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Jours tranquilles à Paris
9 mai 2018

Donald Trump se retire de l’accord iranien et s’isole encore un peu plus de ses alliés

Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Le président américain a annoncé sa décision mardi et promis le « plus haut niveau de sanctions économiques » contre Téhéran. Le choix diplomatique le plus conséquent depuis le début de son mandat.

Donald Trump a spectaculairement renoncé à un accord forgé par son propre pays, mardi 8 mai, en retirant les Etats-Unis de l’accord nucléaire iranien conclu en 2015.

Le président américain n’a pris personne par surprise. Contempteur infatigable du « pire » accord selon lui jamais conclu par Washington, il n’avait cessé d’agiter la menace d’un départ. Faute d’obtenir une improbable réécriture en profondeur du texte exclue par les autres signataires, l’Allemagne, la Chine, la France, la Russie et le Royaume-Uni, comme par l’Iran, Donald Trump n’avait d’autre choix que le retrait, conforme à l’une de ses promesses électorales. « La décision d’aujourd’hui envoie un message crucial. Les Etats-Unis ne font plus de menaces vides de sens. Quand je fais des promesses, je les tiens », a assuré le président.

Parce qu’elle concerne une région déjà couturée de crises et de guerres, cette décision unilatérale est la plus conséquente prise jusqu’à présent par le président des Etats-Unis, même si elle se situe dans la droite ligne du retrait du projet de libre-échange avec des pays riverains du Pacifique, le 23 janvier 2017, ou de celui de l’accord de Paris, le 1er juin de la même année.

Comme les précédentes, elle place en porte-à-faux les Etats-Unis avec leurs principaux alliés à l’exception des ennemis régionaux de Téhéran, Israël et l’Arabie saoudite. Elle constitue pour la relation transatlantique une nouvelle épreuve, sur fond de tensions pour l’instant sans réponses sur le commerce.

« Un accord horrible »

Comme il en a l’habitude, Donald Trump a mis mardi en cause la compétence des négociateurs américains d’alors, incapables selon lui de tirer profit du rapport de forces favorable créé à l’époque par l’imposition d’un régime de sanctions particulièrement dures pour l’économie iranienne. « Un accord constructif aurait facilement pu être conclu à ce moment-là, mais cela n’a pas été le cas », a-t-il déploré, balayant d’un revers de mains deux ans de négociations ardues.

En octobre 2017 et encore en janvier, lors de ses premières prises de distance vis-à-vis de l’accord obtenu par son prédécesseur démocrate, Barack Obama, que le retrait de mardi parachève, M. Trump avait déjà multiplié les attaques frontales.

Il a récidivé en dénonçant « un accord horrible » qui « n’a pas apporté le calme », ni « la paix » et qui « ne le fera jamais ». Il a dressé un état des lieux accablant mais partial, lorsqu’il a par exemple dénoncé la poursuite de l’enrichissement de l’uranium, sans préciser qu’il s’agit d’un taux incompatible avec un projet militaire, ou critiqué les failles supposées du régime de contrôle le plus sévère de l’histoire de la lutte contre la prolifération. Les services de renseignement américain considèrent d’ailleurs que l’accord est respecté.

De même, le président des Etats-Unis a repris sans la moindre nuance la théorie d’un mensonge d’Etat iranien exposé une semaine auparavant par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, un adversaire déterminé de l’accord, à l’occasion de la présentation d’un programme militaire secret cependant antérieur à l’accord de 2015.

« Régime meurtrier »

Donald Trump a également mis en cause l’accord pour des questions auxquelles il n’était pas censé répondre comme les activités balistiques de l’Iran ou son influence régionale. « Il est clair pour moi que nous ne pouvons pas empêcher une bombe nucléaire iranienne en restant dans la structure délabrée et pourrie de l’accord actuel. [Il] est fondamentalement défectueux. Si nous ne faisons rien, nous savons exactement ce qui va se passer. Dans un court laps de temps, le principal soutien de la terreur dans le monde sera sur le point d’acquérir les armes les plus dangereuses », a-t-il assuré avant d’opposer un « régime meurtrier » à la « fière nation » iranienne que ce dernier prend en « otage » selon lui.

Pour éviter l’Iran nucléaire qu’il redoute, Donald Trump veut désormais négocier « en position de force » selon la formule de son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, un « faucon » présent aux côtés du président depuis un mois et qui avait rédigé pour le New York Times, en mars 2015, une tribune intitulée « Pour stopper la bombe iranienne, bombardons l’Iran ». Le président des Etats-Unis escompte obtenir cet avantage en rétablissant les sanctions suspendues depuis 2015.

Il n’est pas question d’un simple retour en arrière. « Nous allons imposer le plus haut niveau de sanctions économiques », a assuré M. Trump qui s’est montré également menaçant en assurant que « toute nation qui aide l’Iran dans sa quête d’armes nucléaires pourrait également être durement sanctionnée par les Etats-Unis ».

Pour le locataire de la Maison Blanche, qui y a fait explicitement référence, l’heure est venue des « pressions maximales » qui ont contraint le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, selon Washington, à se tourner vers la négociation.

« Mettre autant de pression que possible sur l’Iran »

« Alors que nous sortons de l’accord, nous allons travailler avec nos alliés pour trouver une solution réelle, globale et durable à la menace nucléaire iranienne. Cela inclura des efforts pour éliminer la menace du programme de missiles balistiques [de Téhéran], pour arrêter ses activités terroristes dans le monde entier et pour bloquer son activité menaçante à travers le Moyen-Orient », a assuré Donald Trump.

Cet optimisme s’est immédiatement heurté à la réaction unanime des autres signataires de l’accord qui ont tous déploré la décision unilatérale américaine, à commencer par ceux qui en sont historiquement à l’origine : l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Tous ont indiqué qu’ils entendaient continuer à respecter l’accord, au risque de s’exposer à des sanctions américaines presque aussitôt agitées par le nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Berlin, Richard Grenell. « Les entreprises allemandes faisant des affaires en Iran devraient cesser leurs opérations immédiatement », a-t-il assuré sur son compte Twitter.

Le sujet est d’autant plus critique que le tour de vis américain a précisément pour but de priver de ressources le régime iranien comme l’a revendiqué John Bolton au cours d’un briefing tenu juste après la déclaration de Donald Trump. « C’est quelque chose que nous devrions poursuivre vigoureusement, parce que nous voulons mettre autant de pression économique sur l’Iran que possible », a-t-il dit, sans préciser à quelle échéance les entreprises présentes sur le marché iranien seront susceptibles d’être pénalisées.

Obama déplore « une grave erreur »

La décision de Donald Trump n’a pas véritablement soulevé l’enthousiasme de son propre parti. De nombreux élus républicains qui s’étaient pourtant opposés à l’accord lorsqu’il avait été conclu, en 2015, avaient exprimé leurs plus grandes réserves à la veille de cette annonce, redoutant à la fois un saut dans l’inconnu et le coût à payer pour la crédibilité des Etats-Unis.

Le président iranien, Hassan Rohani a d’ailleurs réagi mardi en estimant qu’elle montre que « les Etats-Unis ne respectent jamais leurs engagements ». « Si (…) nous arrivons à la conclusion qu’avec la coopération de ces cinq pays [restants], les intérêts du peuple iranien sont assurés (…) l’accord nucléaire restera en vigueur », a-t-il indiqué. Il n’a pas exclu cependant une reprise des activités d’enrichissement d’uranium « sans limite », synonyme de fin de l’accord, si ce dernier s’avère « un papier sans garanties ».

L’artisan américain du compromis, Barack Obama, est sorti de la réserve à laquelle il s’astreint généralement depuis son départ de la Maison Blanche pour déplorer « une grave erreur ». « Les Etats-Unis pourraient se retrouver avec un choix perdant perdant, entre un Iran doté de l’arme nucléaire ou une autre guerre au Moyen-Orient », a estimé, pessimiste, l’ancien président.

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