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Jours tranquilles à Paris
9 juillet 2018

Versailles : Emmanuel Macron devant le Congrès pour tenter de se donner un nouvel élan

Par Cédric Pietralunga, Virginie Malingre - Le Monde

Le chef de l’Etat tiendra lundi après-midi un discours de politique générale devant le Parlement, réuni à Versailles. Une partie des parlementaires dénoncent un exercice « monarchique ».

Une heure pour convaincre. Alors qu’il fait face à une défiance inédite dans les enquêtes d’opinion, Emmanuel Macron tiendra, lundi 9 juillet à 15 heures, un discours de politique générale lors du congrès du Parlement, exceptionnellement réuni dans l’aile du Midi du château de Versailles. Quelque 900 députés et sénateurs viendront l’écouter, même si les élus de La France insoumise (LFI), ainsi qu’une petite partie de ceux des Républicains (LR), ont annoncé qu’ils boycotteraient l’événement, dénonçant un exercice de « monarque » où les parlementaires sont réduits à l’état de « pots de fleurs de la communication présidentielle ».

C’était une promesse d’Emmanuel Macron. Chaque année, s’était engagé le candidat d’En marche ! lors de la campagne, le président de la République réunira les chambres de l’Assemblée nationale et du Sénat pour leur faire un point sur l’avancement de son mandat. « Tous les ans, je reviendrai devant vous pour vous rendre compte », avait-il confirmé lors de sa première allocution à Versailles, le 3 juillet 2017.

Une pratique directement inspirée des Etats-Unis et du discours sur l’état de l’Union, prononcé chaque année à Washington, au cours duquel le président américain présente son programme pour l’année aux membres de la Chambre des représentants et du Sénat. Son intervention sera suivie d’un débat entre les groupes, sans vote final.

Depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macron travaille son discours. Outre sa plume Sylvain Fort et sa garde rapprochée à l’Elysée, le chef de l’Etat consulte beaucoup. Mercredi 4 juillet, plusieurs députés ont été encore invités au Château pour échanger avec des conseillers sur le sujet. « Mais le président écoute plus qu’il ne dit ce qu’il va faire », assure l’un des habitués de ces discussions à bâtons rompus. Selon son entourage, M. Macron devrait rester enfermé tout le week-end dans la résidence de la Lanterne, à Versailles, afin de peaufiner son texte. « Il y sera seul puisque c’est un lieu où les conseillers ne sont pas autorisés », souffle un proche.

« Raconter le macronisme »

A quarante-huit heures de l’événement, difficile de savoir ce que dira le chef de l’Etat. Beaucoup tablaient sur des annonces en matière de lutte contre la pauvreté. Mais l’Elysée a indiqué, mercredi, que le plan porté par Agnès Buzyn, la ministre des solidarités et de la santé, ne sera présenté qu’à la rentrée. Il pourrait toutefois évoquer sa philosophie en la matière.

En revanche, M. Macron devrait confirmer la tenue d’un sommet social avec les syndicats et le patronat le 17 juillet, pour « évoquer la suite des grandes transformations sociales mises en œuvre à partir de la rentrée », a indiqué le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, à l’issue du conseil des ministres, qui se tenait exceptionnellement vendredi.

D’autres s’attendent à des précisions à propos de la révision de la Constitution, qui concerne directement les parlementaires. Emmanuel Macron devrait aussi rappeler la logique des réformes qui ont été lancées depuis un an, en insistant notamment sur le dédoublement des classes de CP, la plus consensuelle de ses mesures.

« Le président va faire un bilan, dire l’état du pays, rappeler ce qui a été fait. Et donner les perspectives, avance Bruno Roger-Petit, le porte-parole de l’Elysée. Mais il ne s’agira pas d’un catalogue La Redoute. Il doit porter un discours de sens, être dans le réel, le concret. Dire ce qu’on a changé et ce qu’on veut encore changer. »

« Les Français ont perçu une succession de transformations. Il y a un lien entre elles : les réformes de la formation et de la SNCF, par exemple, visent toutes deux à permettre une société de la mobilité. Je pense que le président va rappeler la cohérence de cette action », abonde Gabriel Attal, député (LRM) des Hauts-de-Seine. « Quoi qu’on en dise, on n’a pas trouvé mieux que Macron pour raconter le macronisme », veut croire un autre parlementaire.

« Moment républicain »

Avec ce moment très solennel, les partisans d’Emmanuel Macron entendent aussi montrer qu’il y a toujours un capitaine à la tête du navire, malgré les soubresauts et les vicissitudes de l’actualité. « Il y a dans le pays une demande d’autorité voire de bonapartisme qui ne faiblit pas. La mise en scène du discours du congrès peut être l’un des moyens d’y répondre », estime un député de la majorité. « La parole du président de la République doit scander la marche, et la solennité qu’il y a à Versailles en fait en soi un moment républicain », reconnaît-on à Matignon.

Seule certitude, ce discours intervient à un moment difficile pour Emmanuel Macron. Depuis plusieurs semaines, le chef de l’Etat accumule les mauvaises séquences et voit sa popularité atteindre un étiage inédit. Selon une étude Kantar Sofres publiée le 6 juillet, seulement 32 % des Français lui font désormais confiance, un recul de six points en un mois et de douze points depuis le début de l’année. Depuis 1981, seul François Hollande a fait pire, avec 27 % à ce stade de son mandat. Autre signe inquiétant pour le chef de l’Etat, les trois quarts des Français estiment aujourd’hui que la politique menée par l’exécutif est injuste, selon un sondage Elabe dévoilé le même jour, et 66 % qu’elle ne permettra pas d’améliorer la situation du pays.

Outre l’accumulation de faux pas de communication (la vidéo sur le « pognon de dingue », les remontrances à un collégien, la blague sur la « mafia des Bretons »…), c’est surtout l’absence de résultats tangibles après quatorze mois de mandat qui expliquerait ce « décrochage affectif », selon des proches du chef de l’Etat. « Au-delà des histoires de jambes gauche et droite, on parle beaucoup de transformations qui n’ont pas encore produit leurs effets », développe Philippe Grangeon, membre du bureau exécutif de La République en marche et visiteur régulier d’Emmanuel Macron.

« Le socle n’est pas fissuré »

Au sein de la majorité, certains élus pointent ainsi avec appréhension la résistance du Rassemblement national (ex-Front national) dans les intentions de vote. Selon un sondage IFOP publié le 29 juin, 19 % des Français disent ainsi avoir l’intention de voter pour la liste RN aux élections européennes de mai 2019, et 23 % pour LRM.

« Quand je fais des déplacements en province, personne ne me parle de la jambe gauche du gouvernement, mais certains disent qu’on n’a rien fait et qu’ils votent toujours Le Pen. Un an après l’élection, c’est un fait, on n’a pas réparé trente ans d’incurie », met en garde un membre du gouvernement.

Jusqu’ici, le camp d’Emmanuel Macron se rassurait en affirmant que « le socle n’est pas fissuré ». Comprendre : les électeurs d’Emmanuel Macron du premier tour de l’élection présidentielle sont toujours là. C’est ce que montraient en tout cas il y a encore peu de temps les études d’opinion, où les sympathisants de LRM se montrent les plus enthousiastes quant aux réformes de l’exécutif.

Mais certains pointent des « signaux faibles » préoccupants. Selon l’IFOP, les électeurs macronistes du 23 avril 2017 ne sont ainsi plus que 66 % à dire qu’ils voteront LRM aux européennes. Soit une perte d’un tiers des électeurs macronistes en un an. De quoi donner des sueurs froides aux stratèges de la majorité.

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