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Jours tranquilles à Paris
14 octobre 2018

L’hommage aux « femmes de réconfort » hérisse les nationalistes japonais

reconfort

Par Philippe Mesmer, Tokyo, correspondance

L’installation à San Francisco, en 2017, d’une statue représentant les esclaves sexuelles de l’armée nipponne pendant la seconde guerre mondiale a entraîné la fin du jumelage de la ville californienne avec Osaka.

Le jumelage entre Osaka et San Francisco, c’est fini. Par une simple lettre adressée le 2 octobre à son homologue américaine London Breed, le maire de la ville de l’ouest du Japon, le très nationaliste Hirofumi Yoshimura, a mis fin au lien qui unissait les deux municipalités depuis 1957.

L’édile n’a pas goûté l’érection, en septembre 2017, dans la ville américaine d’une statue en l’honneur des Coréennes, Chinoises ou encore Philippines et Néerlandaises appelées « femmes de réconfort » par les Japonais, et contraintes à l’esclavage sexuel pour l’armée impériale japonaise du début des années 1930 à la fin de la seconde guerre mondiale.

Ce drame vécu par des dizaines de milliers de femmes à travers l’Asie – soit 200 000 selon des études coréennes, chiffre contesté par Tokyo – empoisonne les relations de l’Archipel avec ses voisins qui, eux, entretiennent le souvenir de cette tragédie, en dressant notamment des statues, dans différents pays. Les premières le furent en Corée du Sud. Il y en aurait aujourd’hui une quarantaine dans le monde, en Allemagne, en Chine, au Canada…

CE N’EST PAS LA PREMIÈRE FOIS QUE LE JAPON VOIT SES DÉMARCHES CONTRARIÉES. EN JANVIER 2017, IL A RAPPELÉ TEMPORAIREMENT SON AMBASSADEUR EN CORÉE DU SUD POUR UNE STATUE INSTALLÉE PRÈS DE SON CONSULAT À BUSAN.
La statue de San Francisco est une initiative des communautés coréenne, chinoise et philippine. En novembre 2017, le maire de l’époque, Ed Lee, en a fait un monument officiel de la Ville. Hirofumi Yoshimura l’avait déploré. « La relation de confiance a été complètement détruite. » Le premier ministre nippon, Shinzo Abe, connu pour ses positions révisionnistes, avait aussi réagi, qualifiant la décision de San Francisco de « profondément regrettable et opposée aux vues du gouvernement japonais ».

« Horreurs de l’esclavage et du trafic sexuels »

Le décès le mois suivant d’Ed Lee avait calmé la polémique. Mais le maire d’Osaka a relancé l’affaire cet été auprès de sa nouvelle collègue de San Francisco, London Breed, avant de décider de mettre fin au jumelage. Car la ville californienne a de son côté réagi en soulignant l’importance de la statue, la décrivant comme « un symbole de la lutte à laquelle font face toutes les femmes qui ont été et sont contraintes de supporter les horreurs de l’esclavage et du trafic sexuels ».

Ce n’est pas la première fois que le Japon voit ses démarches contrariées sur cette question. En janvier 2017, il avait rappelé temporairement son ambassadeur en Corée du Sud pour une statue installée près de son consulat à Busan, dans le sud du pays, en vain. Idem, quand il a protesté auprès de Séoul après que le Parlement sud-coréen eut fait du 14 août le Jour mémorial des victimes dites « femmes de réconfort ».

C’est à la fin des années 1980 que la question, longtemps tue, a été évoquée publiquement par d’anciennes victimes. En 1993, le gouvernement nippon avait reconnu l’existence de maisons closes militaires exploitant des femmes. Des excuses avaient été formulées. Shinzo Abe, qui était alors dans l’opposition, ne l’a jamais accepté. Son cabinet suit un positionnement plus dur. Le Japon, explique le ministère des affaires étrangères, conteste l’affirmation selon laquelle ces femmes furent contraintes. Ce fait n’aurait été confirmé par « aucun des documents identifiés par le gouvernement du Japon sur cette question ».

En 2015, le cabinet Abe avait conclu un accord avec l’administration conservatrice sud-coréenne de la présidente Park Geun-hye (2013-2017), qui devait résoudre le différend « de manière irrémédiable et définitive ». Dès l’annonce de sa signature, il avait soulevé une vague d’indignation en Corée. Des victimes et leurs proches déploraient, et regrettent encore, que le Japon n’assumât pas sa responsabilité juridique dans ce dossier. Le président progressiste sud-coréen, Moon Jae-in, élu en mai 2017, a promis lors de sa campagne de revoir cet accord que la « majorité de Coréens du Sud n’approuve pas de cœur ».

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