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Jours tranquilles à Paris
28 novembre 2018

Commission européenne : Michel Barnier, futur président ?

Par Cécile Ducourtieux, Bruxelles, bureau européen

Prendre le fauteuil de Jean-Claude Juncker, dans la foulée des élections de 2019 ? Manifestement le Français, négociateur en chef de l’UE pour le Brexit, en rêve.

LETTRE DE BRUXELLES

Michel Barnier, futur président de la Commission européenne ? Son ami Michel Dantin y pensait tellement fort, lundi 26 novembre, au lendemain du sommet spécial Brexit couronnant la fin des discussions du divorce avec Londres, qu’il a laissé échapper un tweet de soutien complètement transparent.

« Quelque soit le résultat de la ratification britannique ,@MichelBarnier a dans le cadre de son travail sur #Brexit fait preuve de la ténacité, de l’habileté et de la vision des grands Hommes d’Etat (et des Savoyards). L’Europe en avait bien besoin et demain en aura encore besoin », a lancé l’eurodéputé Les Républicains (LR) et maire de Chambéry.

Prendre le fauteuil de Jean-Claude Juncker, dans la foulée des élections européennes, à l’automne 2019 ? Manifestement le négociateur en chef de l’Union européenne (UE) pour le Brexit en rêve. Il a pourtant raté le rendez-vous du « Spitzenkandidat », l’élection du chef de file du Parti populaire européen (PPE), la grande famille des droites de l’UE. Elle avait lieu début novembre, à Helsinki, et a consacré la candidature de l’Allemand Manfred Weber, l’actuel patron du PPE au Parlement de Strasbourg.

Rampe de lancement

A ce moment-là, il était impossible au Français de se mettre sur les rangs : la négociation du Brexit amorçait sa dernière ligne droite. « C’est mon devoir de rester engagé avec toute mon énergie et ma détermination », a précisé M. Barnier dans une lettre à Joseph Daul, le président du PPE début novembre, justifiant son refus de se porter candidat.

« Evidemment, je resterai engagé à l’avenir et disponible pour défendre nos valeurs et renouveler ensemble le projet européen », concluait tout de même l’ex-commissaire au marché intérieur et à la politique régionale.

Désormais achevée, la négociation pourrait constituer une superbe rampe de lancement pour la fonction suprême à Bruxelles. Après dix-sept mois d’intenses discussions, M. Barnier a délivré un traité de divorce respectant au plus près les intérêts des Vingt-Sept. Et réussi à maintenir une cohésion entre les capitales sur laquelle personne n’aurait parié un euro en 2016, dans la foulée du référendum britannique.

C’est M. Juncker, qui a eu le flair de nommer le Savoyard à ce poste particulièrement exposé. A l’époque, M. Barnier était disponible : après avoir quitté la Commission fin 2014, il avait raté l’investiture de son parti, l’UMP, aux élections régionales pour la tête de liste en Auvergne-Rhône-Alpes, au profit de Laurent Wauquiez. Il s’occupait en rédigeant un Livre blanc sur la défense européenne.

Au début, les Britanniques pensaient pouvoir n’en faire qu’une bouchée : ils allaient allègrement court-circuiter ce frenchie à l’anglais basique et à l’aspect rigide, pour traiter directement avec la chancelière allemande ou le président français.

Mais son sérieux et sa loyauté ont fait merveille à ce poste. Tout comme sa connaissance des équilibres bruxellois : les « petits » pays et leur complexe d’infériorité, les grands et leur complexe de supériorité, le Conseil et la Commission toujours prêts à se quereller pour d’obscures questions de compétences, les eurodéputés très jaloux de leurs prérogatives… En expert, M. Barnier a su ménager et rassurer tout le monde.

Joker de luxe

En 2014, il avait échoué à devenir « Spitzenkandidat » : M. Juncker avait été préféré par les Allemands de la démocratie-chrétienne (CDU). Désormais, il a changé d’envergure. Il est connu dans toute l’UE, a été reçu par tous les chefs d’Etat et de gouvernement, son nom figure même dans les conclusions du Conseil européen de dimanche : la consécration.

Face à un Manfred Weber sans expérience de gouvernement, très à la droite du PPE, beaucoup considèrent désormais M. Barnier comme un joker de luxe. « Il faut voir quel sera le résultat des élections européennes, mais si aucune vraie majorité ne se dégage, il ne fait pas de doute que les dirigeants voudront imposer leur candidat au Parlement européen. Compte tenu de son image, M. Barnier a toutes ses chances », assure Michel Dantin.

« Au sein du Parlement européen, M. Barnier est la personnalité la mieux placée du PPE pour construire une majorité dont les Verts pourraient faire partie. Il n’est pas néolibéral, il a une fibre sociale et environnementale et il est de ces Français qui sont de vrais Européens », estime pour sa part le Belge Philippe Lamberts, chef de file des Verts à Strasbourg.

« Mister Brexit » a commencé à poser de discrets jalons. Un ambitieux discours à Bozar, début novembre, l’espace culturel le plus couru du tout Bruxelles intellectuel. Une intervention au congrès du PPE à Helsinki trois jours plus tard… Mais il sait que les jeux sont loin d’être faits, d’où sa prudence. Pas question de sortir du bois trop vite ou de pousser sa candidature sur une liste LR aux Européennes (ni sur une liste La République en marche).

Très « macron-compatible »

Tout dépendra du résultat des élections européennes, évidemment. Et du processus du Brexit : il reste encore du chemin avant le divorce effectif, le 29 mars 2019. Outre-Manche, la Chambre des communes doit encore valider l’accord, et cela n’a rien d’évident. Margrethe Vestager, la très médiatique commissaire à la concurrence, fait aussi figure de candidate sérieuse au rôle de « femme providentielle ».

Enfin, M. Barnier a beau être très « macron-compatible » (proche d’Alain Juppé, modéré, viscéralement proeuropéen), dans l’entourage du président français, certains continuent de trouver qu’à 67 ans, il fait très « ancien monde ».

En tout cas, c’est Emmanuel Macron qui détient les clés de la prochaine présidence de la Commission européenne, estime-t-on à Bruxelles. Le PPE veut qu’elle lui revienne. S’il parvient à se maintenir premier parti de l’UE à l’issue du scrutin de mai 2019, et si le président français refuse qu’un Allemand rafle le poste, ce ne sera pas M. Weber. Restera donc M. Barnier.

barnier

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