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Jours tranquilles à Paris
6 décembre 2018

La lettre politique de Laurent Joffrin : «Qu'ils viennent me chercher !» disait Macron, ils viennent

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L’angoisse est générale. La fièvre du samedi après-midi – jour de la nouvelle manifestation des gilets jaunes – s’est emparée des gouvernants, de nombre de responsables politiques ou syndicaux et d’une partie de l’opinion. Une nouvelle flambée de violences ? La menace est évidente. Une partie des protestataires ont compris que les concessions lâchées par Edouard Philippe sont le résultat direct des événements du week-end dernier. La vindicte anti-Macron faisant le reste, la tentation est forte de se lancer dans une nouvelle confrontation pour obtenir plus. A cela s’ajoutent les heurts anormalement brutaux qui opposent policiers et lycéens. Plusieurs fois soulignée dans cette lettre, la tentation insurrectionnelle est bien là. «Qu’ils viennent me chercher», avait dit Emmanuel Macron dans une envolée fier-à-bras post-affaire Benalla. Ils viennent.

La répétition des mêmes scènes d’émeute serait fatale au gouvernement Philippe. On entrerait alors dans un inconnu politique. Mais elle peut aussi inspirer aux éminences de LREM un calcul plus cynique : tabler sur des affrontements largement télévisés pour provoquer un décrochage de l’opinion et un début d’isolement des gilets jaunes. Privé du soutien massif dont il bénéficie encore aujourd’hui, le mouvement s’effilocherait sans gagner plus que l’annulation des taxes sur le carburant. Le désordre peut même susciter au sein des Français une aspiration à un pouvoir plus fort, plus autoritaire. Tel Pompidou en 1968, la macronie chercherait alors à se sauver en surfant sur la peur du vide et le désir du retour à l’ordre. A moins que d’autres forces politiques n’en profitent. Sinistre perspective.

Il existe une autre porte de sortie. Les syndicats de salariés ont fait leur jonction aujourd’hui pour chercher une réponse commune. Leurs revendications – smic, retraite, ISF – recoupent en partie celles des gilets jaunes. Ils appellent à une manifestation dans le calme, samedi à Paris, à la faveur de la «marche pour le climat» prévue de longue date, «en convergence» avec celle des gilets jaunes. Cette jonction des mouvements, ce retour dans le jeu des forces syndicales classiques, pourrait être une planche de salut pour le gouvernement. Ainsi serait remise à l’honneur la proposition initiale de Laurent Berger, un «grenelle» social et écolo, qu’Edouard Philippe avait écarté d’un revers de main et qui, sans jeu de mots, doit maintenant s’en mordre les doigts.

Cette réunion se tiendrait après que le gouvernement a annoncé à l’avance qu’il serait prêt à des concessions de pouvoir d’achat. Elle comprendrait aussi une délégation de gilets jaunes, à supposer qu’ils arrivent enfin à désigner des représentants capables de parler pour le mouvement. Tout cela coûterait de l’argent et exigerait une révision budgétaire pour 2019. Certes. Mais à court terme, on voit mal comment la protestation pourrait s’éteindre sans des avancées sonnantes et trébuchantes. L’Union européenne, par la voix de Pierre Moscovici ce jeudi matin sur France Inter, a déjà donné un blanc-seing implicite. Et pour une fois, l’effort financier irait aux classes populaires et non aux plus favorisés. Il arrive un moment où le social doit passer avant la finance. Surtout quand la maison brûle.

LAURENT JOFFRIN

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