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Jours tranquilles à Paris
26 avril 2018

La diplomatie par attouchements

Le festival de papouilles qui a marqué la visite d’Emmanuel Macron, qui a parfois confiné au harcèlement sexuel de la part de Donald Trump, ne doit pas masquer une grande réussite de communication. Sur la scène internationale, le président français a pris des allures de rock-star. Sa jeunesse, sa maîtrise de l’anglais, son parler-franc peu diplomatique, son goût de la castagne verbale, l’aura acquise lors d’une élection aux rebondissements dignes d’une série américaine, entre The West Wing et House of Cards, tout cela en fait l’invité idéal des talk-shows de fin de soirée, comme l’orateur prisé des cérémonies plus solennelles. Quoi qu’en disent les grincheux pavloviens, c’est un atout de pouvoir se faire entendre à l’étranger. On aurait tort de s’en plaindre, même si les calculs de politique intérieure ne sont pas absents de cette tactique médiatique.

Reste le fond, qui obéit à une loi d’airain : l’audace est un atout, la présomption un handicap. La frontière entre les deux est floue par nature. La position affichée sur l’accord sur le nucléaire iranien en est l’exemple le plus net. Macron défend à juste raison le compromis obtenu en 2015 par cinq des grandes puissances du Conseil de sécurité de l’ONU avec le régime iranien. Trump ne cesse de le dénigrer en termes brutaux et risque fort de refuser de le reconduire le 12 mai. Pour surmonter le hiatus, Macron et Trump s’accordent pour proposer son dépassement, avec toute l’ambiguïté propre à ce genre de motion : le président français veut bâtir une maison neuve sur les fondations actuelles ; son homologue américain veut les raser pour bâtir sans contrainte. Synthèse oxymorique…

Du coup l’affaire devient très risquée. Pour renégocier, il ne suffit pas de s’asseoir à la table. Il faut que les autres y viennent. Or ni la Russie, ni la Chine, ni l’Union européenne ne le souhaitent. Quant aux Iraniens, ils opposent un niet à toute remise en cause de l’accord et se plaignent de son application trop lente. Situation dangereuse : ce sont les dirigeants les moins radicaux qui ont soutenu le processus, en espérant y gagner une relance économique favorisée par la levée des sanctions occidentales. Les plus durs tiennent la position symétrique de celle de Trump : non à un compromis trop conforme aux demandes des puissances signataires. Miner les bases de l’accord, c’est apporter de l’eau à leur moulin hostile. Si ces radicaux l’emportent, le risque d’embrasement supplémentaire dans la région s’accroît. Autrement dit, l’idylle Macron-Trump est une arme à double tranchant. Elle peut déboucher sur une modération de la p osition américaine. Mais elle peut aussi servir de caution aux éructations irresponsables du papouilleur en chef de la Maison Blanche.

LAURENT JOFFRIN

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