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Jours tranquilles à Paris
8 juin 2018

Au sommet du G7, Trump seul contre tous

Par Marc Semo, Ottawa, envoyé spécial - Le Monde

Commerce, Iran, climat : les sujets de discorde s’accumulent entre les sept puissances occidentales du G7, qui se réunissent vendredi et samedi à La Malbaie, au Canada

Jamais un G7 ne s’est annoncé aussi tendu, sur fond de guerre commerciale entre les Etats-Unis et leurs alliés, de bras de fer sur le climat et de crise transatlantique après le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien. Jamais non plus Washington n’a été aussi isolé au sein cette instance regroupant, outre les Etats-Unis, le Royaume-uni, la France, l’Allemagne, le Japon, le Canada et l’Italie. « Il ne s’agit plus d’un G7 mais d’un G 6+1 » : la formule lancée l’an dernier lors du précédent sommet, à Taormine en Sicile, a depuis fait florès.

Déjà alors, se dessinaient les oppositions entre le nouveau locataire de la Maison Blanche et ses alter ego, dont bon nombre étaient aussi des néophytes, à commencer par Emmanuel Macron mais aussi la première ministre britannique, Theresa May, ou le président d’alors du conseil italien, Paolo Gentiloni, dont le successeur Giuseppe Conte, représentant la coalition anti-système de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles au pouvoir à Rome, sera cette année le seul nouveau visage.

Cette instance, créée en 1975 à l’initiative du président Giscard d’Estaing afin de réunir « les principales puissances économiques démocratiques », ne prétend pas être un directoire du monde. Les réunions du G7 tiennent plutôt d’un entre-soi informel où les chefs d’Etat ou de gouvernement discutent d’autant plus librement qu’il n’y a pas de décision à prendre. Mais depuis l’arrivée de Donald Trump, ce dialogue devient de plus en plus difficile.

DONALD TRUMP SEMBLE FAIRE BIEN PEU DE CAS DES AVIS D’EMMANUEL MACRON, QUI N’A CESSÉ DE LUI RÉPÉTER QUE L’ON NE FAIT PAS « DE GUERRE COMMERCIALE ENTRE ALLIÉS »

Avant de se rendre sur les lieux du sommet, qui se déroulera les 8 et 9 juin à La Malbaie, à 150 kilomètres de la ville de Québec, le président français s’est arrêté à Ottawa pour s’entretenir avec le premier ministre canadien, Justin Trudeau, afin de se coordonner et faire front commun face à Washington, notamment dans la guerre commerciale ouverte avec les taxes sur l’acier et l’aluminium que l’administration américaine a finalement décidé d’appliquer à ses alliés européens, comme au Canada et au Mexique.

Les deux leaders quadragénaires sont aussi attachés l’un que l’autre au multilatéralisme qu’au libre-échange. L’un comme l’autre ont aussi tenté sans succès d’amadouer le président américain, avec qui ils ont longtemps entretenu de bonnes relations personnelles, pour le faire revenir sur sa décision. Depuis, Justin Trudeau a annulé une visite aux Etats-Unis et imposé des taxes aux importations américaines.

« Sérieuses controverses »

Le président français est le plus ferme à réagir côté européen. A en croire CNN, une conversation téléphonique le 31 mai avec son « ami » Donald Trump, qui n’aime guère être critiqué, aurait été « terrible », mais l’Elysée dément. Donald Trump semble en tout cas faire bien peu de cas des avis d’Emmanuel Macron, qui n’a cessé de lui répéter que l’on ne fait pas « de guerre commerciale entre alliés ». Le G7 sera l’occasion d’un nouveau tête-à-tête entre les deux chefs d’Etat, un mois et demi après la visite à Washington d’Emmanuel Macron.

Encore virtuelles il y a un an, les lignes de fractures entre les Etats-Unis et leurs partenaires sont devenues plus évidentes. « Donald Trump se pose en perturbateur radical et, au-delà de telle ou telle mesure protectionniste ponctuelle, il semble bien décidé à remettre en cause un système de libre-échange qu’il juge injuste », analyse Laurence Nardon, responsable du programme Etats-Unis de l’Institut français des relations internationales (IFRI), soulignant qu’il n’y a guère de compromis à espérer avant les élections de mi-mandat en novembre.

L’acier ne représente certes qu’une part minime des exportations européennes vers les Etats-Unis, mais les Vingt-Huit craignent que des mesures similaires visent ensuite les importations d’automobiles, ce qui toucherait au premier chef l’Allemagne. Une rude tâche attend donc au G7 Emmanuel Macron, leader de fait des Européens présents, alors que Theresa May est engluée dans le Brexit, que Giuseppe Conte est aussi inexpérimenté qu’illisible et qu’Angela Merkel est affaiblie. Si la chancelière allemande reste ferme dans ses propos, affirmant s’attendre « à de sérieuses controverses » et reconnaissant « nombre de différences » entre les Etats-Unis et leurs partenaires, certains craignent, à Paris comme à Bruxelles, que Berlin soit tenté de faire cavalier seul pour trouver un arrangement avec Washington.

« Palabres inefficaces »

L’accord de juillet 2015 sur le nucléaire iranien, dont Washington s’est retiré, sera l’autre grand sujet de confrontation à La Malbaie. Paris, ainsi que Londres et Berlin, estiment qu’il est impératif de maintenir ce texte, qui met sous contrôle international le programme nucléaire de Téhéran en échange d’une levée des sanctions. En même temps, ils reconnaissent la nécessité de le compléter sur le programme balistique de la République islamique, les dispositions pour l’après-2025 ou la politique régionale agressive de l’Iran.

L’urgence est d’éviter que les Iraniens se retirent aussi de l’accord, lui donnant le coup de grâce, ce qui arrivera immanquablement s’ils n’en dégagent aucun bénéfice. Or les sanctions américaines ciblent toutes les entreprises, y compris non américaines, continuant à travailler avec l’Iran. Malgré les plaidoyers des Européens, l’administration Trump n’est guère disposée à accorder de quelconques exemptions.

« Le défi est d’essayer de préserver une forme d’unité à l’intérieur du G7 et vis-à-vis de l’extérieur, mais il ne faut pas hésiter à exprimer de manière ferme et forte les intérêts de la France et de l’Europe », avertit l’Elysée. Au-delà même des points les plus litigieux, il sera difficile d’arriver à un consensus sur les thèmes officiels prévus par la présidence canadienne – croissance inclusive, avenir du travail et du commerce, paix et sécurité, égalité femmes-hommes, changement climatique et énergie propre.

Lors du précédent G7, les Etats-Unis avaient refusé de signer le texte final, alors que Donald Trump préparait son retrait de l’accord sur le climat, annoncé quelques jours plus tard. La semaine dernière à Paris, les Etats-Unis ont refusé de signer la déclaration finale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), rejetant le principe de négociations multilatérales dénoncées comme « des palabres interminables et inefficaces ». Le G7-finances des 1er et 2 juin n’a pas non plus permis de déboucher sur une déclaration commune.

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