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Jours tranquilles à Paris
13 août 2018

Le prélèvement à la source, épée de Damoclès pour le gouvernement

Par Benoît Floc'h - Le Monde

L’exécutif craint autant les cafouillages que l’effet psychologique que représentera la baisse faciale des salaires entraînée par la réforme.

Le ministre vous écrit. Ceux qui ont fait leur déclaration de revenus par papier reçoivent ces jours-ci leur avis d’impôt. Deux nouveautés, cette année : leur taux d’imposition est indiqué ; il est accompagné d’une lettre de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Pour ceux qui ont déclaré en ligne, la missive arrivera à la rentrée.

« A partir de janvier 2019, écrit M. Darmanin, nous allons simplifier l’impôt en mettant en place le paiement de votre impôt à la source, c’est-à-dire au moment où vous toucherez vos revenus. (…) Cette réforme de modernisation de l’impôt et de simplification ne changera en rien le montant total de votre impôt. »

Le prélèvement à la source (PAS) est une vraie épée de Damoclès pour le gouvernement, qui craint autant les cafouillages que l’effet psychologique que représentera la baisse faciale des salaires entraînée par la réforme. En effet, ce n’est plus le contribuable qui paiera son impôt sur le revenu avec un an de décalage, c’est dorénavant l’employeur qui le prélèvera sur le salaire pour le compte de l’administration. Mais, vante le ministre, « l’impôt s’adaptera chaque mois au montant du revenu versé ».

L’administration fiscale est-elle prête ? « Oui, clairement, tant du point de vue technique que pédagogique », dit-on dans l’entourage de M. Darmanin. Deux phases de test ont été conduites, à l’été 2017 et au printemps 2018, rappelle-t-on de même source, et « 40 000 agents ont été formés ».

Par ailleurs, le gouvernement a tenté de déminer les cas problématiques. Celui, par exemple, des 250 000 employés à domicile qui payent l’impôt sur le revenu. Du fait du retard pris dans la réforme du dispositif qui les concerne, il a été décidé qu’ils paieraient leur impôt 2019 l’année suivante. En 2020, ils paieront donc l’impôt de 2019 et celui de l’année en cours. « On cherche des solutions pour améliorer leur situation », dit-on chez M. Darmanin. L’idée de les exonérer pour 2019 est sur la table, mais « rien n’est décidé », poursuit-on.

« Courage de repousser cette réforme »

« Le prélèvement à la source n’est pas totalement opérationnel pour janvier 2019 », déplore Albéric de Montgolfier, sénateur Les Républicains, spécialiste du PAS. « Il y a des sujets qui, à ce stade, ne sont pas traités », regrette-t-il : les difficultés que cela entraîne pour les PME ou les employeurs particuliers par exemple. « Il faut avoir le courage de repousser d’un an cette réforme, plutôt que de s’obstiner », estime-t-il.

« La direction des finances publiques [à Bercy] fait tout ce qu’elle peut pour que cela fonctionne, explique Hélène Guerra, pour la CGT. Mais on craint que cela se passe mal. Les employeurs, qui vont maintenant devoir collecter l’impôt, n’ont pas tous mis à jour leurs logiciels. On a plusieurs remontées qui font état d’incohérences dans la transmission des données. »

La syndicaliste craint également « le chaos dans nos services d’accueil », alors qu’il y a déjà « quatre heures d’attente » dans certaines trésoreries. Ce pourrait être le cas lorsque « les usagers vont découvrir leur situation individuelle sans comprendre ce qui leur arrive ». Elle évoque le cas de foyers qui n’auraient pas déclaré leurs revenus parce qu’ils sont non-imposables. Par défaut, ceux-ci pourraient se voir appliquer un taux d’imposition. « Dans l’intérêt des collègues et des contribuables, assure Mme Guerra, certains directeurs demandent aux collègues de “bidouiller” et de faire comme si la déclaration avait été faite. » Elle évoque également les petits retraités n’ayant pas su choisir le bon taux.

Au ministère, on considère qu’« on ne peut pas évoquer ces cas pour dire que Bercy n’est pas prêt ». A propos des problèmes dans la transmission des données, par exemple, on rappelle de même source : « on ne vous dira pas que le système est fiable à 100 %. Il y aura sans doute des erreurs, à la marge, mais cela ne sera pas de nature à gripper le système. »

Et c’est sans compter les mauvaises surprises : la réduction d’impôt du dispositif Pinel, par exemple, ne sera plus mensualisée mais versée en une fois. Les investisseurs devront donc faire une avance à l’Etat. De quoi rendre le Pinel moins attractif.

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