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Jours tranquilles à Paris
28 mai 2018

SNCF : pourquoi la grève continue

Par Éric Béziat - Le Monde

Les quatre syndicats de cheminots ont choisi de prolonger le mouvement contre la réforme ferroviaire. Lundi sera le vingt-troisième jour du conflit.

Depuis que la réforme ferroviaire a été lancée, les semaines cruciales succèdent aux semaines cruciales. Celle qui commence ce lundi 28 mai par la 23e journée de grève contre le Nouveau pacte ferroviaire n’échappe pas à la règle. Ce nouvel épisode du conflit se produit alors que le Sénat s’apprête à examiner, mardi 29 mai, le projet de loi ferroviaire et qu’un tournant important s’est produit vendredi 25 mai, lorsque le premier ministre Edouard Philippe a annoncé que 35 milliards d’euros de dette de la SNCF seraient repris par l’Etat.

« Ce geste historique fera économiser 1 milliard d’euros par an de frais financiers à l’entreprise à partir de 2022, se réjouit Mathias Vicherat, directeur général adjoint du groupe SNCF. Si on y ajoute les 200 millions d’euros supplémentaires d’investissement, on est face à un vrai plan de relance du ferroviaire. » L’argument a de quoi porter. De nombreux usagers espéraient d’ailleurs que leurs difficultés ne seraient vite qu’un souvenir désagréable après cette concession du gouvernement.

Pourtant, la grève continue. Aucun des quatre syndicats (CGT, UNSA, SUD et CFDT) n’a pour le moment souhaité quitter le mouvement unitaire de grève et de protestation contre la réforme. Et précisément pas les deux organisations dites réformistes – CFDT-Cheminots et UNSA-Ferroviaire – traditionnellement enclines à trouver un terrain de négociation lors des conflits sociaux.

Pourquoi cette inflexibilité ? Comment expliquer ce choix qui comporte un risque : celui d’accentuer une coupure entre les cheminots et le reste de leurs concitoyens. La récente consultation syndicale interne à la SNCF (la « vot’action ») montre que les deux tiers des cheminots environ sont mobilisés contre la réforme, au moment même où les sondages d’opinion indiquent qu’une proportion exactement inverse des Français la soutiennent.

La rentrée de septembre sera agitée

Il convient, à ce stade, de distinguer deux stratégies discordantes. Avec d’abord celle de SUD-Rail et de la CGT-Cheminots qui, ce n’est pas une surprise, continuent à rejeter en bloc la réforme et demandent une négociation repartant de zéro. Certes, il y a des nuances. La CGT a reconnu que le gouvernement avait montré des signes d’ouverture en reprenant les trois quarts de la dette et en acceptant que les sénateurs introduisent des amendements sociaux au projet de loi.

« MÊME SI ON SENT BIEN QU’ON N’EST PAS LOIN, ON PEUT ENCORE FAIRE AVANCER DES SUJETS COMME CELUI DE LA QUESTION DE LA TARIFICATION SOCIALE »

FANNY ARAV, REPRÉSENTANTE DE L’UNSA AU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE SNCF RÉSEAU

Mais, d’évidence, l’agenda des deux fédérations est d’abord politique. Le choix de la CGT de participer à la marche anti-Macron de La France insoumise, le 26 mai, en est une illustration. Et cet agenda s’étale sur le temps long. Il est probable que les deux formations iront jusqu’au bout du calendrier fixé en mars (dernier jour de grève le 28 juin). A plusieurs reprises, le secrétaire général de la CGT-Cheminots, Laurent Brun, a envisagé une poursuite de la grève cet été. Mais, même si la CGT et SUD ne mettent pas cette menace à exécution et accordent une trêve estivale aux usagers, la rentrée de septembre sera à coup sûr agitée sur les rails.

Et puis il y a les réformistes. Toute l’attention des observateurs et des négociateurs est désormais focalisée sur eux. La CFDT comme UNSA ont tous deux choisi de ne pas quitter le mouvement tant que le processus législatif n’est pas achevé. Ils participeront à la manifestation cheminote prévue au palais du Luxembourg, siège du Sénat, le 29 mai, à l’occasion de l’examen de la loi en séance publique.

« Nous voulons éviter les mauvaises surprises lors du vote au Sénat, explique Fanny Arav, représentante de l’UNSA au conseil d’administration de SNCF Réseau. Et puis, même si on sent bien qu’on n’est pas loin, on peut encore faire avancer des sujets comme celui de la question de la tarification sociale, dont il n’est pas du tout question dans la loi. » « Il nous reste quelques jours pour faire évoluer la réforme, renchérit Rémi Aufrère-Privel, secrétaire général adjoint de la CFDT- Cheminots, en particulier sur le droit au retour des salariés transférés à la concurrence. »

« Nos adhérents sont épuisés »

Tout le week-end, les tractations sénateurs-syndicats-SNCF-gouvernement sont allées bon train, afin de faire déposer les ultimes amendements (le dernier délai ayant été fixé au lundi 28 mai à midi). Le président du Sénat, Gérard Larcher, a reçu la CFDT-Cheminots le 25 mai (« une rencontre constructive », selon M. Aufrère-Privel) et devait s’entretenir avec les représentants de l’UNSA-Ferroviaire le 28 au matin.

Mais à un moment donné, l’un ou l’autre des syndicats réformistes jettera l’éponge. « Le problème, c’est que le premier qui sortira du mouvement sera une cible facile à faire abattre lors des élections professionnelles de la SNCF prévues en novembre, explique un négociateur patronal. Du coup, l’UNSA et la CFDT devraient essayer de se coordonner pour sortir en même temps. » « Nos adhérents sont épuisés, ajoute un syndicaliste. Le mouvement ne peut pas durer dans ces conditions. » Lundi 28 mai, la journée de grève devrait être l’une des moins suivies du conflit, avec moins de 50 % de conducteurs en grève, 38 % de contrôleurs et 20 % d’aiguilleurs.

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