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Jours tranquilles à Paris
8 juin 2018

Un réfugié irakien, cadre supposé de l’EI, arrêté et écroué en mars en France

Par Elise Vincent - Le Monde

En juin 2017, il avait obtenu le statut de réfugié politique, ainsi qu’une carte de résident de dix ans. L’Etat lui a retiré ce statut dans la foulée de son incarcération.

C’est un cas rare. Un Irakien réfugié en France depuis plus d’un an a été arrêté, en mars, et mis en examen par des juges antiterroristes, a-t-il été indiqué, au Monde, jeudi 7 juin, de source judiciaire, confirmant une information de TF1/LCI. Agé de 33 ans, l’homme est soupçonné d’avoir été un membre du groupe Etat islamique (EI) mais aussi d’avoir participé à des massacres, chose rarement étayée d’ordinaire.

Après plusieurs mois d’enquête, Ahmed H. a ainsi été arrêté le 6 mars à Lisieux (Calvados) puis mis en examen le 9 mars à Paris, notamment pour « assassinats en relation avec une entreprise terroriste » et pour « crimes de guerre », puis placé en détention provisoire. L’enquête préliminaire à son égard avait été ouverte, en septembre 2017, et confiée à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Une information judiciaire a ensuite été ouverte, le 6 mars.

La façon dont Ahmed H. a rejoint la France est encore obscure. Mais selon nos informations, il est venu par ses propres moyens et n’a pas bénéficié des différents programmes qui permettent à certains exilés d’être relocalisés en France dans le cadre de partenariat avec des pays membres de l’Union européenne, ou réinstallé par l’intermédiaire du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). Il a obtenu son statut de réfugié en juin 2017 auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il a ensuite bénéficié d’une carte de résident de dix ans, comme le prévoit la loi.

Poursuivi en Irak

Même s’il n’est pas encore jugé, le déclenchement de l’enquête a engendré le retrait de son statut de réfugié dans la foulée de son incarcération. Selon les premiers éléments de l’enquête, il aurait participé, en juin 2014, au massacre du camp militaire de Speicher, à Tikrit, au nord de Bagdad, en Irak. Des hommes armés avaient alors enlevé des centaines de recrues de l’armée, essentiellement chiites, qu’ils avaient exécutées un par un, tuant jusqu’à 1 700 personnes dans cette ville, occupée par les djihadistes de l’EI de 2014 à 2015. L’homme fait par ailleurs l’objet d’une procédure judiciaire en Irak, où les autorités le soupçonnent d’avoir administré la région de Samarra, au nord de Bagdad, pour le compte de l’organisation djihadiste.

Selon une source proche du dossier, Ahmed H. n’a pas le profil des djihadistes venus en Europe par la route des migrants dans le but de s’infiltrer pour commettre des attentats, comme ce fut le cas pour les attaques du 13 novembre 2015, à Paris et Saint-Denis. Il s’assimile plutôt à un ex-partisan de l’EI qui aurait adhéré à l’organisation terroriste à ses débuts, nourri alors essentiellement de haine anti-chiites.

Depuis 2015, plusieurs dizaines de ressortissants syriens et irakiens se sont vu, comme lui, retirer leur statut de réfugié par l’OFPRA en raison d’accusation graves. Les motifs pour lesquels l’OFPRA peut « exclure » ces réfugiés sont alors de deux sortes : soit il s’agit de « menace grave à la sûreté de l’Etat », soit de soupçons portant sur des « crimes » commis dans un pays étranger. Ces exclusions se font sous le contrôle de la cour nationale du droit d’asile (CNDA). Des possibilités d’action qui proviennent de la loi asile de juillet 2015. Auparavant, le cadre juridique était beaucoup plus flou.

La mise en examen d’Ahmed H. pour crime de guerre, elle, a été possible en raison de la « compétence universelle ». Ce mécanisme juridique en vigueur en France permet de déposer plainte pour des faits graves commis à l’étranger, à condition que la personne visée soit présente sur le sol français.

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