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Jours tranquilles à Paris
6 mai 2018

Un apéro avec Michel Denisot : « Je n’ai réussi que les concours de circonstances »

Par Laurent Telo - Le Monde

Chaque semaine, « L’Epoque » paie son coup. Fidèle à sa réputation, le journaliste (sur le départ pour couvrir le Festival de Cannes) aime les blagues, le foot, le cinéma et le citron pressé.

« Je peux vous raconter une blague zoophile, si vous voulez. Ah ! Tout de suite, ça fait peur, hein ? Alors voilà : c’est un type qui rentre dans un bar. » Ça a l’air fastoche, comme ça, mais vous n’imaginez pas la somme d’efforts de persuasion nécessaires pour convaincre Michel Denisot de nous raconter une blague.

D’abord, on l’a mis dans les meilleures conditions, on lui a payé un coup tout près de chez lui, au Bar de la Croix-Rouge, place Michel-Debré, dans le 6e arrondissement de Paris. Et puis, on lui a dit qu’on n’était pas difficile… On était preneur de tout… Même d’une blague refusée par Carambar… « Allez… C’est pour l’article “apéro” avec les poivrots… »

« Ben non. Jamais comme ça, à sec. Les blagues, c’est bien dans la conversation. S’il y en a une qui me vient, je vous la dirai. Mais je ne travaille pas au Théâtre des Deux Anes. Une bonne blague doit être en situation, justifiée, légitime [avec Denisot, on ne rigole pas avec les blagues]. J’en ai, des blagues, je peux vous en sortir comme ça, mais ce n’est pas intéressant. J’ai des fournisseurs de blagues, aussi. Michel Polnareff m’en a encore envoyé une il y a deux jours. – ALLEZ MICHEL ! ALLEZ MICHEL ! ON VEUT LA BLAGUE À POLNAREFF ! – Ah non ! C’est ­inmontrable. C’est pourri. Aucun intérêt. [C’était une blague avec un chat qui sent les pieds d’un gamin. On n’a rien compris.] Y a aussi Frédéric Beigbeder, Doria Tillier, y en a pas mal qui m’en envoient, des blagues. »

L’autre Michel du PAF

Pour les gens tristes et qui n’y connaissent rien, ce qui fait quand même beaucoup, rappelons que Michel Denisot est le seul journaliste télé qu’on peut comparer à Michel Drucker – « Oui, c’est vrai, j’ai le même prénom, les mêmes initiales mais, attention, je n’ai pas de chien ! » [rire du castor constipé]. Oui, parce que même avec un simple citron pressé dans le nez, Michel Denisot ne peut pas s’empêcher de faire un bon mot et d’expérimenter toutes sortes de rires rigolos et communicatifs avec ses yeux très plissés et un flegme tout britannique qui font sa gloire depuis quarante ans.

Alors, bien sûr, vous allez me dire, les lecteurs anxieux et surtout les fans de la première heure : réduire ce monstre de la télé à un Mister blagues toqué, c’est vraiment trop nul. D’accord ! Mais quand on arrive à raconter une blague au juge ­Renaud Van Ruymbeke – trop longue et trop technique pour être narrée ici –, lors d’une convocation judiciaire en bonne et due forme en mars 2005 à la brigade financière, vous m’excuserez, mais…

« Mais j’étais pas en garde à vue, hein. J’étais témoin assisté, ce qui est déjà pas mal » [rire du poulet désossé]. Pour info, Denisot était alors ex-président du PSG, qui faisait l’objet d’une enquête pour des flux financiers suspects.

« A CANNES, J’AI QUELQUES ACCÈS PRIVILÉGIÉS ET UN PEU DE CRÉDIT, DANS LA MESURE OÙ JE VIENS DEPUIS LONGTEMPS ET QUE JE N’AI JAMAIS TUÉ PERSONNE. »

Mais on s’égare… Les joies simples et réparatrices d’une bonne blague n’enlèvent évidemment rien à ses mérites, ceux d’avoir interviewé le nec plus ultra de la galaxie people depuis les années 1980, au cours d’une bonne centaine d’émissions différentes.

D’ailleurs, si Michel Denisot boit du citron pressé, c’est que, du 6 au 20 mai, il va bosser dur, à Cannes, sur la Croisette, et, pour le coup, ça ne va pas trop rigoler. « Je vais à la première projection à 8 h 30. Après, j’ai interview. Je ne vais pas beaucoup aux fêtes. Le truc : il ne faut pas boire d’alcool. Jamais la première semaine. »

Tout ça parce que, tous les jours, il présentera le « Journal du Festival » sur Canal+ : « Dans cette émission, j’essaie de casser les codes. Avant, on accueillait les gens sur un plateau, aujourd’hui, on va vers eux. On peut interviewer les stars à des endroits inhabituels. Dans l’ascenseur, au bar, au petit déj. J’ai quelques accès privilégiés et un peu de crédit, dans la mesure où je viens depuis longtemps et que je n’ai jamais tué personne » [rire du cobra sardonique].

Blague à part

C’est là qu’on a vu qu’il était peut-être meilleur en blagues qu’en souvenirs. Mais quand il y a les deux, c’est l’extase : « Il y a deux ans, j’ai interviewé De Niro dans un couloir du Martinez, qui sortait de sa chambre. De Niro, je l’avais déjà interviewé il y a très longtemps. En 1991. Je m’étais présenté : “My name is De Niso.” Il m’avait répondu : “My name is De Niro.” Il se souvenait vaguement de mon nom. Ça le fait marrer. Enfin, il fait comme si ça le faisait marrer en tout cas » [rires redoublés pour une double blague].

Bref. « L’objectif, c’est de faire partager ma journée de privilégié. Pour la première émission, on a calé Martin Scorsese et Isabelle Adjani. Ça démarre bien. C’est toujours bien de bien démarrer » [rire de la foreuse enrouée].

« J’AIME BIEN ALLER AUX CHAMPIGNONS. JE PEUX Y PASSER DES HEURES, CHEZ MOI, À CHÂTEAUROUX. MAIS PAS DANS LE CENTRE-VILLE PARCE QUE LÀ, ÇA POUSSE PAS BEAUCOUP. »

Après Cannes, pour se reposer, Denisot coupera tout. Sauf l’humour, bien sûr. « J’aime bien aller aux champignons. Je peux y passer des heures, chez moi, à Châteauroux. Mais pas dans le centre-ville parce que là, ça pousse pas beaucoup » [rire du sanglier en rut].

Le truc moins drôle quand même, c’est que le jour même de notre interview, Vincent Bolloré, le boss de Canal+, était placé en garde à vue. « Je ne suis plus salarié de Canal+ depuis 2004. Je suis producteur indépendant. Donc, le fait que Canal soit passé sous pavillon Bolloré ne change rien. » Et sa garde à vue ? Là, il n’a pas fait de blague du tout.

On n’a pas insisté. Pour détendre cette atmosphère de joviale camaraderie, on a préféré lui poser une question à la fois drôle et sophistiquée : « C’est vrai que vous glissez des mots incongrus dans vos interviews pour gagner des paris ? » « Oui, c’est vrai. J’avais réussi à caser le mot “tartiflette” dans une interview avec Lionel Jospin. »

On lui a aussi parlé d’une blague en forme de « fake news » qu’on croit avoir décelée sur sa page Wikipédia – c’est pour montrer qu’on bosse nos interviews d’arrache-pied. Selon le site, Denisot aurait triplé sa première et redoublé sa terminale pour échouer définitivement à l’obtention de son bac. « Ah non, tout est vrai. Et quand j’ai terminé le lycée, j’avais des enfants… Non, je déconne. Donc, j’ai pas eu mon bac et j’ai coutume de dire que je n’ai réussi que les concours de circonstances » [rire triplé à cause des mauvaises notes].

La réalisation, une première

Ses si peu nombreux diplômes ne l’empêchent pas de réaliser son premier film à la rentrée des classes. Deux mois de tournage, en septembre. Franck Dubosc dans le rôle du héros, un journaliste du « 20 heures », Jérôme Commandeur en producteur, et Denis Podalydès en patron de chaîne.

« C’est une comédie assez caustique. Ça s’appelle Toute ressemblance. Il y a un sous-titre qui me plaît bien : “Le Loup de 20 heures”, comme il y a eu Le Loup de Wall Street. Je ne vais pas me comparer à Scorsese, mais les gens qui ont lu les scénarios trouvent qu’il y a des similitudes dans l’histoire. » Chouette ! « Mais qu’est-ce que c’est long de faire un film ! Un an et demi pour écrire le scénario… Quand on me dit que Jacques Audiard met sept ans pour faire un film, je comprends mieux. » On a osé, en érudit cinéphile : « Oui, mais Chabrol mettait six mois ! », mais Michel est vraiment trop fort, « Et Mocky, il met huit jours ! » [rire du canard phtisique].

Pour finir, et parce que Michel Denisot est VRAIMENT gentil, il nous avait réservé un bonus, une deuxième blaguounette zoophile : « C’est un type qui prend son élan. »

C’est pile le moment qu’a choisi Gérard Longuet, le très droitier et pas vraiment drôle, à première vue, ex-ministre de Chirac, Balladur et Sarkozy, pour débarquer dans notre bistrot à la recherche d’un coin sombre. En le voyant franchir le seuil, Denisot a dû battre le record du monde du 6e arrondissement de mettage de lunettes noires, de regardage intense de ses pompes et de filage à l’anglaise. Parce que, comme disait Desproges, « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ».

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