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Jours tranquilles à Paris
4 août 2018

A Brégançon, May tente d’amadouer Macron, perçu comme hostile à son plan Brexit

La dirigeante britannique, reçue vendredi par le président, a un besoin urgent du soutien des Européens pour assurer la survie de son plan de divorce, attaqué de toutes parts.

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Le dessin est cruel. A mains nues, chaussées de ses fameux escarpins, Theresa May tente d’escalader une tour du fort de Brégançon, la résidence présidentielle du Var. « Pourquoi ne me permettez-vous pas de prendre l’escalier ? », supplie la première ministre britannique. Au sommet, près d’un drapeau tricolore, Emmanuel Macron la nargue : « Je ne peux pas vous faire des concessions unilatérales ! » Même pour la presse conservatrice comme dans cette caricature du Times, il n’y a aucun doute : Mme May a sollicité le rendez-vous de Brégançon et y est arrivée en position de demandeuse. Elle a écourté ses vacances dans les lacs italiens pour plaider la cause de son nouveau plan Brexit – dont dépend son avenir politique – au cours d’un entretien avec le président français, vendredi 3 août, avant un dîner avec leurs conjoints respectifs.

« Aidez-nous, sinon le Brexit sera une tragédie », avait déjà plaidé, mardi 31 juillet à Paris le nouveau chef du Foreign Office Jeremy Hunt. En dix jours une bonne partie du gouvernement britannique a défilé à Paris.

Ministre du commerce, des finances, du Brexit et des affaires étrangères ont tous développé la même rhétorique du « no deal » (absence d’accord) : si vous ne soutenez pas le compromis raisonnable de Mme May, les négociations de Bruxelles risquent d’échouer avec des conséquences catastrophiques pour vous comme pour nous : rétablissement des contrôles douaniers, commerce paralysé, emplois menacés par centaines de milliers. « L’échec des négociations sur le Brexit n’est dans l’intérêt de personne », a résumé David Lidington, numéro deux du gouvernement May lui aussi de passage à Paris, dans un entretien au Monde.

Un exercice qui relève de l’acrobatie

Si Downing Street a orchestré un tel ballet parisien et si Mme May fait le détour de Brégançon, c’est qu’Emmanuel Macron est considéré par le gouvernement britannique comme la principale pierre dans son jardin. A tort ou à raison, les Britanniques considèrent Angela Merkel comme plus ouverte. Derrière l’attitude du président français, Londres croit discerner la volonté farouche d’attirer à Paris des emplois de la City. « Les Français ne cessent de doucher les demandes britanniques, se plaint un responsable politique dans le Guardian. Aucun pays ne se montre aussi désobligeant. »

Après deux ans de tergiversations, la première ministre britannique a fait des concessions. Son « livre blanc » propose un quasi-maintien dans le marché unique pour les biens – ce qui éviterait le retour d’une frontière en Irlande –, tandis que les services financiers comme ceux de la City, essentiels pour les Britanniques, n’accéderaient plus automatiquement au continent.

Officiellement, le plan a été reçu fraîchement par Michel Barnier qui refuse l’idée de scinder le marché unique, ce qui l’affaiblirait. « La France souhaite un partenariat privilégié tant sur le plan économique qu’en matière de sécurité. Ce futur partenariat devra respecter l’intégrité du marché unique et les conditions d’une concurrence loyale », a rappelé Nathalie Loiseau, ministre des affaires européennes, après avoir reçu M. Hunt, exprimant une hantise française : un dumping fiscal et social britannique post-Brexit.

Pour Mme May, l’exercice relève de l’acrobatie. Elle et ses ministres agitent la menace d’un « no deal » en réalité peu probable. Ce faisant, ils transforment les « opportunités » du Brexit vantées par les tories en catastrophe, évoquant de possibles pénuries de nourriture et de médicaments en cas de blocage de la frontière. Le géant pharmaceutique français Sanofi a annoncé jeudi qu’il renforçait ses stocks au Royaume-Uni. En écho, Marks & Spencer a averti que les Français risquent d’être privés de ses sandwiches qui traversent la Manche quotidiennement.

Besoin urgent du soutien des Européens

Londres se plaint en outre de l’intransigeance de Michel Barnier, le Français qui conduit la négociation sur le Brexit au nom des Vingt-Sept, ce qui n’est pas forcément habile. « Ceux qui chercheraient une feuille de cigarette entre le mandat des vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement et ce que je fais, perdent leur temps », a prévenu l’intéressé visiblement agacé par les tentatives de Londres de « diviser pour régner ». Theresa May a rendu visite, vendredi 27 juillet, au chancelier autrichien Sebastian Kurz considéré comme un allié dans ces manœuvres.

En réalité, les Vingt-Sept n’ont nullement fermé la porte. M. Barnier, dans un entretien publié jeudi 2 août dans vingt journaux européens, Michel Barnier s’est dit prêt à « améliorer » le plan de Mme May afin d’aboutir à l’établissement avec le Royaume-Uni de nouvelles relations « sans précédent par leur portée et leur contenu ». Une expression qui semble faire droit à la revendication britannique d’un accord « sur mesure ».

Theresa May a un besoin urgent du soutien des Européens pour assurer la survie de son plan attaqué de toutes parts, alors que l’accord scellant le Brexit doit être approuvé impérativement avant la fin 2018. Le prochain moment clé est programmé le 20 septembre à Salzbourg, lors d’un sommet européen spécial. Mme May devrait mettre en avant les enjeux sécuritaires, où les Britanniques disposent de leurs meilleurs atouts (renseignement, coopération policière et militaire).

Un minimum d’ouverture des Européens lui sera nécessaire pour aborder l’étape suivante de son calvaire : le congrès des Tories du début octobre où elle affrontera les europhobes de son parti qui l’accusent de « trahir » le Brexit. Au regard de la guerre de tranchées qui s’annonce à ce congrès de Birmingham, l’escapade de Brégançon aura été probablement une aimable parenthèse.

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