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Jours tranquilles à Paris
18 novembre 2018

Réouverture de La Hune : le coin librairie n’est plus la priorité de Yellow Corner

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Un an tout juste après avoir été ravagée par les flammes, la librairie emblématique de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, rouvre ses portes. Passée sous le giron de Yellow Corner en 2015, La Hune est devenue un lieu dédié à la photographie contemporaine… au détriment des livres.

Il y a des noms irrémédiablement associés à un quartier. C’est le cas de La Hune avec Saint-Germain-des-Prés. Près de 70 ans après son ouverture, cette librairie parsienne emblématique a cependant beaucoup changé, même si elle se dresse toujours à deux pas de trois autres adresses germanopratines incontournables, la brasserie Lipp, Les Deux Magots et Le Flore. « Le triangle magique », comme l’avait surnommé Bernard Gheebrant, le fondateur de La Hune en 1949. Dès sa création, ce passionné de littérature contemporaine et collectionneur en fait un lieu inédit pour l’époque, à la fois librairie et galerie. Tous les mois une exposition différente y est organisée (avec, parmi les pointures, Marcel Duchamp, René Magritte, Alexander Calder ou encore Picasso) et le lieu devient un point de rendez-vous pour les surréalistes et les existentialistes.

En 1975, La Hune scinde ses deux activités avec la création d’une galerie à quelques encablures de là. En 1981, la librairie est rachetée par Flammarion et passera 30 ans plus tard, au moment du rachat en 2012 de la maison d’édition par Gallimard, sous la houlette du groupe Madrigall (holding éditoriale qui rassemble notamment Gallimard, Flammarion et Casterman). La même année, après la vente de ses locaux historiques du 170 boulevard Saint-Germain à Louis Vuitton, elle déménage  à une centaine de mètres de là, rue de l’Abbaye, derrière l’église Saint-Germain-des-Prés. La maison d’édition annonçait alors vouloir donner un nouvel « élan » à La Hune.

Intérieur de la librairie La Hune, remise à neuf

Pari raté, les propriétaires annoncent sa fermeture en février 2015, effective en juin de la même année. La Hune échappera cependant aux « marchands de malappris [qui] viennent vendre leurs habits en librairie », comme le chantait déjà Souchon en 1999 (dans le titre Rive gauche) : le groupe Madrigall accepte l’offre de rachat des fondateurs de Yellow Corner, chaîne spécialisée dans l’édition et la vente de photos en édition limitée, qui récupèrent le local et surtout le nom — pour ne pas dire la marque — La Hune, pour en faire un lieu uniquement dédié à la photographie (expositions et ventes). Certains se désolent, voire crient à la trahison, à l’image de Denis Gheerbrant, fils du fondateur disparu en 2010, qui dénonce une « usurpation » dans une tribune publiée dans Le Monde (« Quand la marchandise usurpe, avec l’enseigne d’une célèbre librairie, l’œuvre de toute une vie ») et estime que le nom de La Hune aurait du disparaître avec elle.

Un concept marketing rodé

« Nous avons eu un accueil sous surveillance, minimise aujourd’hui Alexandre de Metz, co-fondateur de Yellow corner, mais après quelques mois nous avons trouvé notre place dans le quartier et réussi à exister, différemment certes ». Il poursuit avec un argument marketing bien rodé : La Hune de la première époque était une librairie-galerie, ce qu’elle est est de nouveau, avec la spécificité d’être « dédiée à 360° à la photographie ». Alexandre de Metz en déroule le concept : des expositions monographiques, des rencontres régulières avec des artistes et des éditeurs, des signatures, un coin librairie et… un espace de vente Yellow Corner. Mais La Hune n’est pas une galerie supplémentaire de cette franchise créée en 2006, se défend son fondateur : « quitte à faire un mauvais jeu de mots, La Hune il n’y en a qu’une, c’est un concept unique et sur-mesure ». Avant d’égrener quelques grands noms de la photo contemporaine exposés depuis l’inauguration en octobre 2015 : Elliott Erwitt, Oliviero Toscani, Nobuyoshi Araki… Coup d’arrêt brutal le 16 novembre 2017 : alors qu’elle accueille les clichés du moine bouddhiste Matthieu Ricard (« Un demi-siècle dans l’Himalaya »), La Hune est ravagée par un incendie.

“50 % de nos ouvrages sont introuvables sur Amazon”

Un an après quasiment jour pour jour, le 14 novembre 2018, elle ouvre à nouveau, après avoir été rénovée quasiment à l’identique. Au rez-de-chaussée à gauche, le coin librairie, qui laissera cependant sur sa faim ceux qui s’attendent à trouver un véritable fonds de livres de photos puisque sont proposés à la vente uniquement les livres de l’éditeur allemand Teneues. Un parti-pris, explique Alexandre de Metz : « Nous avons un éditeur invité par an. Nous proposons aussi des livres rares et d’édition limitée et 50 % de nos ouvrages sont introuvables sur Amazon ». Poursuite de la visite, toujours au rez-de-chaussée, avec l’espace Yellow Corner donc sur la droite, et, à l’étage, la galerie d’exposition. L’ensemble, chic et sobre tendance show-room de luxe, nous laisse cependant un peu froid, tout comme les clichés à la suggestivité très appuyée d’Ellen Von Unwerth exposés sur les murs.

La Hune, place Saint-Germain-des-Prés/16-18 Rue de l’Abbaye, Paris 6e, lun-mar-mer-jeu 10h30-19h30, ven-sam 10h30-21h, dim 11h30-19h30, 01 42 01 43 55, la-hune.com. Guilty pleasures, exposition d’Ellen Von Unwerth jusqu’en mars 2019.

Ellen von Unwerth à la Hune from Jacques Snap on Vimeo.

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