 mars à l’issue du sommet européen lors d’une conférence de presse à Bruxelles aux côtés de la chancelière allemande, Angela Merkel.

Paris, comme Berlin, expulse quatre diplomates sur les 90 accrédités en France : l’attaché de défense, le chef de la mission économique, le consul à Strasbourg et un des responsables du consulat de Marseille. Ils devront quitter le territoire national d’ici sept jours. « Ils font partie de ceux que nous avions déjà mis en garde pour leurs activités d’espionnage », rappelle-t-on de source diplomatique.

Il s’agit de la vague la plus massive depuis 1983. François Mitterrand avait alors expulsé 47 Russes, principalement des diplomates. Ils étaient accusés d’être des agents du KGB sur la foi des informations fournies par « Farewell », nom de code donné au lieutenant-colonel du KGB, Vladimir Vetrov, « taupe » alors traitée par la DST, le contre-espionnage français. Paris s’attend à des expulsions réciproques du même ordre de la part de Moscou.

« C’est une décision difficile parce que nous sommes engagés dans un dialogue avec la Russie pour résoudre des crises graves mais nous en assumons les conséquences », souligne le Quai d’Orsay en évoquant le conflit syrien et l’Ukraine. Mais les relations avec la Russie doivent se poursuivre dans « un dialogue exigeant et robuste ».

C’est le « en même temps » macronien : parler avec Vladimir Poutine, mais lui dire clairement son fait. Le chef de l’Etat doit se rendre en Russie fin mai, à l’invitation de l’homme fort du Kremlin, pour participer au forum économique de Saint-Pétersbourg. La visite pourrait être « recalibrée », voire reportée.

Les autorités françaises, malgré quelques hésitations initiales, ont eu avec l’Allemagne un rôle clef pour mobiliser les autres européens en tentant de les convaincre « qu’il n’y a pas d’autre explication plausible à cette attaque » qu’une implication de la Russie. Ils leur ont pour la plupart emboîté le pas, avec plus ou moins de détermination, expulsant quatre diplomates russes comme la Pologne, trois comme la République tchèque ou la Lituanie, deux comme l’Italie ou le Danemark, un seul comme la Finlande, l’Estonie, la Lettonie. D’autres devraient suivre ces prochaines heures.

Les ambiguïtés du président Donald Trump

Avec l’expulsion de 60 « espions » russes – 48 dans différentes missions sur le territoire américain et 12 à la mission russe auprès des Nations unies –, Washington mène, et de loin, le mouvement. Les décisions coordonnées annoncées lundi, après le communiqué commun de Washington, Londres, Paris et Berlin, le 14 mars, mettant en cause Moscou dans l’affaire de l’empoisonnement, s’inscrivent dans l’esprit d’un document officiel publié en décembre. « L’objectif de la Russie est d’affaiblir l’influence des Etats-Unis dans le monde, et de nous éloigner de nos alliés et partenaires », précise le texte.

Mais la détermination américaine reste parfois contredite par les ambiguïtés du président Donald Trump. Ce dernier a, à plusieurs reprises, fait crédit aux dénégations de son homologue Vladimir Poutine pour les accusations d’interférences dans l’élection présidentielle de 2016, en dépit des assurances de ses propres services de renseignement.

L’échange téléphonique entre les deux hommes, le 20 mars, après la réélection de Vladimir Poutine, l’a également illustré. Selon la presse, les conseillers de la Maison Blanche auraient invité le président à ne pas féliciter son homologue pour une réélection obtenue au terme d’un processus contesté. M. Trump est passé outre, sans mentionner dans cette conversation l’empoisonnement de Salisbury. Il a répondu aux critiques en assurant sur Twitter que « bien s’entendre avec la Russie (et d’autres) est une bonne chose ».

Pour les Européens comme pour les Américains, il s’agit maintenant de définir une stratégie à long terme. « Expulser des “diplomates” ne suffira pas. L’Europe et les Etats-Unis doivent imposer des sanctions ciblant les responsables de tels actes et renforcer les sanctions visant l’économie russe si ses actions scandaleuses se poursuivent », affirme Philip Gordon, ancien diplomate de l’administration de Barack Obama, membre du think-tank Council on Foreign Relations.

Tout en relevant ses limites, il juge « bienvenue » la réaction américaine. Et préconise que « les dirigeants occidentaux n’assistent pas à la Coupe du monde en Russie [cet été], pour refuser à Poutine une victoire de propagande qu’il ne mérite pas ».

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