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Jours tranquilles à Paris
17 juillet 2018

Vladimir Poutine domine la rencontre d’Helsinki face à Donald Trump

Lors d’une conférence de presse commune, lundi en fin d’après-midi, le président russe a surtout énuméré une longue liste de sujets sur lesquels il attendait une amélioration sensible des relations.

Par Isabelle Mandraud (Helsinki, envoyée spéciale) et Gilles Paris (Helsinki, envoyé spécial) - Le Monde

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Donald Trump et Vladimir Poutine à Helsinki, le 16 juillet.

Une relation sur un pied d’égalité, c’est ce que Vladimir Poutine semble avoir récolté de ses entretiens avec Donald Trump, lundi 16 juillet, à Helsinki, au terme d’une tournée de ce dernier en Europe, marquée par des échanges sans précédent avec les alliés des Etats-Unis. Au cours d’une conférence de presse commune, très amicale, tenue par les deux présidents en fin d’après-midi, M. Poutine a qualifié les pourparlers avec son homologue de « très réussis et très utiles ».

M. Trump, qui avait exprimé au début de la rencontre son désir de parvenir à « une relation extraordinaire » avec la Russie, a abondé en ce sens, au point de consacrer une partie de son intervention à une critique brutale de son opposition démocrate et des médias, jugés uniformément hostiles au rapprochement qu’il appelait de ses vœux. Ses félicitations adressées à son interlocuteur à propos de l’organisation de la Coupe du monde, qui s’est achevée la veille, ont été payées en retour par un exemplaire du ballon officiel de la compétition remis par Vladimir Poutine, que le président des Etats-Unis a promis de confier à son fils Barron, grand amateur de ce sport.

Précis, le président de la fédération russe a surtout énuméré, au cours de cet exercice commun, une longue liste de sujets sur lesquels il attendait une amélioration sensible des relations entre deux superpuissances nucléaires, voire entre deux puissances dans le domaine de l’énergie, comme il l’a aussi rappelé, insistant, à sa manière, sur cette notion d’égalité. Il a plaidé à chaque fois pour une coopération approfondie dans la lutte contre le terrorisme, le contrôle des armes nucléaires, la situation en Syrie ou en Crimée.

« Chasse aux sorcières »

Vladimir Poutine a été le premier à aborder le sujet sans doute le plus délicat entre les deux capitales : les interférences imputées à la Russie pendant la présidentielle américaine de 2016. Il les a niées froidement avant de proposer, également sur ce point, une collaboration entre la Russie et les Etats-Unis. Interrogé à ce sujet, Donald Trump a donné l’impression d’abonder dans son sens en dénonçant « un désastre » pour son pays. Il a préféré longuement s’étendre sur les zones d’ombre qui, selon lui, continuent d’entourer l’enquête aux dépens des démocrates, s’interrogeant comme il l’avait fait au cours de la campagne sur des courriers électroniques de son adversaire démocrate Hillary Clinton.

Quelques heures auparavant, Donald Trump affichait déjà une volonté de nouer un dialogue, qui le poussait à pointer du doigt tout ce qui pourrait faire obstacle à celle-ci. Il a ainsi dénoncé avec virulence, sur son compte Twitter, la « chasse aux sorcières truquée » que constitue, selon lui, l’enquête du procureur spécial Robert Mueller.

Quatre jours après l’inculpation de douze membres du renseignement russe par le procureur spécial, le président des Etats-Unis a estimé que cette enquête était en partie responsable de la détérioration des relations avec Moscou. « Elles n’ont jamais été pires », a-t-il assuré, ajoutant que « des années de bêtise et de stupidité américaines » y avaient également contribué. Le ministère des affaires étrangères russe a aussitôt partagé ce message agrémenté du commentaire « nous sommes d’accord ». La veille, M. Trump avait déjà insisté sur le fait que ces interférences étaient survenues sous « l’administration Obama », mise en cause pour sa passivité supposée.

Depuis l’annonce de ces inculpations, la Maison Blanche s’est abstenue de toute forme de critique visant la Russie. Un souci d’apaisement à la veille de la rencontre de lundi, qui a tranché avec l’agressivité déployée par le président américain à l’égard de ses alliés depuis le début de sa tournée en Europe, le 10 juillet. Celle-ci devait s’achever après les entretiens avec le président de la fédération russe.

« L’Union européenne est un ennemi »

Donald Trump est d’ailleurs revenu à la charge dimanche contre l’Union européenne. « Je pense que nous avons beaucoup d’ennemis. Je pense que l’Union européenne est un ennemi, avec ce qu’ils nous font sur le commerce. Bien sûr, on ne penserait pas à l’Union européenne, mais c’est un ennemi », a-t-il assuré à la chaîne CBS.

Au cours du même entretien, il a ajouté que « la Russie [était] un ennemi par certains aspects », un qualificatif également utilisé à propos de la Chine, présentée comme un « ennemi économique ».

La bonne volonté mise en scène lundi a fait l’économie de détails sur la Syrie, même si Vladimir Poutine a mentionné la priorité d’une stabilisation du sud du pays, qui bénéficierait, selon lui, à tous les pays frontaliers. A propos de la Crimée, le président russe a évoqué les accords de Minsk, tout en invitant son homologue à user également de son influence auprès du gouvernement ukrainien.

Comme l’ont montré les propos de Vladimir Poutine, la partie russe est attachée à trouver un terrain d’entente sur les armes, où les contentieux se sont accumulés. C’est l’un des sujets que le président russe a le plus travaillés avec son état-major avant de quitter Moscou. Les deux délégations devaient notamment aborder la question du renouvellement du New Start, un traité de réduction des armes nucléaires signé en 2010 par les deux pays, qui limite à 1 550 le nombre de têtes nucléaires chacun. Ce traité expire en 2021, mais il peut être prolongé pour une période de cinq ans. Autre sujet sur la table : le traité sur les forces nucléaires dissuasives à portée intermédiaire, signé en 1987.

« Bienvenue en terre de liberté de la presse »

A Helsinki, une campagne de presse a précédé l’arrivée des deux dirigeants. Dans toute la ville, les panneaux publicitaires, à l’initiative du principal quotidien finlandais, Helsingin Sanomat, affichaient le même message en anglais et en russe, « Bienvenue, Monsieur le président, en terre de liberté de la presse ». Impossible pour les cortèges présidentiels de ne pas les voir.

Dimanche, plus d’un millier de personnes ont manifesté contre les deux présidents, fédérés autour d’une même banderole, « Make Human Rights Great Again » – pastiche du slogan de campagne de Donald Trump « Make America Great Again ». Un autre petit cortège a défilé lundi dans la capitale finlandaise à bonne distance du périmètre sécurisé établi autour du palais de la présidence.

Des Ukrainiens et des Russes venus de Saint-Pétersbourg ont fait cause commune dimanche pour exiger la libération du cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, condamné à vingt ans de colonie pénitentiaire en Russie pour « terrorisme » et aujourd’hui en grève de la faim depuis plus de soixante jours. Le Pen Club américain n’a pas été en reste, avec une grande banderole portant cette même revendication.

Lors de ce rassemblement festif et coloré, animé au cœur de la capitale finlandaise par un concert, beaucoup de pancartes « Non aux dictateurs » ont été brandies, les participants ne faisant pas de différence entre les deux dirigeants. Un « Non à la séparation des familles » a visé la politique migratoire de Donald Trump, pendant qu’un « Troll factory no » a fait allusion aux interférences reprochées à des pirates informatiques russes dans les élections occidentales.

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