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Jours tranquilles à Paris
25 avril 2018

Macron et Trump évoquent « un nouvel accord avec l’Iran »

Par Gilles Paris, Washington, correspondant, Marc Semo, Washington, envoyé spécial - Le Monde

Les divergences sur ce sujet entre les deux chefs d’Etat ont été manifestes dès les premiers échanges, mardi, dans le bureau Ovale de la Maison Blanche.

L’évolution n’est-elle que sémantique ? « Nous souhaitons pouvoir désormais travailler sur un nouvel accord avec l’Iran », a lancé le président de la République Emmanuel Macron lors de la conférence de presse qui a suivi ses entretiens avec son homologue Donald Trump, mardi 24 avril, au deuxième jour de sa visite à Washington.

Après avoir fait le constat de leur désaccord sur l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) conclu en juillet 2015 par les cinq membres permanents du Conseil sécurité des Nations unies (ONU), l’Allemagne et l’Iran, ils ont tous les deux évoqué leur volonté d’aboutir à un nouveau texte. Ils sont néanmoins restés évasifs sur les contours et la portée des nouvelles négociations qu’ils appellent de leurs vœux pour y parvenir, mais qui devraient se heurter à la vive opposition de Téhéran.

« On ne déchire pas un accord pour aller vers nulle part, on construit un nouvel accord plus large », a précisé le président français soulignant sa volonté d’aborder « tous les sujets de la région », dont la stabilisation de la Syrie et les activités balistiques de l’Iran.

Les autorités françaises partagent pour l’essentiel les préoccupations de Washington ; la différence est avant tout tactique : elle porte sur les moyens d’y répondre. Une équipe animée par Brian Hook, le directeur de la planification politique au département d’Etat, discute depuis des mois avec les Français, les Britanniques et les Allemands – les autres européens signataires de l’accord – pour trouver un moyen de le compléter.

Intégrer la question syrienne

Le président français a répété les quatre points défendus par Paris : maintenir l’accord de 2015 qui gèle le programme iranien pour dix ans, mais lui ajouter d’autres mesures pour le prolonger au-delà de cette date, parvenir à un nouvel accord à propos du programme balistique lancé par Téhéran, et surtout établir les conditions d’une stabilité régionale en contenant l’influence de la République islamique.

D’où l’idée d’intégrer la question syrienne dans un éventuel nouvel accord au risque de le rendre encore plus problématique. Emmanuel Macron défend depuis le début de son mandat sa volonté de créer les conditions d’une solution politique inclusive en Syrie, en y associant aussi la Turquie et la Russie. C’est aussi une réponse directe à Donald Trump qui dénonce la main de Téhéran derrière toutes les crises du Moyen-Orient et veut rompre l’accord s’il n’est pas durci.

Sans rejeter l’offre de son homologue français, le président américain est resté évasif quant à sa décision de maintenir ou non la levée provisoire des sanctions contre Téhéran, scellant le sort de l’accord. « Personne ne sait ce que je vais faire le 12 mai », a-t-il déclaré. « Je pense que nous aurons une super-occasion de faire un bien plus gros accord, peut-être. »

Emmanuel Macron se veut néanmoins optimiste. « Si l’heure ou un peu plus que nous avons passée ensemble avait eu pour conclusion de dire : les Etats-Unis sortiront du JCPOA et la France veut le défendre, alors à ce moment-là notre amitié ne servirait à rien », a-t-il précisé.

Souci d’apparaître constructif

Les divergences sur l’Iran entre les deux chefs d’Etat ont été manifestes dès les premiers échanges, mardi. Dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, assis côte à côte, les deux présidents – tout en prenant la pose devant les photographes avec une longue poignée de main – ont répondu à quelques questions.

Et aussitôt Donald Trump s’est enflammé, pourfendant l’accord de juillet 2015. « Un désastre », a-t-il martelé. Interrogé sur les menaces formulées par les Iraniens de relancer leur programme si les Etats-Unis sortaient de l’accord, il s’est montré menaçant à son tour, affirmant que « si l’Iran recommence son programme, le pays aura des problèmes comme jamais il n’en a eu ». Emmanuel Macron n’a guère apprécié cet échange qui a énervé Donald Trump avant même que ne commence leur entretien. « Il faut intégrer le problème de l’Iran dans l’ensemble des défis régionaux, dont notamment la Syrie ; il faut éviter une escalade et la prolifération nucléaire ; toute la question est de trouver le meilleur chemin pour y arriver », a nuancé le président français.

Plus tard, au cours de la conférence de presse, M. Macron a évoqué, avec le même souci d’apparaître constructif, les autres contentieux qui opposent la France aux Etats-Unis – celui sur le climat, après le départ de Washington de l’accord de Paris, il y aura bientôt un an, et celui qui porte sur le commerce international.

Donald Trump, pour sa part, n’a pas répondu à une question portant sur les taxes visant des importations d’acier et d’aluminium sur le territoire américain dont l’Union européenne (UE) est provisoirement exemptée. Dans le bureau Ovale, il avait critiqué « les barrières commerciales inacceptables » de l’UE, ajoutant qu’il préférerait négocier directement avec la France alors que ce dossier est de la compétence de la Commission européenne.

Contexte international tendu

Comme lors de leurs précédentes rencontres, les deux hommes ont tenu à mettre en scène de manière insistante leur relation particulière, quitte à la surjouer lorsque le président des Etats-Unis a épousseté l’épaule de son visiteur pour en retirer selon lui des traces de pellicules. Après s’être dit admiratif de son homologue français pour sa détermination en matière de politique migratoire, un sujet qui lui tient à cœur, M. Trump a assuré que son invité s’avérerait « un président exceptionnel ».

Plus tôt dans la matinée, la cérémonie d’accueil avait célébré l’amitié franco-américaine avec force drapeaux américains et français, fanfares et piquet d’honneur militaire sur la grande pelouse de la Maison Blanche. Un hommage à « la fière nation française, le plus ancien allié des Etats-Unis », a insisté Donald Trump. Un exercice très encadré, similaire aux visites d’Etat précédentes de présidents français.

Mais cette fois, en raison du lien personnel entre les deux hommes et du fait d’un contexte international tendu, les discours ont fait sens. A propos des défis communs posés aux deux pays, notamment le terrorisme, Donald Trump a longuement salué la figure du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, le gendarme tué le 24 mars par un djihadiste près de Carcassonne après avoir pris la place d’un otage dans un supermarché. « Il a regardé le mal dans les yeux et il n’a pas vacillé : ce fils de la France a rappelé au monde la véritable dimension de notre force », a assuré le président américain.

Son homologue a insisté sur ces mêmes thèmes et sur le rendez-vous avec l’Histoire. « Nous sommes porteurs d’un multilatéralisme fondé sur la défense d’un pluralisme fort et de la démocratie alors que des vents mauvais se lèvent », a lancé M. Macron, évoquant notamment la montée des « nationalismes agressifs ». Et de clamer : « L’Histoire nous appelle et impose à nos peuples de retrouver la force d’âme qui nous a inspirés dans les moments les plus durs. »

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